Déroutant cet album… Rien que la pochette semble nous préparer à quelque chose, en l’occurence il serait aisé de s’imaginer faire face à un artiste folk austère, avec cet environnement cosy, la typographie classique et ce personnage à la tenue non moins classique et à la barbe fournie (John Grant donc, américain de son état et fondateur du groupe The Czars, groupe aujourd’hui séparé). Et ça n’aurait pas été illogique, d’imaginer John Grant poursuivre dans la foulée de son Queen of Denmark (enregistré avec ses amis de Midlake). Pourtant les deux premiers titres apparaissent vite comme assez éloignés du sujet, pop, modernes, pas avares en boucles et arrangements électroniques tandis que la voix de Grant, chaude et assez proche d’un Brendan Perry (Monsieur Dead Can Dance), se pose langoureusement sur la musique qui fait aussi appel ponctuellement à des cuivres puissants pour un résultat à la fois bien l’air du temps et très prenant. Idem pour « Black Belt » qui pour le coup est même presque typé dancefloor.
Sauf que dès « GMF » (qui signifie Greatest MotherFucker), nous voilà face à un pur titre de pop/folk avec guitare acoustique, et voix doublées, et même voix féminine en accompagnement. La transition avec les deux titres précédents est surprenante, mais passée cette surprise, on est assez vite conquis, car le titre est très accrocheur et son refrain assez imparable.
Retour aux arrangements modernes électro sur « Vietnam » même si le fond folk est toujours présents et que des cordes viennnent donner une couleur plus traditionnelle à l’ensemble.
Et les titres continuent de se dérouler selon ce schéma : en équilibre permanent entre les deux facettes du personnage, entre modernité ou électronique en tout cas (les arrangements électro étant signés de la tête pensante du groupe islandais Gus Gus) et conformisme, avec tout de même un détour par les années 70s si chères à son coeur (ce synthé old school sur « It Doesn’t Matter to Him »). Etonnamment ça fonctionne vraiment bien et permet même à l’album d’être assez varié pour ne pas lasser. Grant n’évite malheureusement pas quelques écueils (comme ce « Sensitive New Age Guy » dansant et un peu trop connoté 80’s cette fois, sur lequel sa voix prend en plus des accents plutôt douteux et peu réussis) mais dans l’ensemble il réussit une belle performance, notamment justement grâce à sa très belle voix avec laquelle il nous conte ses désillusions et difficultés relationnelles/amoureuses sur un ton désabusé et via des paroles plutôt crues/vraies et débarassées d’une quelconque lourdeur romantique (« do you remember when we fucked all night long ? neither do I cause’ I always passed out » sur « You Don’t Have To »), et l’album contient son lot de pépites (comme le jazzy « Ernest Borgnine »).
A noter aussi la participation de Sinead O’ Connor qu’on reconnaît parfaitement sur « Why Don’t You Love Me Anymore ».
Monsieur Grant offre ainsi au final un bien bel album qui mérite son lot d’écoutes et qui fait partie des bonnes petites surprises de l’année à mon sens.
Tracklist :
1. »Pale Green Ghosts » 6.04
2. »Black Belt » 4.18
3. »GMF » 5.13
4. »Vietnam » 5.29
5. »It Doesn’t Matter To Him » 6.27
6. »Why Don’t You Love Me Anymore » 6.10
7. »You Don’t Have To » 5.51
8. »Sensitive New Age Guy » 4.40
9. »Ernest Borgnine » 4.53
10. »I Hate This Town » 4.01
11. »Glacier » 7.34