Moi qui pensais naïvement (huhu) en avoir terminé avec l’année 2020, je me suis récemment fait cueillir en beauté par le dernier opus de Thy Catafalque sur lequel j’étais manifestement passé beaucoup trop rapidement à sa sortie en janvier 2020.
A ma décharge je n’ai jamais été grand fan du projet du hongrois Tamás Kátai, pourtant acclamé par beaucoup et considéré comme un des grands noms de l’avant-garde (pour ce que ça veut dire) ayant lors de mes tentatives précédentes, été échaudé par une impression de « trop », voire « trop plein », tout en reconnaissant des qualités évidentes dans la musique du hongrois.
Seulement voilà le ton plus léger de ce nouvel album inspiré du mouvement naïf (d’où la pochette évidemment) marque un vrai changement par rapport à ses œuvres passées (quoique j’ai pu lire que ce changement avait en réalité été bien amorcé sur le précédent opus du hongrois, Geometria). Moins métal, très mélodique mais toujours bigarré, et surtout par rapport à ce que j’avais pu entendre de Thy Catafalque par le passé, plus « lisible », grâce notamment à une production très claire et sans doute aussi à une volonté de son géniteur d’alléger quelque peu son propos et de moins faire dans « l’empilement » de couches. Ça c’est plutôt sur la forme donc.
Sur le fond pour autant, comme il l’a toujours fait me semble-t-il, le hongrois s’autorise tout, proposant toujours un mélange de métal , d’électronique (le très spatial et arcturussien « A valóság kazamatái »), et de folk hongrois. Le voyage est dépaysant et assez irrésistible d’autant qu’on est régulièrement malmené, emmené d’un pan à l’autre parfois assez brutalement (la fin presque black metal sur le par ailleurs très folk « Embersólyom » étant un bon exemple). Kátai propose même quelques bizarreries qui ne manquent pas de surprendre, comme cette basse très en avant appuyée de cuivres presque « pouet pouet » sur « Tsitsushka », titre presque dansant d’ailleurs complétement instrumental qui se termine avec un saxo très jazzy. Le titre le plus WTF de l’album assurément, mais une réussite qui passe très bien dans le contexte du disque dans son intégralité.
Vocalement, en dehors de quelques rares voix râpeuses du maître lui-même sur « A valóság kazamatái » (sur lequel on peut un peu penser aux vocaux utilisés par the Kovenant sur Animatronic) ou « A boloyngás ideje », les accointances black metal des origines du projet étant largement diluées aujourd’hui voire abandonnées l’accent au niveau du chant est plutôt mis sur la très belle voix de Marta Veronika Horváth (désormais une complice habituelle pour Kátai puisqu’elle a participé à plusieurs albums déjà) qu’on retrouve sur plusieurs titres de l’album dont « Embersólyom » en écoute ci-dessous. Sachant évidemment que l’intégralité des vocaux de l’album sont en hongrois. A noter également la participation d’autres invités plus ponctuels et plus ou moins discrets vocalement à divers endroits de l’album (le plus significatif étant le chant masculin et de très belle facture de Gyula Vasvàri sur le titre final « Szélvész » qui termine l’album en beauté).
Mais ce qui marque le plus, et ce d’autant que nombre de titres de l’album sont à 100% instrumentaux, c’est la composante « folk » qui imprègne plus que jamais cet album, avec de nombreux instruments traditionnels venant dominer les débats et prendre le pouvoir sur la guitare électrique (toujours bien présente sur quelques titres néanmoins) : oud, violon, flûtes, violoncelle, trombone, saxophone donc, darbouka, joués par divers invités (apparemment hongrois) sans parler évidemment du piano et des claviers, ainsi que du zither, instrument traditionnel hongrois joué par Kátai lui-même. Le mélange entre tradition (ces instruments parfois très anciens) et l’électronique est assez saisissant et renforce l’ancrage avant-gardiste de Thy Catafalque (écoutez donc ce sublime et là encore presque spatial sur sa 2ème partie « Kék madár (Négy kép)« ), et plus encore lorsque Kátai nous fait « all in » en mélangeant toutes les facettes de sa musique comme sur les plus de 8 minutes de « Vető » par exemple qui passe d’un metal enlevé sur fond de chant folk, à des passages spatiaux voire psychédéliques et dansants puis un passage ambiant, avant de revenir au folk-metal du début. Ça a l’air bizarre raconté comme ça mais ça fonctionne pourtant vraiment bien.
Au final, on voyage pendant les 47 minutes proposées par le hongrois, et on ne s’ennuie jamais tant la variété est de mise sur ce très bel album.
Une entrée tardive mais bel et bien fracassante dans le top 2020!
Tracklist :
1) A boloyngás ideje
2) Tsitsushka
3) Embersólyom
4) Számtalan színek
5) A valóság kazamatái
6) Kék madár (Négy kép)
7) Naput
8) Vető
9) Szélvész