Electron libre de la scène hip-hop US, Danny Brown fait son retour dans un joyeux bordel ne ressemblant à aucun autre. Le natif de Detroit continue dans son exploration de la folie, des abus de drogues via des punchlines parfois bien délirantes, le tout toujours avec cette voix si spéciale. Si Old, son précédent album de 2013, avait un peu ouvert son champ d’action vers des passages dance et des invités plus grand public, Atrocity Exhibition revient un peu plus du côté de XXX (2011), n’hésitant pas à bidouiller vers des sonorités inattendues et vraiment peu communes dans le hip-hop.
L’introductif « Downward Spiral » aurait pu être une reprise de Nine Inch Nails, il s’agit en fait d’un titre assez minimaliste, la rythmique étant principalement tenue par une basse et une guitare au feeling jazzy. Le flow du gaillard est toujours aussi personnel et celui-ci nous commence son récit à propos de son mal-être et sa paranoïa. « Tell Me What I Don’t Know » personnifie ce malaise même vocalement, Danny apparaît en effet ici posé, presque désabusé (d’ailleurs à la première écoute, on pourrait croire à un invité, genre Ab-Soul). Changement radical par la suite avec « Rolling Stone », plus mélodique grâce à la présence du chanteur sud africain Petite Noir (qui n’a pas pris assez de cours de français) qui nous gratifie d’un entraînant refrain pour un single en puissance.
Une fois encore, les invités de marque sont légion chez Danny Brown. « Really Doe » voit par exemple la triplette Kendrick Lamar/Ab Soul/Earl Sweatshirt, soit la crème de la jeune génération US venir poser son flow. Bref, le sample principal avec ses clochettes est hypnotique tandis que l’entente entre ces « quatre fantastiques » est on ne peut plus puissante. « From The Ground » voit la participation de la chanteuse Kelela et de sa douce voix, là encore Brown se calme et expose avec humilité et recul sa vie et ce qu’il y a accompli. Le bien nommé « Get Hi » traite forcément de botanique et qui de mieux pour traiter du sujet que B-Real (Cypress Hill), un titre au tempo ralenti donnant presque l’impression d’être immergé dans un aquarium avec eux.
Le reste des compos (il y en a 15 en tout) offre son lot de surprises, notamment au niveau instrumental (« Lost » et son sample de chant féminin et de trompette, l’halluciné « Ain’t It Funny » et son ambiance free jazz à trompettes déchaînées, le tango revisité « Golddust », le tribal « Dance In The Water »…), Brown multiplie les influences et régurgite tout ça dans une énergie folle. Car s’il se calme sur un peu plus de titres qu’à l’accoutumée, la majorité est menée par son flow de malade mental, allant de pair avec ses délires d’écriture, sous substances ou déprimés (mine de rien, toujours aussi puissants et brillants).
Danny Brown reste un rappeur unique en son genre, nous livrant un album ultra dense, hors des clous et des clichés. Plus sombre et nostalgique que ce qu’il produisait par le passé (c’est que le gaillard prend un peu d’âge), ce Atrocity Exhibition est une nouvelle confirmation de ce que pèse aujourd’hui l’ami Danny dans le monde du hip-hop. L’un des…si ce n’est le meilleur album du genre de 2016.
- Downward Spiral
- Tell Me What I Don’t Know
- Rolling Stone
- Really Doe
- Lost
- Ain’t It Funny
- Golddust
- White Lines
- Pneumonia
- Dance In The Water
- From The Ground
- When It Rain
- Today
- Get Hi
- Hell For It
Coup de cœur pour moi aussi. Vraiment terrible ce disque. « Ain’t it funny » me rend dingue !
Pareil ici… J’écoute très peu de hip-hop mais ce que fait Danny Brown est énorme. J’avais déjà adoré le précédent mais je crois que celui-ci m’emballe encore plus. Fantastique.