Si l’on me demandait de ne garder qu’un titre représentatif d’Intronaut, je dirais sans doute « Fragments of character », ou « Nostalgic echo », avant d’estimer que « Whittler of fortune » est finalement le meilleur choix. Puis, avec un peu de réflexion, « Australopithecus » entrerait sans doute en liste pour répondre à ce tourment malvenu de m’imposer. Difficile de faire un choix tellement la discographie du groupe se tient. Riffs tarabiscotés, mélodies puissamment envoyées, passages instrumentaux à la limite du post-rock, Intronaut s’est construit au fil de ses sorties un univers, reconnaissable entre mille.
A l’écoute de « Elegy », le titre de Valley Of Smoke disponible sur internet quelques semaines avant sa sortie en Europe, mon esprit s’est recroquevillé sur lui-même en lâchant un cri désespéré : pourquoi ? Et cette avant-première est devenue comme un obstacle longtemps appréhendé (les gars d’Intronaut seraient-ils susceptibles de me décevoir un jour ?), puis définie comme fragmentaire d’un tout, et surmontable malgré son allure étrange. Un obstacle que je me devais de franchir afin d’atteindre une plénitude méritée, celle de l’auditeur heureux d’avoir une chouette galette à se coller entre les oreilles, à moins que ce ne soit celle du fan finalement pas trop déçu…
Pour Prehistoricisms déjà, il avait fallu un temps d’adaptation. Oh, pas grand-chose, un petit rien de nouveau (un guitariste peut-être ?), qui le différenciait des autres. Et il était à prévoir qu’avec son successeur une nouvelle étape serait franchie. Secrètement, je rêvais d’un album focalisé sur l’aspect « progressif » du groupe, apaisé, avec de longs passages instrumentaux « à la Intronaut », basse en avant, arpèges léchés et patterns de batterie créatifs.
Vœux exaucés diront certains ayant déjà écouté ce Valley Of Smoke.
Oui, mais…
Car le changement, j’ose dire bouleversement, dans la musique d’Intronaut, c’est avant tout l’apparition de chants clairs superposés, vocalises lancinantes qui parsèment tous les titres. Et pour le coup, le groupe a bien mérité son sticker « pour les fans de Mastodon et Baroness ».
Tenez, Pan ! bien fait, vous qui faisiez une musique originale et unique, vous voilà associés à d’autres formations. Vous n’y aviez pas songé ? Mon œil ! Alors certes, être affilié à Mastodon c’est la classe, mais aviez-vous besoin de cela ? D’accord, admettons que vous n’avez pas fait exprès, que c’est venu tout seul, comme ça, sur une crise créative en association avec le désir de changer un peu et d’apporter une substance (fût-elle illicite) particulière en référence au titre de l’album.
Musicalement, Valley Of Smoke est une grande réussite. L’on retrouve instantanément la patte du groupe, ses dissonances, syncopes et boucles d’arpèges complexes, son génie à mêler le Metal brut(al) complexe et les ambiances plus propres au post-hardcore, voire au post-rock, qui ont même tendance à avoir la part belle des compositions. On retrouve de Prehistoricisms les soli de batterie et les lignes de basse esseulées, les longues plages instrumentales où chaque musicien se dispute l’attention. La section rythmique reste au top, je considère toujours Danny Walker comme un des batteurs les plus volubile du genre (et sur cet album en particulier, le bougre va loin dans le tricotage tordu et le roulement hypnotique), et Joe Lester comme le Steve Harris des temps modernes, vaillant défenseur de la basse dans tous ses états. Si son jeu et sa manière de s’imposer vous énerve sur les opus précédents, vous allez carrément le détester. Électrique, acoustique, fretless, en slide ou en picking, tout est prétexte à expérimenter et la musique d’Intronaut est un support parfait pour cet exercice. Le titre éponyme est un condensé de tout ce qui rend Intronaut à part. Limite impro, « Valley Of Smoke » s’étire doucement en mettant en avant chaque musicien, à la manière d’un groupe de blues ou de Jazz. Le côté aggressif n’en est pas pour autant délaissé, des titres comme « Sunderance », « Below » ou le bonus track européen « Vernon » prouvent que le chaos n’est jamais loin, qu’au cœur de ce paysage musical changeant réside toujours l’alliage de puissance et de technicité originel. Intronaut n’a rien perdu de sa hargne, toujours complexe et ramassée, boules de nerfs mouvantes comme les eaux vives d’une rivière sillonnant cette vallée aux rivages tranquilles.
En revanche, ils ont collé des chants clairs partout et, elle est bien drôle, ça me laisse sans voix. Une fois de plus je désespère, une fois de plus je me raisonne. Comment aurait sonné cet album sans cet apport nouveau pour le groupe, mais qui sonne déjà entendu ? Sur ce « Valley Of Smoke » souffle le vent du compromis. Je me concentre sur la musicalité de l’ensemble, intouchable de justesse et de créativité, et pour le reste je hausse les épaules, vaincu. Si ces effets avaient été distillés avec parcimonie peut-être, peut-être aurais-je crié au génie, mais la systématisation est vite agaçante. Un coup d’essai ? Une nouvelle mode ? Pour moi, c’est le petit plus de trop, et je me demande si sur scène cette histoire va tenir la route.
Si l’on me demandait aujourd’hui de ne garder qu’un titre représentatif d’Intronaut, je lorgnerai volontiers sur « Miasma », « Core Relations » ou « Valley Of Smoke ». Car Intronaut, depuis 2004, continue de produire de très bons morceaux, dans un élan créatif qu’il est vain de critiquer. Je l’ai voulu je l’ai eu, cet album davantage porté sur le côté prog et instru du groupe, alors je dois bien accepter les apports vocaux qui vont avec. Et je dois bien accepter qu’Intronaut, ce groupe unique et jubilatoire, ovni de la scène Metal, devienne un ènième groupe de la « scène américaine qui se cherche toujours un petit peu », aux côtés de Kylesa et Baroness.
Mais ça fait tout de même un peu chier.
1. Elegy
2. Above
3. Miasma
4. Sunderance
5. Core Relations
6. Below
7. Valley Of Smoke
8. Past Tense
9. Vernon (European bonus-track)
Perso leur évolution me convient, j’adhère à leur son, à leur jeu, à leur style de riffs et l’évolution vocale est loin de me déplaire. Un sans faute d’ntronaut pour l’instant pour la part.
Bon album mais pas de réelle surprise pour moi. En fait, ce qui me dérange de plus en plus avec Intronaut, et notamment sur ce disque, c’est cette impression d’écouter du Mastodon bis, mais sans le génie ni la créativité de ces derniers !
Un excellent album, qui me réconcilie avec le groupe après la déception qu’a été pour moi Prehistoricisms. Leur technique est toujours aussi époustouflante, ça riffe de nouveau et les voix claires sont convaincantes (avant cet album, le chant était la dernière roue du carosse, je trouve). Bref, une belle évolution qui fait avancer le groupe.
une grosse déception pour moi. Trop « gentillet » (je cherche un mot qui ne paraisse pas méprisant, parce que ce n’est pas mon état d’esprit, mais je n’en trouve pas) par rapport à ce que j’attendais. Je ne nie pas le travail, mais le résultat ne me correspond pas