On serait presque passé à côté, ou tout du moins passé dessus trop rapidement, sûrement pour cause de mauvais timing. Et pourtant ce douzième album du révérend Warner sorti le 22 novembre 2024 vaut le coup de s’y arrêter.
[Précisons d’emblée, qu’avec tout le respect et l’empathie que l’on doit à ses potentielles victimes, on ne s’appesantira pas ici sur les scandales et épisodes judiciaires qui concernent le personnage dans sa sphère privée, laissons la justice « faire son travail » et statuer sur son sort].
Se mettant en scène comme d’usage sur la pochette (avec un nouvel auto-portrait sans concession), Manson nous livre un album qui est peut-être le plus proche de ce qu’il proposait lors de ces années les plus fastes, avant son revirement plus posé/chanté (Pale Emperor et Heaven Upside Down, albums queje n’ai personnellement toujours pas réussi à apprécier malgré des réécoutes récentes) et en oubliant les Eat Me, Drink Me et The High End of Low, a priori pour longtemps encore ses albums les plus insipides et peu inspirés. Quant au virage rock inspiré et réussi de We Are Chaos, fruit d’une collaboration avec Shooter Jennings, il est lui aussi mis de côté pour un retour vers des ambiances un peu plus metal/indus, rapprochant donc certainement ce nouveau cru des années Antechrist Superstar/Holy Wood/Mechanical Animals. C’est aussi l’album qui voit le retour de Tyler Bates à la guitare (lui qui avait sévi déjà sur Pale Emperor et Heaven Upside Down, mais n’était pas crédité sur We Are Chaos), mais aussi en tant que producteur au côté de Manson.
Les quatre années qui séparent One Assassination Under God – Chapter 1 de We are Chaos ont en tout cas visiblement été mises à profit par Brian Warner pour accoucher de 9 compositions aussi réussies qu’inspirées. On y retrouve aussi une ambiance assez mélancolique qui transparaît dans des lyrics qui tendent parfois vers la colère et montrent (sans surprise) que Manson en a gros sur la patate et tente au passage de régler ses comptes. Ça démarre fort avec le morceau-titre, sur lequel son chant se montre toujours aussi solide et s’il y a bien un constat à l’avenant sur l’ensemble de l’album c’est clairement cette constance vocale inattaquable. Une voix parfois un peu différente de celle qu’on a connu (notamment au démarrage de l’album qui peut surprendre), mais qui reprend rapidement ses accents familiers (jusque dans les gémissements aigus qu’on lui connaît sur les albums de la première ère, comme sur « No Funeral Without Applause »). Les deux premiers titres de l’albums tout réussis qu’ils soient, font partie des titres les plus mélancoliques (même s’ils s’animent finalement en cours de titre), et l’on en retrouvera d’autres d’ici à la fin de l’album (notamment avec le single lui aussi très réussi « As Sick as the Secrets Within »). Mais Manson ne serait pas Manson, celui qu’on apprécie, s’il ne nous proposait pas quelques coups d’éclat en forme de titres plus agressifs avec le rageur « Nod if you Understand » d’abord, ou plus irrévencieux forcément, avec l’excellent « Sacrilegious ». Le côté plus pop à la Mechanical Animals émane pour sa part d’un titre comme « Meet Me in Purgatory », et son refrain imparable en diable, tandis que « Raise the Red Flag » mélange un peu la facette pop avec ce refrain lui aussi infectieux en diable, et la facette plus agressive du groupe.
L’équilibre entre ces titres aux ambiances variées est clairement une force d’un album qui s’écoute parfaitement et dont les écoutes successives semblent confirmer une agréable longueur en bouche. L’album se termine avec la balade rock « Sacrifice of the Mass » qui s’avère très réussie également pour faire redescendre la tension avec cette guitare sèche qui ouvre sobrement le titre avant que celui-ci se métamorphose pour atteindre une sorte de climax émotionnel parfaitement convaincant une fois encore.
Avec 9 titres pour 43 minutes, rien à jeter, et donc un album réussi du début à la fin, pas de doute : Manson est en grande forme, au moins musicalement, et l’on ne se joindra pas à ceux qui voudraient bannir l’artiste pour toujours, rayer purement et simplement de la carte ses œuvres passées pour des actes (évidemment abjects s’ils sont avérés) commis par l’homme. Franchement positif à l’égard de ce premier chapitre on est même impatient d’entendre le 2ème quand il arrivera!
NDKrakou : à noter que Reba Myers, talentueuse chanteuse/guitariste de Code Orange, a rejoint il y a quelques semaines déjà le line-up du groupe de Manson pour les tournées.
Tracklist :
01 – One Assassination under God
02 – No Funeral Without Applause
03 – Nod if You Understand
04 – As Sick as the Secrets Within
05 – Sacrilegious
06 – Death Is not a Costume
07 – Meet Me in Purgatory
08 – Raise the Red Flag
09 – Sacrifice of the Mass