Les Suédois de Vildhjarta reviennent avec un album dans leur langue + Där skogen sjunger under evighetens granar +, ne nous y méprenons pas sous la ruguesse de leur son réside des poètes, « Là où la forêt chante à l’ombre des épicéas de l’éternité. » Et tous les noms de morceaux seront entourés de « + » car le premier se nomme « Remplacer toutes les étoiles du ciel par des “+”. » Pourquoi pas, l’artwork quant à lui a un coté bouddhiste tibétain, on est loin de l’esprit futuriste mécanique glauque qu’inspire leur musique.
Ce troisième album pousse encore plus loin son esthétique et redéfinie le concept autour du « thall » : un genre créé rien que pour eux, un djent anguleux, ultra syncopé, bâti sur des guitares abaissées et des textures volontairement « tordues ». Plus d’une décennie après Måsstaden, le groupe continue d’occuper une place à part, assez éloignée de la matrice de Meshuggah le précurseur : ici, les riffs ne cherchent pas l’hypnose mécanique mais un labyrinthe de fractures rythmiques, de silences lourds, de démarrages au cordeau et d’harmoniques grinçantes qui donnent à l’ensemble un parfum d’« ailleurs ».
La production appuie ce sentiment d’étrangeté : graves massifs, aigus abrasifs, mid-tempo écrasés qui se dérobent sous les pieds, surgissements de couches ambient et de drones granuleux. La rythmique, d’une précision chirurgicale, morcelle les cycles, joue des décalages et des accentuations inhabituelles ; chaque break ressemble à une trappe qui s’ouvre, chaque relance à une onde de choc. Quand le groupe densifie encore le propos—guitares en mur compact, contretemps qui serrent la gorge—on retrouve cette signature « autre-monde » qui a tant influencé la scène djent/post-metal.
Bonne surprise : les rares touches de chant clair apportent un contraste bienvenu. Sans lisser le propos, elles créent des respirations, installent une mélancolie froide qui dialogue avec les atmosphères inquiétantes, et laissent entrevoir une voie à creuser. Musicalement, on sent une attention extrême au détail : motifs ramenés par petites touches, reprises de figures rythmiques sous un angle différent, transitions qui ne forcent jamais le trait.
Reste que l’album peut donner—par moments—une impression d’homogénéité : la formule, très aboutie, finit parfois par se mordre la queue, et l’on souhaiterait ici ou là un écart plus net (un vrai pivot mélodique, une accélération franche, un plan aéré qui casse l’étau). Mais pris morceau par morceau, le niveau demeure élevé : écriture millimétrée, son massif, atmosphères « alien » et cette façon unique de faire parler les silences autant que les notes.
En somme, + Där skogen sjunger under evighetens granar + est un retour solide et cohérent : Vildhjarta y redouble de lourdeur, d’angles vifs et de textures inquiétantes. Un disque dense, technique et immersif—peut-être un peu uniforme sur la durée—mais qui confirme, sans conteste, la singularité du groupe au sein du djent et du post-metal. Retour réussi.
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