Alors que la page Angelcorpse se refermait; Pete Helmkamp bouclait un chapitre de l’histoire du groupe mythique pour s’en aller vers d’autres terres sous d’autres cieux, toujours plus à l’ouest. En arrivant à San Francisco, il lui fallait bien trouver un truc à faire, un truc vite tapé pour y cracher son mauvais karma. L’idée a germé en quelques mois, et à la fin de l’année 2009 naissait Kerasphorus , pile photovoltaïque chargée à l’énergie noire prête à dérider les enceintes de la scène underground locale.Pour l’accompagner c’est un habitué des planches du coin qui se chargerait des parties guitares. B. Wolaniuk serait l’assistant artificier du sénéchal de la brutalité, juste là pour plaquer la tôle à même le marbre de la rythmique, et ce serait déjà pas mal.
Un suivi qui miserait plus sur la destruction que sur la construction, un truc qui nécessairement mettrait la machine à générer du bruit dans de bonnes dispositions pour l’office, un boulot de tir-au-flanc comme on les aime en gros et dans lequel Wolaniuk serait comme un poisson dans une bassine de whisky, heureux comme Dieu en France. Et pour bien faire les choses quoi de mieux que d’inviter aussi le vieux pote Read au barbecue ? Installé derrière les fûts, le marteleur de l’usine à gaz Revenge serait un admirable compagnon pour cette réunion.
Deuxième EP et EP posthume, Necronaut nous rappelle que Kerasphorus était une sacrée poinçonneuse. Le bras mécanique agile et le vérin hydraulique monté sur une matrice de diffusion solide, les deux titres de Necronaut ont la puissance que l’on attend du groupe. Cette force raw, cette frappe sèche et ferreuse qui ne joue pas de son élasticité mais plutôt de la puissance brute des claquages qu’elle développe quand elle frappe le métal sur l’enclume. L’usine fait rouler ses tapis et l’atmosphère est gâtée par un travail préparatoire où les blast-beat attendrissent les oreilles avant d’esquisser la moindre rupture.
Là où Kerasphorus pourrait juste servir la soupe, le groupe joue avec les contraintes qu’imposent les structures de ses morceaux pour bousiller les à priori qu’on aurait. Oui, le groupe nage dans la piscine de houille black metal et oui il distribue quelques uns des poncifs du death, pouvait on en attendre moins d’une éminence grise d’Order From Chaos ? Non. Mais on ne s’attendait pas non plus à ce que l’alliage révèle des propriétés aussi remarquables. La densité des morceaux s’appuie sur certaines asymétries fines pour le genre, surtout quand ils sont pratiqués avec une telle brutalité. Les déséquilibres et les textures âpres singularisent le côté strict de l’ensemble et les mélodies chaotiques de « Through The Spinal Void » rappellerait un Axis of Revenge de la grande époque quand se mettent en place les bouillonnements de son ventre hurlant. On ne pouvait pas rêver mieux pour un au revoir.
Violent, toujours à la rupture des genres, Kerasphorus nous livre deux comptines nucléaires, deux comptines post-apocalyptiques qui méritent à elles seules l’achat du vinyle . Un EP extrême et extrémiste, un faire part de décès rayonnant.