This Dark Earth (2025) est le troisième album de ce groupe de Seattle que j’ai découvert par hasard, et c’est une belle surprise. On y entend un rock progressif ambitieux et raffiné, qui mêle rock symphonique, psychédélisme, touches de jazz fusion et une pointe de metal prog dans certains riffs plus acérés et actuels, avec un spectre d’influences qui va de Gentle Giant à Dream Theater. En groupe actuels proches, on pourrait citer Wobbler ou Beardfish. L’empreinte reste résolument 70’s : flûte, trompette, synthés analogiques, guitares au grain chaud, mais l’écriture et l’énergie sont très actuelles. En six titres seulement, le disque garde un vrai sens du récit et de la dynamique.
Au cœur du son, l’alliage entre mélodies lumineuses et trames plus sombres fonctionne à merveille. Les guitares alternent arpèges clairs et poussées plus épaisses héritées du hard/heavy psych, pendant que la section rythmique navigue dans des métriques peu communes sans jamais sacrifier la lisibilité. Les claviers (orgue, leads analogiques) ne sont pas qu’un décor : ils portent parfois les thèmes principaux et dialoguent avec la flûte ou la trompette pour installer des climats changeants, tour à tour pastoraux, oniriques ou plus martiaux. Le chant, expressif et souvent soutenu par des harmonies à plusieurs voix, renforce cette impression de voyage maîtrisé.
Côté morceaux, l’ouverture pose d’emblée les codes : une montée en tension très mélodique, puis un basculement vers un passage plus nerveux, presque heavy, où la rythmique se durcit avant de relâcher la pression sur un final atmosphérique. Le cœur d’album joue davantage sur les contrastes : un titre central plus musculeux — riffs palm-mutes et batterie appuyée — est suivi d’un moment plus contemplatif où la flûte et les synthés tissent un motif récurrent, comme un fil rouge qui reviendra plus tard. Ces allers-retours entre densité instrumentale et respirations plus aériennes donnent au disque un équilibre qui retient l’attention de bout en bout.
Le point d’orgue reste “Dawn of the Winterbird”, une épopée de 17 minutes en trois parties qui condense tout ce que le groupe fait de mieux. On y retrouve des thèmes exposés en ouverture et réinterprétés plus loin, des transitions au cordeau, des dialogues guitare/clavier, un passage médian plus sombre où la section rythmique s’autorise des ruptures, puis une coda ample et cinématographique. L’écriture joue sur les motifs et les contrechants plutôt que sur la démonstration pure : même dans les sections instrumentales les plus denses, chaque ligne garde sa place, et la production laisse respirer l’ensemble.
Au final, This Dark Earth réussit ce mariage délicat entre héritage prog 70’s et vitalité moderne : des chansons qui existent au-delà de leurs arrangements, un sens des textures, et suffisamment de nerf pour parler aussi aux amateurs de heavy/psych. Si vous aimez les voyages progressifs où la diversité des instruments sert une véritable narration, cet album a tout pour s’installer durablement dans vos écoutes.
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