Seulement le 2ème album pour Intronaut et déjà une bifurcation notable dans le son de ce groupe dont je vénère toutes les sorties depuis l’EP Null de 2006. Pour situer, leur musique est un metal/hardcore complexe et massif, empruntant au sludge un son poisseux et au death sa technicité tout en se permettant une certaine subtilité infiltrée dans des progressions jazz fusion, cultivant ainsi un paradoxe entre finesse et chaos qui leur a permis de se forger une identité propre.
Le quatuor de Los Angeles continue son chemin en évitant de trop nous faire patienter entre les albums, on sent une force créatrice en ébullition sous-tendre l’œuvre de ces 4 musiciens expérimentés, ayant tous connu les aléas de la vie de groupe de metal underground dans de précédentes incarnations plus extrêmes.
L’évolution depuis Void est ici assez importante, même si l’EP Challenger sorti l’année dernière ne l’annonçait pas franchement, mais ce dernier marquait en fait aussi les dernières compositions du groupe avec le guitariste/hurleur Leon del Muerte, qui était son élément le plus « metal extrême » (ancien membre de Exhumed et Impaled). Il a depuis été remplacé par Dave Timnick, qui s’est bien intégré dans le groupe en tournant intensément avec eux l’année dernière, il était d’ailleurs déjà sur scène avec eux pour la tournée européenne. Le choix de ce dernier, également guitariste dans un groupe indie/rock n’est certainement pas innocent, on sent que le groupe a voulu partir dans de nouvelles directions, et au vu de leur parcours se faire plaisir tout en s’éloignant un peu des habitudes metalliques qui leur collent à la peau.
Enfin la musique d’Intronaut avait déjà une personnalité assez marquée pour que, même transformée, celle ci reste reconnaissable de façon évidente. Le son d’Intronaut n’est absolument pas dénaturé, on est toujours en plein dans une sorte d’apocalypse sonore, entre râles d’angoisse et guitares saturées dissonantes, des tendances progressives pointant au milieu de la brutalité, mais il faut avouer que dans l’ensemble, le groupe a grandement calmé ses ardeurs sur ce Prehistoricisms pour laisser place à des passages plus apaisés à renfort d’effets psychédéliques.
Ces 4 musiciens ont les moyens de leurs ambitions, ne serait-ce que grâce à une paire rythmique assez exceptionnelle. D’ailleurs, l’influence du bassiste, qui ne provient pas à la base de la scène metal plane sur cet album, son jeu fretless, aux notes virevoltantes et glissantes comme une contrebasse tout en ayant la puissance d’une basse électrique accompagne tous les morceaux et s’accapare le premier plan assez souvent.
La tension et la tristesse qui émane des constructions mélodiques ne les éloignent jamais de la mélancolie qui est toujours ressortie de la musique d’Intronaut, d’ailleurs vocalement, le groupe se rapproche de plus en plus d’un Neurosis, avec l’intervention sporadique de voix rauques viscérales, qui se manifestent dès le premier morceau, « The Literal Black Cloud », après une plage d’intro sous la forme d’un arpège. Encore une fois, il y a peu de titres sur cet album, mais des morceaux longs, et finalement autant de brûlots acerbes, « Cavernous Den of Shame » par exemple présente la dimension la plus agressive du groupe tout en partant dans des digressions plus atmosphériques. En alternance avec les riffs saccadés caractéristiques du groupe, les 2 guitaristes s’y attachent à occuper l’espace tout en restant en retrait avec des nappes de sonorités noyées d’effets, les sons qu’ils développent formant parfois plus des textures survolant la rythmique que des riffs.
« Prehistoricisms » ensuite présente un début du morceau assez étrange aux sonorités noisy grinçantes mais fait son effet, et possède un refrain excellent qui fera marrer les francophones, on entend clairement un « Allumez » (le feu) bien puissant. Je parlais de la mise en avant du bassiste, « Any Port » en est l’exemple le plus flagrant, tout le groupe ne servant que de support aux notes du bassiste, mais le batteur n’est pas en reste, avec toute la fin du morceau réservée à un solo de batterie intéressant pour autant qu’on aime les toms.
« Sundial » assomme alors avec un riff bien lourd mais qui se permet des incartades jazzy, sur un tempo lent qui évoluera dans des sphères carrément tripantes, basse toujours en avant sur des accords balayés de delay. « Australopithecus » revient alors vers la face la plus habituelle du groupe, riffs complexes, son bien brut, accélérations, voix crues, même si là encore la basse se taille la part du lion avec un son en fretless jouissif, qui en fait certainement le morceau que je préfère de cet album. Le dernier morceau « Reptilian Brain », durant 16 minutes, est également un morceau mettant en avant la rythmique avec une intro d’influence indienne utilisant un sitar et des tablas qui se prolonge en une rythmique tribale bien marquée, évoluant progressivement au bout de 10 minutes vers un son sludge toujours aussi mystique et original comme l’est tout cet album qui n’a rien de préhistorique mais est bien en plein dans son temps, entre Mastodon, Neurosis, The Ocean et Yazuka.
Tracklist :
- primordial soup
- the literal black cloud
- cavernous den of shame
- prehistoricisms
- any port
- sundial
- australopithecus
- reptilian brain
Suis en train d’écouter…ça m’a l’air bien sympathique….beaucoup moins virevoltant et progressif que Mastodon….je dirais + mathcore que progressif (bcp de cassures rythmiques que j’affectionne) avec de bons gros riffs sludgiens…
mon analyse portait sur Witthler of Fortune (1er extrait myspace) qui n’est pas issu du dernier opus…autant pour moi..
C’est quel style Yazuka ? Ca ressemble à Yakuza ?
Je crois que jonben parlait de Yakuza…A moins que tu l’aies compris bien sur :-)
Cette chro me fait penser que je ne l’ai pas encore écouté ce nouvel album, et qu’il serait temps de me rattraper.
En effet j’avais compris… ;)
ça fait longtemps que j’attendais cette chronique, car ce groupe me tient moi aussi particulièrement à coeur. Seulement voilà, je partage pas ton enthousiasme, jonben… J’ai été vachement déçu par cet album (peut-être que j’en attendais trop?). Je trouve que ce qui faisait leur force sur les précédents opus (riffs de ouf, puissance, ambiances neurosiennes) est ici dilué en une espèce de jazz métal psyché qui ne me convaint pas du tout, au point que je trouve que ça frise la branlette intellectuelle par moments.
Tu parles de la basse; effectivement elle est hyper mise en avant sur cet album. Seulement voilà, bien qu’étant bassiste, je la trouve vraiment surexposée et que malgré son talent, le « ptit gros » (joe lester) en fait trop et finit par desservir les morceaux à force de groover comme un malade (faut aimer la fretless d’ailleurs, ce qui n’est pas mon cas). Perso, je trouve que ça finit par casser le côté sombre des compos, au profit d’ambiances jazzy que je trouve impersonnelles et sans saveur.
Sentiment forcément corrélé au manque d’épaisseur des guitares et du chant…
La batterie quant à elle, reste monumentale et bénéficie d’un son jouissif.
Bref, à part quelques passages où j’ai retrouvé ce qui me plaît chez eux, je n’adhère pas à ce prehistoricisms…
C’est pas que ça frise la branlette intellectuelle, C’EST de la branlette intellectuelle !
Tout à fait d’accord avec abitbol.
Et mention spéciale au final de reptilian brain qui aurait mérité d’être la musique de fin de sonic…
Du coup la chanson qui me plait le plus sur l’album est australopithecus, car effectivement comme le souligne jonben, c’est celle qui se rapproche le plus de l’ancien intronaut… Mais je ne comprend toujours pas pourquoi ils ont fini cette chanson de cette manière… En téléchargeant le mp3 sur leur blog j’ai cru que ce n’était pas la version finale, et qu’ils allaient rajouter des guitares sur la fin… Et non, on reste avec ce riff de basse saturé pendant 3 plombes…?
Rendez nous léon d’la mort !
Je suis entièrement d’accord avec ta Kro Jonben. J’attendais cet album avec impatience et même si au départ j’ai été un peu déçu, au fil des écoutes j’ai appris à apprécier cet album qui est dantesque. Je salue moi aussi la ligne rythmique du groupe qui est jubilatoire.
C’est justement le jeu de basse en avant et les passages calmes/jazzy qui font d’Intronaut un groupe au son et aux ambiances uniques, les deux titres dispos sur myspace sont dans une continuté logique, j’ai hâte d’écouter l’album entier :)
Tout a fait d’accord, …enlever ces parties de jazz et on se retrouve avec un groupe excellent mais plus conforme…de nos jours, dieu sait que l’originalité prime…
« australopithecus » poutre le reste bof.