En dehors de mes coups de cœurs musicaux de l’année que vous découvrirez en suite, cette année aura été marqué une nouvelle fois par une curiosité musicale insatiable confinant quasiment à la schizophrénie. Lassé des effets de manches (de modes bien marketées ?…) du business, des contingences des courants musicaux, d’un essoufflement créatif pour certaines vieilles valeurs sûres d’hier (n’est-ce pas messieurs les Melvins !) j’ai navigué dans tous ce que la musique au sens large pouvait aujourd’hui m’offrir de sensations. J’en aurais retenu le classieux Schostakovitch, compositeur russe contemporain de Staline, décédé en 1975, mais dont ses symphonies et ses strings quartets vont m’accompagner durant de longues décennies, le temps que j’assimile cette musique aussi sombre que violente, aussi tendue qu’habité d’un humour comme unique souffle d’espérance. Un monument musical du siècle dernier.
Plus proche de nous, plus déjanté, le sieur John Zorn avec entre autre son nouveau projet Moonchild (feat Patton, Dunn et Baron) m’aura fait plonger dans son univers free jazz où j’aurais redécouvert le psychotique Naked City, et surtout le projet Electric Masada et son At the Mountains of Madness où rock-jazz, groove et klezmer se donne le change entre urgence et ambiance éthérée. Capté live ce disque possède une énergie rare. A prioriser dans la pléthorique et inégale discographie de ce new yorkais.
Hydra head aura eu la bonne idée d’éditer Love that’s last- a wholly hypnographic & disturbing work une compile d’Oxbow groupe noise rock culte de la scène de San Francisco qui aura eu le bon goût de me faire retomber dans les univers décalés de ce groupe et plus largement de cette scène (jetez-vous sur The Jesus Lizard bordel !!!). Oxbow c’est avant tout le charismatique chanteur Eugène Robinson, sa voix d’écorché vif, ses textes violents et impudiques mais aussi une musique nerveuse, déglinguée et abrasive. A découvrir ou redécouvrir.
Histoire d’élargir un peu plus encore mon champ d’investigation, je finis l’année au cœur de l’univers hip hop, réintroduit par le travail de Dalëk et la compile de DJ Krush Stepping stone : the self remixed best. Sa production est un must-have du downtempo/abstract hip hop. Ne boudez pas ce petit génie japonais du son. Et c’est par cette entremise que cet univers s’ouvre avec entre autre les productions de MF Doom, le label Def Jux (Company Flow, Mr Lif, El-P, Aesop rock,…), le collectif Anticon (et surtout le canadien Buck 65) et de grands classiques jusque là boudés (le Wu Tang Clan, Gravediggaz, Cypress hill, Gang Starr,…).
Finalement une année riche une fois encore et c’est sans compter les p’tites bombes hardcore de Terror, de Sick of it all et autre Born From Pain, le compile Grind Final de Nasum, la surprise rock Giant Drag et les Peels Session de PJ Harvey… Vais allez me reprendre une aspirine moi.
Concerts
KILLING JOKE le 24 avril 2006 au Transbordeur – Villeurbanne
IMPURE WILHELMINA – OVERMARS – KNUT le 26 mai 2006 la MJC d’Oullins
YOUNG GODS le 1er septembre 2006 le Ward’in Rock Festival – Belgique
BASEMENT- BANANAS AT THE AUDIENCE le 10 novembre 2006 la MJC d’Oullins
MADE OUT OF BABIES le 24 novembre 2006 le Sonic – Lyon
Albums de l’année
Tv On the Radio – Return to Cookie Mountain
Un album qui m’aura bercé durant les six derniers mois de cette année. Second album de ces new-yorkais, sans contestation possible une révélation qui donne suite au déjà très prometteur Desperate Youth, Blood Thirsty Babes et son single imparable « Staring at the sun ». Une voix soul enivrante naviguant sur un flow rock électronique sombre rappelant le feeling de Bowie au mieux de sa forme. Un must-have de toute discothèque qui se respecte !
Killing Joke – Hosannas From the Basement of Hell
La légende Killing Joke revenait une nouvelle fois en ce début d’année pour enfoncer le clou d’un talent hors norme. Peu de groupes aujourd’hui peuvent se targuer d’avoir changé la face du son rock. Eux oui. Et ils le prouvent une fois de plus avec cet opus totalement habité. Critique sociale sur fond d’ésotérisme, un Geordie certainement dopé par la présence de Paul Raven, un Jaz Coleman toujours aussi possédé et enragé, une lithographie superbe comme livret. Du grand art sur fond de musique apocalyptique où comment danser sous les bombes le sourire aux lèvres !
My Brightest Diamond – Bring Me the Workhorse
Ma découverte de l’année. Premier album pour cette future égérie de la scène folk-rock. Un album qui tourne inlassablement depuis l’été dernier sur ma platine dévoilant petit à petit ces charmes. Lorsque le lyrisme de Jeff Bucley rencontre la noirceur de PJ Harvey et la suave tension de Beth Gibbons, ses histoires d’Alice aux pays des merveilles prennent une nouvelle dimension drapée d’une nostalgie sans fard. Tout simplement superbe !
Revolting Cocks – Cocked and Loaded
Le retour gagnant de l’un des meilleurs projets du père Al Jourgense, a contrario du projet Ministry qui prend sérieusement du plomb dans l’aile cette année avec son trash indus basique rongé par sa haine caricaturale anti-Bush. Avec Rev Co, c’est tout le contraire. Sauvage orgie sonore où le punk et le metal se font défoncer à grands coups de groove assassin et de samples tous plus déjantés les uns que les autres. Jello Biaffra, Gibby Haynes des Butthole Surfers entre autre viennent jouer dans la cour de Jourgensen et on en redemande encore ! Un album pour décérébrés, jouissif et inusable !
Sparklehorse – Dreamt For Light Years in the Belly of a Mountain
Mark Linkous sortit pour un temps de sa dépression chronique, nous offre un quatrième album en forme d’arlésienne où la mélancolie la plus profonde s’acoquine d’un folk-rock fait de bric et de broc. Du moins en apparence… L’ensemble de sa discographie est grandement conseillé.
Battle of Mice – A Day of Nights
L’incontournable label Neurot Records nous couvait un projet qui risque de marquer d’une pierre blanche leur production. La rencontre ou plutôt la confrontation de Julie Christmas de Made Out Of Babies et Josh Graham de Red Sparowes donne vie à ce projet sombre et obsédant d’une force et d’une beauté dévastatrice. Tension, rage, violence au cœur d’une nuit post-apocalyptique, sans fin et sans lendemain.
Converge – No Heroes
Le chantre du harcore actuel. Difficile de faire plus sauvage et violent sur fond de nihilisme exacerbé – oui je sais Jane Doe me hurlent les détracteurs et ils auront raison ! Mais No Heroes affine une fois de plus sa lame et ses exactions soniques. Un certain esthétisme de la violence en somme.
Made Out of Babies – Coward
Made Out Of Babies a confirmé avec ce second album tout le bien que je pensais de cette formation. Noise-core directe et brutale, Made Out Of Babies vogue toujours dans des eaux dégueulasses et poisseuses où Julie Christmas joue les cantatrices chauves. Une théâtralité des affects qui aurait pu lasser… Bingo, il n’en est rien et on en redemande ! Les vierges effarouchées passées votre chemin.
Bananas At the Audience – Into the House of Slumber
Aux confins du hardcore noisy, une nouvelle étoile est née. Bananas at the audience reviennent avec ce troisième album qui mérite bien plus qu’un simple succès d’estime. Se démarquant de leurs influences, leurs compositions se sont encore complexifiées tout en insufflant un groove imparable, le son a pris une nouvelle dimension et cet album n’est ni plus ni moins qu’un must de la scène française. Pas de doute, ils méritent grandement leur place ici et toute votre attention. Un outsider de choc !
Mogwai – Mr Beast
Evidemment Mogwai ne crée plus la surprise depuis belle lurette, mais aux vues de l’effritement d’une scène en post machin chose aussi plate que Charlotte Gainsbourg, et des qualités de cet album, impossible de l’oublier. Le chanteur d’Envy vient pousser la chansonnette, on retrouve des morceaux avec des ambiances à la Like Herod. Il ne m’en fallait guère plus pour renouer avec Mogwai. Une valeur sûre.