Ce qui frappe d’abord s’agissant de ce 3ème album des canadiens de Anciients, c’est la magnifique peinture illustrant le disque, peinture signée Adam Burke, responsable d’une multitude d’artworks tous plus réussis les uns que les autres (de Occultation à Vektor en passant par Hexvessel, Hath, Gatecreeper, END ou plus récemment Hellripper ou Griffon…). Un Artiste avec un grand « A » et dont le travail se situe évidemment à contre-courant de la tendance que l’on voit malheureusement se répandre dernièrement, consistant à sous-traiter la réalisation de l’artwork à l’IA pour un résultat au pire dégueulasse, au mieux impersonnel au possible.
On apprécie d’ailleurs d’autant mieux la beauté de l’œuvre en admirant celle-ci dans son intégralité, la pochette en occultant évidemment une partie :
Ce détour fait par l’aspect visuel et si l’on s’intéresse maintenant à la partie musicale, difficile d’ignorer le laps de temps très conséquent qui s’est écoulé entre le deuxième album de la bande et ce nouvel album, puisque 8 ans séparent les 2 sorties.
Et Beyond the Reach of the Sun de se présenter à nous sous la forme de 10 titres pour pas loin d’une heure de musique (58min39 exactement). Une durée très conséquente et une densité musicale bien réelle, qui rendent pour tout dire l’album assez difficile à assimiler aux premières écoutes. Et qui fait craindre qu’Anciients retombe une fois encore dans ses travers : cette difficulté à proposer des passages réellement accrocheurs permettant de bien s’approprier leurs compos, c’était à mon sens l’écueil qui faisait du groupe un second couteau (de talent tout de même mais un second couteau quand même) si on le comparait aux ténors du genre prog metal vers lequel le groupe avait évolué en laissant de plus en plus de côté une certaine influence sludge des débuts. Une évolution finalement comparable à celle de Mastodon, probablement la plus grande influence du combo, un groupe face auquel Anciients n’a jamais réussi à faire le poids (notamment tant les américains sont supérieurs aux canadiens terme de qualité de songwriting et capacité à pondre des refrains accrocheurs), en tout cas sur ses deux premiers albums.
Les choses pourraient changer avec ce nouvel album tant les bûcherons canadiens ont fait l’effort de proposer un opus travaillé aux moindres entournures, ce que l’on sent dès le démarrage du premier titre avec ces magnifiques arpèges. Un titre qui, à mesure qu’il se déroule, permet de confirmer ce que l’on sait déjà : Anciients n’a pas changé malgré ces 8 années et continue à s’inscrire dans le sillage de Masto mais aussi d’Opeth. Il suffit de savourer cette accélération et les growls très Akerfeldtiens de Kenny Cook (des growls moins black et plus profonds que ceux du premier album, plus impactants encore que ceux du deuxième album sur lequel ce virage avait déjà été amorcé) sur le premier titre aux alentours de 6min28 soutenus par un orgue hammond : clairement on est là sur les terres du « old » (et peut-être futur si l’on se fie au premier titre disponible pour annoncer le nouvel album des suédois à paraître en octobre?) Opeth. Quant au riffing il est clairement toujours aussi profondément marqué du sceau de Mastodon, ce que l’on peut entendre dès le démarrage du deuxième titre « Despoiled ». Après tout pourquoi pas? Il y a pire que s’inspirer de deux des meilleurs groupe de metal contemporains (avis personnel).
En proposant une variété de durée et d’ambiances dans leurs titres, et en passant très bien de tempo lent à des accélérations franches (cf « Melt the Crown ») Anciients démontre sa volonté de proposer un album complet évitant de lasser l’auditeur. Et cette variété, on la retrouve évidemment aussi dans les vocaux de Kenny qui ne se contente pas de growler comme un gros méchant, mais nous fait aussi profiter de sa belle voix claire (qui peut évoquer celle de Rossetti dans the Ocean, autre groupe poids lourd du prog metal auquel on pense parfois aussi à l’écoute de Anciients, quand on ne pense pas à celle du claviériste d’Enslaved).
Tout n’est pas parfait cependant, il reste encore quelques choix contestables, comme celui de conserver quelques solos de guitare pas toujours très inspirés et qui personnellement me cassent parfois la dynamique de certains titres (« Melt the Crown » en est un bon exemple). Peut-être n’est-ce que moi qui ne goûte que très peu ce genre d’exercice démonstratif et que ce point ne gênera pas d’autres auditeurs plus amateurs de l’exercice. Et comme évoqué en début de chronique je continue de penser que le groupe pourrait encore s’améliorer pour rendre ses refrains plus percutants, il y a encore un côté un peu « oubliable » dans certains titres qui n’aide pas à les mémoriser et complique la bonne appropriation de l’album. Le choix d’enchaîner 3 titres de plus/près de 6 minutes (même plus de 7 minutes pour deux d’entre eux) sur les pistes 3,4, 5 et 6 (même si « Cloak of the Vast and Black » est tout de même un des meilleurs morceaux de l’album selon moi) avant d’enchaîner 3 morceaux de 4 minutes (4min08 même exactement pour les 3!) me semble aussi être un choix risqué qui là encore ne facilite pas la bonne assimilation de l’album et peut entraîner une envie de couper l’écoute arrivé à mi-album. Il faut en effet assimiler successivement 4 pistes complexes, là où il aurait peut-être été plus judicieux de proposer une alternance pour reposer le cerveau. Et s’arrêter à mi-chemin serait dommage tant il reste de choses à apprécier sur l’album, à commencer par l’instrumental « Candescence » qui est très réussi, mélangeant instruments traditionnels et électronique pour le meilleur, mais aussi avec le titre final « in the Absence of Wisdom » qui cloture en beauté le disque malgré son approche plus classique.
En dehors des quelques points qui restent à améliorer ou fignoler Anciients propose sans doute ici rien de moins que son meilleur album, le travail des canadiens a clairement payé et devrait parler aux amateurs de metal prog qui attendent de prendre leur dose. Il reste néanmoins à mon sens toujours une marge de progression pour que le groupe puisse se mesurer aux ténors du genre (parmis lesquels je compterais Dvne, qui sait à mon sens se faire plus mordant et efficace malgré des vocaux clairs à l’évidence plus clivants).
Tracklist :
01 – Forbiddent Sanctuary
02 – Despoiled
03 – Is It Your God
04 – Melt the Crown
05 – Cloak of the Vast and Black
06 – Celestial Tyrant
07 – Beyond Our Minds
08 – The Torch
09 – Candescence
10 – In the Absence of Wisdom