Un certain buzz autour de ce cinquième album de Rivers of Nihil, et pour une fois c’est mérité. Après la déception de The Work en 2021 (voir notre chronique), ce nouvel opus redresse clairement la barre et propulse le groupe dans une nouvelle ère, plus brutale, plus sombre, plus maîtrisée. Certains parlent d’un virage plus progressif — c’est vrai sur certains morceaux — mais il ne faut pas s’y tromper : cet album est violent, écrasant, et résolument Death Metal. Ce n’est pas une tentative d’élargir leur public, c’est un disque fait pour les amateurs de Death technique et de Metal extrême, avec l’esprit ouvert.
Where the Owls Know My Name (2018) est pour moi un sommet du Death progressif de ces dernières années, ce Rivers of Nihil reprend là où il en était resté, mais les changements de line-up ont renouvelé également leur son. Le départ du growler historique Jake Dieffenbach en 2022 a été salutaire. Honnêtement, c’était l’élément le moins intéressant du groupe — il ne proposait que des growls classiques avec peu de variations. À sa place, le bassiste Adam Biggs reprend le micro avec une puissance vocale que je trouve supérieure : incisif, brutal, varié, il insuffle plus de personnalité au niveua vocal. Une évolution comparable à celle de Fallujah qui ont mis du temps à trouver un chanteur à la hauteur. Autre changement majeur au niveau vocal : l’arrivée d’Andy Thomas, ancien leader de Black Crown Initiate, groupe très proche musicalement donc j’était très fan. Son apport est indéniable dans le Rivers of Nihil version 2025. Guitare, composition, et surtout voix claires — il apporte une nouvelle palette d’émotions, sans dénaturer le propos pour autant, meme si ses voix chantées sur des refrains en forme d’hymnes pourront offusquer le Death métalleux obtu. Il chantait déjà sur le morceau « Where the Owls Know My Name » de l’album du même nom, ce n’est donc pas une surprise musicalement, et ici il fusionne à merveille avec l’univers du groupe.
Musicalement, Rivers of Nihil a une approche du riff très spécifique. On n’est pas dans le riffing mélodique ou technique façon Tech Death classique : ici, c’est du chug, du palm mute à gogo sur du mid-tempo écrasant. L’objectif n’est pas de briller façon virtuose mais d’écraser l’auditeur sous une chape de plomb. Les contrastes viennent des nappes de claviers, des voix claires, de quelques leads de guitare et bien sûr du saxophone (joué ici par Patrick Corona de Cyborg Octopus), que le groupe a participé à introduire dans le Metal, et toujours présent sur une bonne moitié des titres. Certains riffs évoquent même une vibe djent/thall à la Vildhjarta, avec ce genre d’ambiance bien glauque, presque rituelle.
C’est d’ailleurs la batterie qui apporte la technicité, pas les guitares. Les structures restent globalement classiques, ce qui est peut-être le seul reproche qu’on pourrait faire à l’album. Un ou deux titres de plus dans la veine de “Despair Church” — probablement le plus progressif ici — auraient apporté une vraie touche audacieuse supplémentaire.
En parlant des morceaux, difficile de passer à côté de l’introductif “The Sub-Orbital Blues” — relativement mélodique, mais qui ne passera pas du tout si on n’est pas déjà accoutumé aux growls. Le cœur de l’album est remarquable : “Despair Church” et sa liturgie malsaine, “Water & Time” et “House of Light”, tous portés par des contrastes bien dosés entre violence et envolées vocales. Et puis tout s’accélère avec “Evidence” et “American Death”, deux missiles placés coup sur coup, d’une brutalité hallucinante.
Le seul choix discutable reste peut-être le fait d’avoir nommé l’album Rivers of Nihil, et d’avoir dessus un morceau appelé “Rivers of Nihil”… On a vu plus inspiré niveau lisibilité dans une discographie.
Enfin, pour ceux qui s’attendent à une mue vers un Metal Prog à la Devin Townsend (ce que j’ai pu lire): passez votre chemin. À la rigueur, on pourrait évoquer Strapping Young Lad pour l’intensité sonore, mais ce disque reste fermement ancré dans le Death Metal. Les éléments progressifs sont là en soutien, jamais en pilotage. Les fans de Dream Theater ou Haken risquent de partir en courant.
En résumé, Rivers of Nihil n’est pas une relecture des grands classiques du genre. C’est un disque unique, exigeant, qui avance dans une direction personnelle : extrême, sombre, parfois introspective, mais toujours d’une intensité rare. Un des albums de l’année, sans aucun doute.
RBD
il y a 3 moisJe ne suis pas un vrai fan du groupe, mais je garde un œil dessus depuis que je les avais découverts à l’époque de leur premier album et première tournée européenne de Tech Death sur laquelle ils passaient pour les débutants encore bourrins croisant Meshuggah et Gojira. C’est clair que sur cette cuvée 2025 il y a un retour aux racines du Death Metal bien puissant, aux riffs étonnamment lourds sous une production limpide. Il conserve des envolées Prog’, Djent et des coups de saxo, mais avec une meilleure fluidité qu’avant entre toutes les parties. Certains groupes moins connus cherchent encore cette voie et ce cinquième volume va certainement trouver son public.
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