Angra avait encore tout à prouver. En effet, les guitaristes Kiko Loureiro et Rafael Bittencourt devaient encore démontrer qu’ils pouvaient survivre au split survenu début 2001, qui causa le départ des 3/5ème du groupe qui s’en allèrent fonder Shaman. Un split pareil avait de quoi laisser septique sur l’avenir des Brésiliens. Si en 2001, Rebirth, l’album de la résurrection, était un très bon cru, il n’était pas non plus le disque qui redonnait à Angra une certaine estime perdue dans le cœur des die-hard fans. Ce qui n’arrangea rien fut l’horrible Rebirth World Tour – Live in Sao Paulo au son catastrophique, indigne d’un groupe de la stature d’Angra. Loureiro et Bittencourt avaient donc encore à prouver qu’Angra sans Matos, Confessori et Mariutti était encore Angra et pouvait encore nous donner de bien grandes joies musicales.
En 1996, Angra avait sortit avec Holy Land un véritable chef-d’œuvre de heavy metal symphonique. Un album conceptuel absolument divin sortit à une époque ou la mode du heavy metal symphonique n’avait pas encore éclos. En 2004, Angra s’essaye de nouveau au concept-album. Rafael Bittencourt a en effet écrit un concept assez polémique sur la religion et la philosophie. Il s’est servi de l’histoire d’un chevalier en croisade au XI ème siècle qui se pose des questions sur la pertinence de son combat et sur l’Eglise et qui à cause de cela se fait tuer, pour établir un parallèle avec les événements actuels. Pour en savoir plus, regardez cette page.
Passé la superbe intro symphonique « Deus Le Volt », on est tout de suite frappé des « Spread Your Fire » par le chant d’Edu Falaschi. Le nouveau vocaliste de la formation brésilienne paraît bien sobre sur Rebirth comparé à sa prestation sur ce nouvel album. On sent qu’il s’est vraiment lâché au niveau du chant, poussant plus sa voix, chantant plus haut (« Angels And Demons »), utilisant une palette vocale plus variée (« The Shadow Hunter », « No Pain For The Dead »), rappelant même ce bon vieux Dédé Matos (« Sprouts Of Time ») par moment. C’est vraiment sur ce Temple Of Shadows qu’on peut affirmer que Loureiro et Bittencourt ont eu le nez fin en choisissant Falaschi pour succéder au roi Matos. Bien sur, il y en aura toujours qui regretteront son prédécesseur, mais il y en aura d’autres (comme moi) qui préféreront la nouvelle voix d’Angra.
Si Rebirth avait été un album pour rassurer après le départ de la triade parti fondé Shaman, Temple Of Shadows est là pour montrer qu’Angra peut évoluer sans renier son passé. Evidemment il y aura toujours des grincheux pour trouver que cette évolution est bien peu de chose. La première qualité de ce nouveau cru, c’est sa variété.
Le groupe a mit un tigre dans son moteur, beaucoup de morceaux ont bénéficié d’un coup de speed, adjonction d’une influence heavy speed allemande (Helloween, Gamma Ray en tête). Mais Angra n’en a pas perdu cette spécificité toute brésilienne dans son metal, le groupe se révélant toujours plus fin, original et inspiré que la cohorte de suiveur inspiré par un certain metal à l’allemande. « Spread Your Fire », « Angels And Demons » ou « The Temple Of Hate » (avec la participation de Kai Hansen (Gamma Ray)) sont de véritables pépites de power metal rapide et racé.
Cet album est aussi marqué d’un sceau très progressif. Il est évident qu’Angra, sur un album comme Holy Land, était déjà un groupe assez progressif dans sa démarche. Si Fireworks ou Rebirth ont un peu levé le pas sur le côté progressif du groupe, Temple Of Shadows s’y replonge avec bonheur. On notera donc sur ce disque des sonorités proche de certaines références de la scène progressive comme Dream Theater (« Waiting Silence »), Ayreon (« Wishing Well »), Symphony X ou encore Fates Warning. Mais encore une fois, Angra reste Angra, ne perd pas cette magie du son Angra.
Mais qu’est-ce que cette magie Angra justement ? Il s’agit tout simplement d’une formule donnant naissance à un heavy metal assez progressif, fin, racé avec des touches symphoniques, latinos voire tribales. Le break symphonique en plein milieu de « The Temple Of Hate », rappelant celui de « Nothing To Say » (sur Holy Land), c’est du pûr Angra. Les influences latines sur « The Shadow Hunter », tel un flamenco magique accompagné de légères percussions made in Brasil sur un morceau épique long de 8 minutes, fait aussi parti de cette formule magique qu’Angra garde jalousement. Ces effluves jazz latino qu’on retrouve sur le mystérieux « Sprouts Of Time », autre tour de passe-passe des brésiliens, alimentent aussi ce tableau très coloré qu’est Temple Of Shadows. Autre coup de baguette magique, l’apparition de Milton Nascimento, chanteur brésilien populaire qui vient colorer l’harmonieux tableau sur un « Late Redemption » plein de surprises.
Une autre qualité d’Angra est la façon dont s’enchaîne les titres. Si le début paraît plutôt classique, influence allemande oblige, les morceaux se font plus surprenant à mesure que le disque avance. Disons le tout net, ce Temple Of Shadows est une merveille épique et colorée, le genre de disques parfait pour s’évader des mornes horizons des terres européennes d’un power metal qui se mord la queue. En pratiquant ce genre de heavy speed il est facile de tomber dans la mièvrerie ou dans le kitch. Angra semble définitivement immunisé contre ça, tout ce disque n’est que finesse et émotion. Même la ballade « Wishing Well », qui semble sortir tout droit d’un disque d’Ayreon, a certes quelques relents FMisant agaçants, mais elle s’inscrit pourtant bien dans un ensemble harmonieux et travaillé.
Si le groupe invite quelques « personnalités » sur cet album, ce n’est pas non plus un coup de pub pour masquer un album en toc, comme beaucoup le font. Si j’ai déjà parlé des interventions de Kai Hanser et de Milton Nascimento, je n’ai pas encore cité le chanteur de Blind Guardian Hansi Kürsch, à la voix héroïque, sur un « Winds Of Destination » déboulant tel un ouragan et avec un solo de guitare renversant de virtuosité et de génie. Je n’oublierais pas non plus de mentionner Sabine Edelsbacher (Edenbridge) qui intervient de sa voix angélique au milieu de « No Pain For The Dead ».
Bref je pourrais encore écrire des pages et des pages pour vanter les qualités d’un tel album, car il y en a des subtilités sur ce disque, qu’on découvre avec plaisir après de nombreuses écoutes. On sent un travail de groupe derrière, ce n’est plus uniquement le travail du duo Loureiro-Bittencourt mais bel et bien celui d’un nouvel Angra.
Si j’osais, je dirais que cet album est du niveau d’un Holy Land. Mais les fans de l’ancien Angra risquent de me lapider pour mon impudence. En tout cas, pour moi, il s’agit de leur meilleur album. Camarades, faites votre choix !
- deus le volt !
- spread your fire
- angels and demons
- waiting silence
- wishing well
- temple of hate
- shadow hunter
- no pain for the dead
- winds of destination
- sprouts of time
- morning star
- late redemption
- gate xiii
Angra immunisé contre la mièvrerie? Tu t’embales peut-être la Monster!
excellent retour d’Angra!
Je ne suis pas vraiment fan de ce qu’Angra a fait avant, mais il y a sur cet album des passages vraiment nickels… dommage que d’autres soient trop héroïco-kitsch à mon goût.
En tous cas pour un fan du style, je comprend que t’apprécies cet album.