Faire un disque de country quand on est un groupe de métal revient manifestement à vouloir se mettre à dos l’ensemble de son public. Alors quand en plus l’auteur de cette bête est une icône du mouvement death/grind on frôle de très près le suicide artistique pur et simple. Puisqu’en effet, comme le nom du groupe l’indique, il s’agit ici de Jeff Walker autrement plus connu pour ses aventures au sein du légendaire Carcass. L’annonce de l’enregistrement d’un disque de reprises country par ce géant du grind avait déclenché un tonnerre d’indignation, tonnerre qui ne cessa pas de gronder après l’annonce du titre de cet album où la référence à Carcass est tout à fait évidente. Alors coup marketing de Jeff Walker pour vendre son album country sur le dos de Carcass ? A en croire son géniteur cela viendrait juste d’une blague avec ses partenaires d’enregistrement. Nous voilà rassurés.

Avant de me lancer dans cette chronique j’ai mené ma petite enquête, bien aidé par le net il faut le dire, pour dénicher les morceaux originaux qui composent ce disque n’étant moi-même pas vraiment un fan de country, afin de me faire une idée du travail de Jeff Walker et je suis obligé de constater que les reprises du sieur Walker sont particulièrement fameuses et certains morceaux prennent, grâce à son traitement métallique une toute autre dimension. En terme de vocaux, la palette déployée par notre ami est particulièrement large et variée passant de grognements la plupart du temps à des passages en voix claires en passant par des chœurs occasionnels. Citons Shane McGowan (The Pogues) (« i’m so lonesome i could cry) » et Dave Mustaine (Megadeath) comme les principaux noms qui me sont venus en tête à l’écoute de l’album. Shane McGowan pour son timbre cassé mythique, Dave Mustaine dans ses parties grognées que l’on connaissait bien à l’époque d’un Countdown to extinction ou d’un Youthanasia.

Mais ce qui fait le force du disque, outre les compositions dont nous reparlerons plus tard, c’est l’impressionnante liste de « stars » qui ont participé avec Jeff Walker à ce projet un peu fou, courant ainsi le risque, comme le fait remarquer Jeff non sans humour, de compromettre leur réputation personnelle et musicale. Ainsi, les frères Cavanagh (Anathema), Pasi Koskinen (ex-Amorphis), Nick Holmes (Paradise Lost) ou encore Shane Embury (Napalm Death) ne sont qu’un échantillon de ce qu’on peut retrouver sur le disque. Et, même si leur participation est plutôt discrète, celle de Nick Holmes est plus flagrante, celui-ci chantant en duo avec Jeff sur le très bon Keep on rocking in the free world (encore une référence à Carcass et son « keep on rotting in the free world » sur Swansong).

Pour ce qui est des morceaux à proprement parler, la crème de la country est ici représentée avec des reprises de Johnny Cash, John Denver, Hank Williams, The birds etc etc… Autant de noms qui ne disent pas grand-chose à nous autres européens peu enclins à ce genre de musique il faut l’avouer. Et pour le coup Jeff Walker n’a pas choisi la facilité, les morceaux choisis étant en majorité des morceaux lents, mélancoliques, voir même d’amour. Pour les fans de Carcass, amateurs de viande fraiche, on repassera. Et même si le choix s’avère judicieux à l’écoute de l’album, certains morceaux sont clairement en dessous comme ce répétitif (et casse couilles) « Rocky mountain high », particulièrement laborieux à écouter d’une traite. Par contre des morceaux comme « the man comes around » ou le magnifique « Sunday morning coming down » sont sublimés par Walker même si les versions originales de Johnny Cash sont loin d’être mauvaises. Côté surprise (encore une) on signalera la présence d’un blast de 2 secondes en plein milieu de « mississippi » et sur « i just dropped in », maigre souvenir d’un passé grindeux de l’auteur, passé pas si passé que ça d’ailleurs mais bref là n’est pas le sujet. Les références au métal sont d’ailleurs toujours là, cachées dans un coin avec cette version très Candlemassienne de « i just dropped in » et son tempo pachydermique. Les références à des Deep Purple ou des Black Sabbath ne manqueront pas de sauter aux oreilles des connaisseurs.

Alors le grand problème est : pourquoi avoir fait un disque de country ? La raison est simple et n’est que la meilleure possible dans ces cas là : pour se faire plaisir. Enfin un artiste qui prend des risques en faisant ce qui lui plait et qui envoie un gros « fuck » à ceux qui vont ronchonner. Le disque est à prendre tel qu’il est un, pour ce qu’il est : un superbe disque de « country metal », loin de ce que Jeff Walker faisait dans Carcass, loin même de tout ce que l’on entend de nos jours. Il s’agit tout simplement du premier disque de country metal qu’il me soit donné d’entendre (Kid Rock utilisait des éléments country sur son Devil without a cause mais difficile de classer ça comme du country metal) et nom de zeus, je l’avoue c’est le disque qui tourne le plus chez moi depuis que j’en ai fais l’acquisition. Pas un disque pour les fans de Carcass (quoique), pas un disque pour les fans de métal (quoique), mais un disque pour tous les ouverts d’esprits qui ne passent pas leur temps à cracher sur ce qui ne blast pas pendant 50 minutes non stop.

« Hey Fuck’em if they can’t take a joke » !!!

1. the man comes around [johnny cash cover]
2. i can’t help it [freddy fender cover]
3. you’re still on my mind [byrds cover]
4. sunday mornin’ comin’ down [kris kristofferson cover]
5. mississippi [red foley cover]
6. i just dropped in [jerry lee lewis cover]
7. i’m so lonesome i could cry [hank williams cover]
8. once a day [bill anderson / connie smith cover]
9. the end of the world [sylvia dee / skitter davis cover]
10. rocky mountain high [john denver cover]
11. keep on rocking in the free world [neil young cover]