Emo : Au-delà du mascara – un genre ancré dans le hardcore

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Style: EmoAnnee de sortie: 2024

L’Emo est un genre souvent mal compris, considéré sous l’angle de stéréotypes et de clichés visuels. Pour moi, l’Emo va bien au-delà de l’esthétique et s’enracine dans une profondeur émotionnelle mise en musique sur un format rock.  Voici un petit article sur le sujet accompagné d’une playlist Spotify pour vous emmener à travers mon expérience personnelle du genre, qui a démarré pour moi à la fin des années 90. Elle en explore les différentes facettes, des premiers sons Emocore des années 90 aux évolutions plus récentes.

Emo : Un genre musical ancré dans le punk hardcore

L’Emo est un genre musical qui est apparu dans les années 1990 en tant que sous-genre du Punk Hardcore. C’est principalement un mouvement américain, bien qu’il se soit depuis répandu dans d’autres parties du monde depuis. C’est une musique rock issue d’une forme agressive de Punk, caractérisée par des voix mélodiques et émotionnelles.

Le Punk Hardcore, souvent simplement appelé « Hardcore » dans la scène, est une version plus agressive du genre Punk original. Il est devenu progressivement plus « métallisé » et sophistiqué, avec des voix de plus en plus criées. Le Punk a donc d’abord gagné en puissance pour devenir « hardcore », puis au début des années 1990, certains groupes ont élargi le hardcore pour réintroduire de la mélodie. Connu à l’époque sous le nom d’Emocore, cette nouvelle branche était caractérisée par des émotions fortes exprimées dans les paroles et une musique intense, plus intimiste.

La transformation s’est également ressentie dans les attitudes : le Hardcore est une musique urbaine, avec des codes culturels parfois proches du Hip-Hop émergent de l’époque, que ce soit en termes vestimentaires ou de paroles, qui étaient souvent politisées. Avec le nouveau genre emocore, l’accent est passé des vues politiques banlieusardes aux plaintes psychologiques de la classe moyenne. Il y a d’ailleurs un sous-genre de l’Emo qui se nomme « Midwest Emo » et caractérise bien le fait que l’émo est moins une musique urbaine. L’Emo a d’une certaine manière ramené le Hardcore dans le giron du Rock, incorporant des influences du Rock Qlternatif, de la Pop indé, et aussi pour certains groupes, des influences Metal plus sauvages, se ramifiant ainsi en de nombreuses branches, qui peuvent encore être rassemblées par leur approche mélodique et le coté cathartique exprimant une frustration adolescente.

Post-hardcore et emo

Il convient de noter que certains commentateurs ont introduit le terme « Post-Hardcore » pour les groupes qui ont développé l’agression et la dynamique du Hardcore à travers des arrangements plus longs et plus complexes, le préfixe « post » qu’on retrouve dans « Post-Rock ». Dans le Post-Hardcore, vous avez des groupes comme Unwound, Fugazi ou Drive Like Jehu qui ont combiné des éléments d’Indie/Hardcore/Noise et des groupes comme At The Drive-In ou Refused qui sont plus les précurseurs des groupes emocore. Ainsi, la plupart des groupes Emo sont techniquement du Post-Hardcore. En fait, à la fin des années 2000, de nombreux groupes se sont qualifiés de « Post-Hardcore »  pour éviter l’étiquette Emo qui était devenue quelque peu péjorative.

Un style vocal ou un look?

En général, l’aspect « Emo » d’un groupe est caractérisé par le style vocal, qui peut être appliqué à des types de musique très différents, du Post-Rock au Mathcore. Une façon de chanter de manière plaintive, vulnérable, souvent aiguë, parfois à demi-fausse, avec une connotation à la fois d’adolescence et de débordement de rage contenue. Certains diront que ce sont les paroles plus que le style de chant qui font l’Emo. Rien n’est simple pour caractériser ce genre musical, certains considéreront que les riffs de guitare, le style d’écriture des chansons et l’atmosphère générale sont tout aussi importants pour définir cette musique que les voix.
On peut aussi noter que d’autres mettront en avant le look. On a suffisamment moqué les excès en termes d’apparence et de tenues, les coupes de cheveux typiques en bol allongé avec teinture noire, l’eyeliner, etc. mais c’est très loin d’être des caractéristiques universelles de l’Emo. La grande majorité des groupes que je mentionnerai dans cet article n’ont pas ce look, qui a plutôt été popularisé par des groupes commerciaux qui n’ont plus grand-chose à voir avec le Hardcore. On peut quand meme s’avancer avec la généralité suivante: le profil type des fans de Hardcore était plutôt tatoué costaud au crâne rasé, skinhead de la classe ouvrière, tandis que la scène Emo est plutôt composée de métrosexuels certes souvent tatoués mais plutot frêles et intellos, ce qui colle avec la sensibilité particulière de cette branche du Hardcore.

Une évolution en sous-genres très divers

Il existe plusieurs tendances dans l’Emo, à la fois historiques et stylistiques. Il est assez difficile de décider où le faire commencer – tout comme où séparer le Hardcore du Punk -, car il y avait déjà des groupes qui pourraient être qualifiés ainsi dans les années 90 et meme 80. J’aurais tendance à classer ces groupes comme Punk ou Indie (Cap’n Jazz, Sunny Day Real Estate, Fugazi) et à commencer l’Emo dans les années 2000.

Je vais essayer de classer les groupes de ma playlist par sous-genre, sachant que certains groupes ont évolué au cours de leur carrière, par exemple, Thrice, dont les premiers albums avaient des morceaux plus orientés Metalcore. En général, de nombreux groupes ont eu 1 ou 2 bons EP/albums au début, puis se sont égarés dans des albums plus commerciaux et moins intéressants (The Used, Atreyu, Funeral for a Friend entre autres), je ne les inclurai pas même si je les aimais à l’époque, et il faut avouer qu’il y a aussi eu énormément de déchets (dont ceux qualifiés de Mall-Core). Les groupes ayant réussi commercialement du genre ne sont pas les plus intéressants pour moi (My Chemical Romance, Bullet for My Valentine, ou plus récemment ou Bring Me the Horizon). En bref, je n’ai mis dans cette playlist que des groupes que je respecte, et ce tout au long de leur carrière.

Je n’ai jamais vraiment été un grand fan de Punk de base, que ce soit du Pop/Punk (Blink 182, Green Day) ou du Punk arty/bruyant des années 80/90. J’étais dès fin 90s par contre un gros fans de At The Drive-In, et étant également fan de Metal et de Metal/Hardcore, j’ai toujours préféré les groupes du genre avec la musique la plus sombre et la plus complexe, parfois expérimentale, ou des iconoclastes qui se démarquent par une musique vraiment originale et inclassable.

Sélection d’albums phares par sous-genre

  • Précurseurs :

Jawbreaker – Dear You (1995)
Unwound – Repetition (1996)
Mineral – The Power of Failing (1997)
At the Drive-In – Relationship of Command (2000)

Ces groupes ont un son beaucoup plus proche du Rock Alternatif ou du Rock Indé des 90s meme si ils se posaient en opposition underground au Pop/Punk et au Grunge qui eurent plus de succès; leurs influences Hardcore ne sont présentes qu’en touches, et c’est du Hardcore encore brut, peu touché par le Metal.

  • Emo mélodique/Emo pop :

Cursive – The Ugly Organ (2003)
Brand New – Deja Entendu (2003)
Engine Down – Engine Down (2004)
Gatsbys American Dream – Ribbons and Sugar (2003)

Dans la continuité, au début des années 2000s beaucoup de groupes Emo étaient aussi du côté plus doux du Pop/Rock, bien qu’ils soient toujours qualifiés d’Emo en raison de leurs approches vocales. Gatsbys American Dream est un groupe que j’aime particulièrement, avec une approche très intéressante des structures de chansons et de la composition, à la limite du Rock Progressif.

  • Emo/Post-Hardcore :

Thursday – Full Collapse (2001)
Thrice – The Artist in the Ambulance (2003)
Sparta – Wiretap Scars (2002)
Saosin – Translating the Name (2003)
Further Seems Forever – How to STart a Fire (2003)

Pour moi, l’Emo devrait avoir des riffs de guitare agressifs, et les premiers groupes qui ont vraiment mélangé des riffs Hardcore avec des voix Emo sont apparus dans les années 2000. Full Collapse de Thursday a été une révélation pour beaucoup. La folie de la musique de At The Drive-In aussi, alors qu’elle évoluait vers The Mars Volta, leur progéniture expérimentale/jazzy, et Sparta, qui concentrait leur côté Emocore.
C’est aussi à ce moment que l’emo est entré dans le mainstream avec des tubes grand public au milieu des années 2000. Des groupes comme My Chemical Romance, Fall Out Boy, Panic! At The Disco, Dashboard Confessional, qui sont plus faciles à écouter mais moins intéressants à mon goût.

  • Emo/Metal/Hardcore :

Poison The Well – You Come Before You (2003)
Boysetsfire – Tomorrow Come Today (2003)
Alexisonfire – Watch Out! (2004)
A Wilhelm Scream – Ruiner (2005)
Haste – The Mercury Lift (2003)

Certains groupes, à la même époque, ont conservé une approche Metal/Punk/Hardcore, se concentrant sur l’énergie, avec des sets live explosifs, mélangeant cris et voix claires.

  • Midwest Emo :

Tiny Moving Parts – Swell (2018)

Cette branche spécifique de l’Emo garde l’énergie du hardcore en elle mais explore davantage les licks de guitare du Math Rock. American Football ou Sunny Day Real Estate sont des groupes majeurs des années 90, mais je préfère leur équivalent des années 2010, Tiny Moving Parts, qui a ramené un peu de punch Hardcore dans leurs hooks poppy noueux.

  • Emo/Post-Hardcore/Math-Rock :

Hail The Sun – Wake (2014)
Eidola – Degeneraterra (2015)
Artifex Pereo – Passengers (2016)

Un nouveau mélange est apparu dans les années 2010, mené par Dance Gavin Dance, et le label du guitariste Blue Swan Records, avec un son plus large et plus technique, Rock Progressif, Mathcore, Screamo fusionnés avec des voix Emo aiguës.

  • Emo Mathcore :

Glassjaw – Worship and Tribute (2002)
The Bled – Found in the Flood (2005)
The End – Elementary (2007)

D’autres groupes étaient encore plus extrêmes, incorporant des aspects chaotiques dans leur musique (Converge étant une grande inspiration), tout en conservant des refrains chantés clairs qui les maintenaient dans la scène Emo.

  • Emo Post-Rock :

Moving Mountains – Pneuma (2007)

Le Post-Rock est généralement instrumental (Godspeed You! Black Emperor, Slint, Mogwai, Explosions in the Sky), ou a des voix spéciales (Sigur Rós, Swans). Moving Mountains, sur leur album de 2007, a parfaitement mélangé le genre Post-Rock avec des voix Emo.

  • Screamo :

Envy – A Dead Sinking Story (2003)
Gospel – The Moon Is a Dead World (2005)
Kidcrash – Jokes (2007)
La Dispute – Wildlife (2011)

Le Screamo, comme son nom l’indique, est le moment où l’Emo a retrouvé des sonorités plus agressives, avec des vocaux criés distinctement angoissés, tandis que la musique elle-même évoluait vers le Post-Rock.

Les années 2000 ont sans aucun doute été l’apogée de la scène, mais l’Emo continue de survivre aujourd’hui, avec de nouveaux groupes qui sortent des albums et des fans de la génération millenial toujours intéressés par les reformations et les tournées. Je devrais également mentionner que les influences Emo ont atteint certains artistes de Hip-Hop et d’Electro.

Réflexion finale :

Cet article fournit je pense une bonne base pour exploration du genre, avec une vision de cette musique qui me correspond, mettant en lumière ses différentes facettes à travers le prisme de ma propre expérience. Bien que cela ne soit ni une histoire exhaustive ni un guide complet, j’espère que cela a éveillé votre curiosité et vous a encouragé à plonger plus profondément dans cet univers et à découvrir les sons et les expériences musicales variées qu’il englobe. Rappelez-vous que, même au sein des sous-genres, chaque groupe peut avoir uen touche/approche unique, alors n’hésitez pas à explorer au-delà des recommandations fournies et à trouver les groupes qui résonnent le plus avec vous.

Et pour finir et démontrer que le genre est loin d’etre mort, enfin du moins qu’il a encore un paquet de nostalgiques, quelques affiches de festivals prévus en 2024:

jonben

Chroniqueur

jonben

Krakoukass et moi avons décidé de créer Eklektik en 2004 suite à mon installation à Paris, alors que disparaissait le webzine sur le forum duquel nous échangions régulièrement, ayant tous deux un parcours musical proche entre rock et metal, et un goût pour l'ouverture musicale et la découverte perpétuelle de nouveautés. Mes goûts se sont affinés au fil du temps, je suis surtout intéressé par les groupes et styles musicaux les plus actuels, des années 90s à aujourd'hui, avec une pointe de 70s. J'ai profité pendant des années des concerts parisiens et des festivals européens. J'ai joué des années de la guitare dans le groupe Abzalon. Mes styles de prédilection sont metal/hardcore, death technique, sludge/postcore, rock/metal prog, avec des incursions dans le jazz fusion et le funk surtout, depuis une île paumée de Thaïlande. 

jonben a écrit 531 articles sur Eklektik.

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