Pour ceux qui ne connaîtraient pas les allemands de Porta Nigra, ils avaient sorti un premier album en 2012 – déjà chez Debemur Morti – chroniqué ici .
Ceci étant dit, ils sont de retour trois ans plus tard, toujours dans les mêmes thèmes et toujours avec la même niaque. Seulement de l’eau a coulé sous les ponts depuis le très bon Fin de Siècle . En effet, le bien nommé Kaiserschnitt (césarienne) n’est en rien une redite du précédent effort. Même si les deux Coblençois restent dans leur univers bien à eux, suspendus dans le temps, ils ont profité de ces 3 années pour faire mûrir leur projet et solidifier leur musique sans pour autant perdre en inspiration.
Alors à première écoute ça fait bizarre, je ne vous le cache pas. Après le précédent album qui était un dark métal grandiloquent avec des pointes de génie, ici on perd les fioritures et on attaque direct dans le vif du sujet. Le son est à la fois plus direct, ce qui est fort appréciable et moins organique, ce qui peut être gênant au début mais qui fait parfaitement sens au fil des écoutes.
La première chose qui m’a frappée et qui est le gros point fort de cet album c’est le caractère hyper vicieux des guitares. L’agression guerrière qui est un thème fort tout au long des 46 minutes de Kaiserschnitt n’est pas rendue façon gros sabots. Au contraire, elle passe par une batterie cognée en retenue et des guitares sournoises qui se faufilent un chemin dans votre esprit. Si le chant braille volontiers (je salue d’ailleurs la palette vocale impressionnante d’O. qui gère les vocaux extrêmes aussi bien dans les graves que dans les aigus), il est loin d’être monotone et se complémente de petites voix susurrées qui font froid dans le dos et de voix claires qui sonnent super bien. La diction joue un grand rôle dans cet album, les mots sont découpés pour accompagner les coups de fouet des guitares et ainsi mettre en valeur les paroles. Les exemples les plus probants en sont sans doute ‘Kaiserschnitt’ et ‘In Stahlgewittern’ mais c’est notable dans des registres différents sur des titres comme ‘Mata Hari’ ou ‘Hepatitis Libido’ dans lesquels les voix chuchotées viennent soulager l’auditeur de la tension créée par la ligne de guitare ou de basse.
Globalement, ce CD a pour moi beaucoup de moments thrash dans l’esprit même si le style ne pourrait pas être qualifié de thrash. En effet on retrouve sur presque tous les titres ces guitares incisives qui, jouées en aller-retour, vous cisaillent les nerfs comme dans le thrash mais ici la recette finale est plus personnelle. Les passages martiaux sont bien gérés (titre éponyme) et les influences très bien digérées. On est dans du « in your face » groovy à la Killing Joke (‘Femme Fatale’), dans de la tempête de riffs millimétrée qui dépote sans prendre la tête (‘Die Mensur’ et ‘In Stahlgewittern’), dans de l’entraînant à la Nachtmystium qui donne envie de lever le poing sans pour autant être cheap (je maintiens que le riff d’entrée de ‘Der Letzte Ton’ aurait pu être écrit par les américains) et dans du complètement perso qui parvient à un rendu mélancolique sans être plaintif (‘Mata Hari’, très bien vu le petit xylophone, et ‘Hepatitis Libido’ avec son excellente ligne de basse).
Au final, c’est un disque très homogène et solide. Les trois premiers morceaux ainsi que ‘Mata Hari’ et le formidable ‘Hepatitis Libido’ sont des tubes mais les autres titres ne sont vraiment pas en reste. Je ne mettrais à part que l’interlude piano/spoken words ‘Kein Schönerer Tod’ qui certes aère la rafale des 4 chansons précédentes mais ne présente pas non plus un intérêt extraordinaire pour moi.
A travers sa patte décidément personnelle, Kaiserschnitt séduit l’auditeur pour mieux lui arracher la tronche. J’aime beaucoup l’approche très masculine et directe donnée à cet album qui pourtant traite de thèmes très féminins (jetez un œil aux paroles, ils y attachent visiblement de l’importance car ils ont pris la peine de les faire figurer en anglais en plus des originaux allemands dans le livret). Ça donne un ensemble équilibré, ingénieux et cohérent qui passe haut la main le test des écoutes multiples. Il gagne même en intensité au fil des écoutes, ce qui inspire toujours le respect.
Pour se faire une idée, l’album est en écoute sur le bandcamp de Debemur Morti. Si vous n’avez le temps que pour un seul morceau, je recommanderais d’écouter le titre éponyme.
http://dmp666.bandcamp.com/album/kaiserschnitt
Tracklist:
1- Die Mensur
2- Femme Fatale
3- Kaiserschnitt
4- In Stahlgewittern
5- Kein schönerer Tod
6- Mata Hari
7- Hepatitis Libido
8- Ich-Zerfall
9- Der letzte Ton