Il y a quelques années de cela, Daniel Johns au fin fond de son bled australien était malheureux. Pour être plus exact, Daniel était adolescent. Ca tombait plutôt bien, Kurt Cobain venait de se suicider, et Daniel, évidemment fan de Kurt, avait donc encore plus de raisons d’être en colère, de se rebeller contre la vie quoi (et puis c’est vrai que dans son bled, à part partir à la chasse aux kangourous, faut reconnaître qu’on se faisait grave chier à l’époque).
Pas étonnant donc que son groupe Silverchair, ait accouché durant ses premières années, de 2 albums qu’on qualifiera sans mal de « post grunge » ou de grunge tout court, tant ils perpétuaient la tradition de groupes qui marchaient directement dans les traces de Nirvana ou de Pearl Jam, certains de façon assez médiocre (qui a dit Bush ?), d’autres de façon beaucoup plus brillante (comme les Stone Temple Pilots).
Dès le premier album sorti en 1995(Frogstomp), le groupe se retrouve sur le devant de la scène, pour 2 raisons essentielles selon moi :
– les petits jeunes de Silverchair ont tout juste 15 ans lorsque ce premier album voit le jour, or l’album étant correctement chaloupé, voilà un simple fait qui ne manque évidemment pas d’attiser les curiosités et les regards. Ben oui, Kurt étant mort, il fallait bien se le trouver son nouveau Nirvana (ce qui explique sûrement également la facilité à être signé chez Epic).
– Daniel est blond. Daniel a les cheveux longs et sales. Daniel s’habille comme un sac. Bref Daniel est le parfait candidat au titre de « réincarnation de Kurt ».
Ben oui parce qu’en dehors de cela, excusez-moi, mais il n’y a pas grand-chose à retenir à mon avis de ces deux premiers albums : gentillets, mais on imagine facilement qu’à la grande époque du grunge, un paquet de groupes faisant aussi bien, et même probablement bien mieux, se bousculaient au portillon des majors, dans l’espoir de récupérer eux aussi un petit bout du gâteau. Mais bon : pas de blondinet adolescent, pas de chocolat.
Bref, après ces 2 albums anecdotiques, les galères physiques commencent pour Daniel Johns : anorexie d’abord : Johns apparaît à cette époque très amaigri. Cela n’empêche cependant pas le groupe de sortir en 1999 un Neon Ballroom qui à défaut d’être un très bon album, augure de bonnes choses pour le futur, en montrant que le groupe entend déjà quelque peu se démarquer de ses (encombrantes) influences.
Autant dire qu’à l’époque, le groupe ne me provoquait même pas une demi-molle et je restais sceptique sur les qualités d’écriture du blondinet et de sa bande.
2002, après des galères physiques (arthrite très sévère) toujours bien présentes pour le pauvre Daniel Johns, débarque Diorama. Paradoxalement l’album sort quasiment dans l’indifférence la plus complète alors qu’il est certainement l’album le plus intéressant que le groupe ait alors sorti. Exit les influences grunge, le Silverchair nouveau reste rock, mais intègre une ambition impressionnante, à grand renfort d’orchestre symphonique et de compositions tarabiscotées. C’est cet album qui marque mon intérêt pour le groupe, enfin pour Daniel Johns, car soyons bien clairs : Johns est le seul et unique maître à bord, ses 2 camarades et amis, n’étant finalement que de simples exécutants.
Diorama est donc une étape clé pour le groupe. Une autre étape-clé sera certainement l’influence de la rencontre de Daniel Johns et de… non pas Nathalie Imbruglia (encore que l’on puisse au moins espérer pour Daniel que sa femme soit pour quelque chose dans la légèreté et la joie retrouvées du blondinet), mais Paul Mac, guitariste compositeur, avec lequel il s’associe pour sortir en 2004 (cheveux coupés pour Johns), sous le nom de The Dissociatives, un excellent album de pop légère et acidulée agrémentée de bidouillages électroniques du meilleur effet (cf la chronique de cet album dans nos pages).
L’influence de ce projet est audible sur ce Young Modern dès que « Young Modern Station » démarre. Idem sur le très joli single « Straight Lines » (celui-là une fois dans la tête, pas moyen de l’en sortir) et sur « If You keep Losing » qui conservent cette même légèreté et ce côté un peu naïf –qui fait sûrement que certains détesteront vite- qui ont le don de coller un sacré sourire. Il semble donc clair à ce stade que l’album sera beaucoup plus pop et moins rock que les précédents. La niaiserie n’est même pas très loin avec le trop naïf « Reflections Of A Sound », heureusement bien situé dans la tracklist, ce qui l’aide à passer comme une lettre à la poste.
Comme sur l’album des Dissociatives, les bidouillages électroniques sont légion (même s’ils restent discrets).
Cependant, le groupe ne renie pas ses albums précédents pour autant et l’influence Diorama reste palpable avec une orchestration signée Van Dyke Parks (qui a autrefois collaboré avec les Beach Boys) que l’on sait très friand d’arrangement et d’orchestrations grandiloquentes (pompeuses même ?). Les cordes sont donc omniprésentes, et aucun titre ne fait dans la simplicité, tous sont riches en arrangement. Certains trouveront certainement –comme pour Diorama– que cela fait trop et que ça finit par en être écœurant, d’autant que le côté cartoon à la Dissociatives ne fait rien pour alléger le propos, mais on ne pourra pas ne pas saluer la qualité de ces arrangements qui transcendent des titres comme « Those Thieving Birds », morceau ambitieux de près de 8 minutes, en 3 parties et qui fonctionne parfaitement.
Mention spéciale « putain j’ai eu peur » pour « Waiting All Day » qui commence comme une pauvre chanson de variet’ avant de retrouver son efficacité et sa qualité grâce notamment à la performance vocale de Johns, toujours aussi excellente. Comme il le faisait sur Diorama, il n’est pas rare qu’il évoque la pureté cristalline d’un Jeff Buckley, ce qui n’est pas le moindre des compliments, vous en conviendrez.
Malheureusement on notera la présence désagréable de quelques titres faiblards : d’ailleurs la deuxième moitié de l’album est clairement moins bonne que la première : « Mind Reader » est sympathique mais un peu étrange (avec ces intonations vocales presque punky de Johns) et hors sujet, et « Low » m’ennuie. « Insomnia » et « All Across The World » fonctionnent, sans pour autant marquer les esprits comme les premiers titres peuvent le faire.
Le bilan reste positif malgré tout : il est clair que ceux qui attendent désespérément un retour du grunge bas du front des premiers albums en seront (encore) pour leurs frais, mais ceux qui apprécient l’évolution intelligente de Daniel Johns et de son groupe, et ceux qui ont aimé The Dissociatives devraient y trouver plus que leur compte (même si l’album est à mon avis moins bon que celui des Dissociatives). Pour ma part je garde une préférence pour Diorama mais j’adhère aux choix artistiques de Johns.
A noter que l’album est difficilement trouvable puisque qu’il ne fait l’objet d’aucune distribution officielle dans notre beau pays. Direction les bacs d’occaze pour le dénicher (de préférence dans sa très belle édition digipack avec DVD bonus).
- young modern station
- straight lines
- if you keep losing sleep
- reflections of a sound
- those thieving birds (part 1 + strange behaviour + part 2)
- man that knew too much
- waiting all day
- mind reader
- low
- insomnia
- all across the world
ta chronique m’a donné envie de me pencher sur cet album … je n’ai jamais trop accroché Silverchair, même si je trouve les deux dernières production assez sympathiques, ayant eu l’occasion de les écouter chez un pote …
Diorama m’avait agréablement surpris avec son pop rock mélodieux plutot inventif ! et pour ceux qui n’ont jamais vu un mec faire l’amour avec sa guitare, je leur conseille de jeter un coup d’oeil au live de la tournée Diorama ! félé le mec! !
Ah ouais!!! Paul Mac le célèbre guitariste compositeur… Me disait bien…
Heureusement que Kurt Cobain a inventé le grunge sinon y’aurait jamais eu Silverchair!!!!
super chronique!
je suis entièrement d’accord, même si je suis aussi très fan des deux premiers. Pour moi la suite apparait logique. Encore plus évident effectivement quand on voit l’excellent live « from faraway stables », qui donnet le ton sur les jams groovy interminables et les boeufs avec les claviers que se paie le groupe.
Je me demande par contre si les deux autres on pas eu leur mot là dedans, connaissant les natures très pop rock de leur projets solo…
Quel rapport entre Bush (le groupe, au cas où!) et le grunge???
« thule » Si Bush ne fait pas du Grunge, mon cul c’est du poulet (avec tout le respect que je te dois, on discute juste musique). Les Smashing Pumpkins aussi ne faisait pas de Grunge, selon eux. Je mets comme album pilier du Grunge: « Gish » des Smashing, « Louder than love » de Soundgarden, « Ten » de Pearl Jam et l’irremplaçable « Superfuzz bigmuff » de Mudhoney. Pour faire très grossier: fin 80’s, de jeunes punks fans de Hard Rock montent des groupes un peu groovy, sans les solos guitares et toutes autres raffinements (on ne les remerciera jamais assez). En passant, un musicologue ne reconnait pas le terme « Grunge », cela ce refaire plus à une culture et un mode vestimentaire.