Après ses débuts tonitruants, le groupe finlandais qui a fêté ses 25 ans cette année, a toujours eu à mes yeux cette image de valeur sûre, proposant toujours des albums de qualité mais néanmoins depuis quelques sorties, bien balisés et peu surprenants. Autant le dire tout de suite, ce nouvel album Under the Red Cloud confirmera sans problème cette idée : pas de révolution au menu. On reconnaît Amorphis dès les premières notes du morceau titre qui ouvre l’album.
Faut-il le regretter ? Des valeurs sûres il en faut, et à l’écoute de cet album on se demande comment il est possible que des mélodies aussi simples et évidentes n’aient en effet jamais été jouées avant. Under the Red Cloud est un album évident, qui coule tout seul, mais s’écoute avec bonheur, et dont la simplicité d’approche trahit en fait un savoir-faire et un talent gigantesques, polis, affinés avec soin au fil des années.
D’autant que si l’on reconnaît le style du groupe en un clin d’œil, il faut rapidement se rendre à l’évidence : il y a un peu plus d’agression sur cet album, notamment du fait que le chant growlé, jusqu’ici régulièrement mais ponctuellement utilisé par Tomi Joutsen en renfort du chant clair (superbe faut-il le rappeler), fait ici quasiment jeu égal avec ce dernier, voire sur certains titres devient largement prédominant. Du coup certaines compositions prennent une dimension un peu plus « death », voire viking presque à la Amon Amarth. Le résultat est plus que convaincant et peut rappeler aux aficionados du groupe, les anciens albums du groupe. Un titre comme « The Four Wise Ones » est par exemple absolument jouissif sur ses refrains coups de fusil. Ceci d’autant que le growl de Tomi est absolument dantesque et fait à mon sens partie des growls les plus puissants du genre, rappelant sur certains passages ceux du regretté Meta présent sur les premiers albums des allemands de The Ocean (comme sur « the Skull » où l’on jurerait presque qu’il est venu poser sa voix sur les passages les plus agressifs renforcés par ce synthé vintage gouleyant).
Pour autant la virtuosité mélodique des finlandais est intacte, que les allergiques à la violence pure se rassurent : que ce soit les solos épiques, les passages de synthés subtils en arrière-plan ou les flutiaux sautillants (« Tree of Ages » qui sonne du coup très irlandais), voire les guitares acoustiques, et les percussions, rien ne manque à l’appel pour nous emporter et nous faire jubiler, casque bien vissé sur les oreilles. « Bad Blood » met à l’honneur ce génie mélodique, et l’alternance de growls et chant clair y prend par exemple toute sa dimension de même que « Dark Path » un peu plus loin, dont le superbe piano d’introduction ravira les amateurs de belles choses malgré l’agression qui suit (en voix semi-growlée puis growlée).
On notera aussi quelques influences orientales qui me semblent plus inédites pour le coup (mais ne connaissant pas par cœur tous les albums du groupe, je ne pourrais certifier qu’Amorphis n’en a pas déjà utilisé par le passé) : sur « Enemy at the Gates » ou le monstrueux « Death of a King » qui est assez irrésistible dans le genre (vive la flûte!) alternant agressions vicieuses et refrain mélodique en chant clair typiquement amorphissien.
Il ne semble pas y avoir de titre plus faible sur un album homogène en qualité et en style. C’est finalement le seul reproche qu’on pourrait formuler, la formule du groupe étant tellement rôdée, qu’une certaine lassitude peut poindre après 6 ou 7 titres, ce qui ne doit en rien laisser craindre une baisse de qualité sur les derniers morceaux du disque (bien que j’avoue ne pas être très friand du chant féminin sur « White Night », heureusement que Tomi vient rapidement remettre les pendules à l’heure). Je parle de formule rôdée mais la critique est en partie injuste : en partageant le chant entre clair et growl, en proposant des morceaux quasiment intégralement en chant clair (« Sacrifice » par exemple, qui aurait pu figurer sur à peu près n’importe lequel des albums du groupe) et d’autres à l’inverse intégralement agressifs, le groupe me semble réussir peut-être encore mieux que d’habitude à trouver la parfaite alchimie pour ne pas lasser.
Pas de grosse surprise au final mais un album assez fabuleux dans le genre (sans doute mon préféré de l’ère moderne du groupe). Parmi les grosses « productions » de l’année (on est chez Nuclear Blast hein), ce nouvel album d’Amorphis a à mon sens tout ce qu’il faut pour s’imposer parmi les meilleures sorties, servi en plus par une pochette que je trouve personnellement très réussie.
Tracklist:
01. Under the Red Cloud
02. The Four Wise Ones
03. Bad Blood
04. The Skull
05. Death of a King
06. Sacrifice
07. Dark Path
08. Enemy at the Gates
09. Tree of Ages
10. White Night
11. Come the Spring (Bonus Track)
12. Winter’s Sleep (Bonus Track)