October Falls s’est révélé aux mordus des sorties au coin du bois, en compagnie des Váli, Uaral et autres jeunes groupes qui, à l’école d’Empyrium et de Tenhi, ont choisi la voie du tout acoustique pour investir des territoires thématiques largement squattés par le black metal depuis une vingtaine d’années: la Nature, les esprits, la solitude, l’ascèse spirituelle… Toutes ces choses très présentables en société, dépourvues de figure mais visibles comme le nez en son milieu dans tout effort à plus de 180 bpm accouchant de frissons à l’origine confuse. Juste retour des choses, Mikko Lehto (October Falls c’est lui) ramène sa musique vers le style qui lui a apporté la quasi totalité de son public. On peut tout de suite balayer toute accusation d’opportunisme: Mikko est des notres, il écoute son black comme les autres. Il a par conséquent toute légitimité pour en cuisiner, d’autant plus que ce consistant hors d’œuvre appelle, on l’espère, un plat de résistance.
“Shores of Fire” situe d’emblée l’action au-delà du cercle polaire: le blizzard caresse la calotte glaciaire, la guitare de Mikko patine entre les flocons tournoyants, deux, trois accords chercheurs suivis comme leur ombre par une flute sereine qui en mime la trace. On est encore dans le berceau des premiers fils d’October Falls, Tuoni et Marras – tous deux très recommandés à tout quidam par la première phrase de la chro alléché. Puis rapidement la banquise s’ébranle sous le rugissement d’un premier galop rythmique imposant, parce qu’inattendu. Double-pédale squeezée en fond de mix, vocaux black distants, guitare à la fois souple et burinée, dont le timbre rappelle Rapture et l’allure Agalloch (d’abord Pale Folklore), pour une mélodie limpide et destressée. Plus loin, l’olympien “Funeral Pyres” héberge un riff rappelant de façon fort plaisante un thème de La Jetée, le film (culte). Le paysage de la pochette s’imprime devant les yeux. Vastes étendues, climat impitoyable, incandescences de bout du monde. The Streams of the End quoi… Comment mieux baptiser une musique dont la beauté invariable n’attend que l’oreille curieuse pour saisir et traîner loin de toute tentation citadine.
Oh bien sûr The Streams of the End ne brille pas par sa différence. Ni avec des recettes éprouvées depuis que Bergtatt (Ulver) a rendu le Bathory de Twilight of the Gods au black metal. Ni avec lui-même : les trois titres “metal” qui le composent (le quatrième faisant office d’outro) sont intimement attachés à une formule aussi simple que déclinable à l’envi: l’alternance de strophes acoustiques et de leur prolongement électrisé, en mid-tempo ou en blasts domestiqués. Alors, pantouflard Mikko? Sans doute un peu à l’étroit dans une camisole académique plutôt, mais tellement efficace dedans qu’on guette fébrilement le jour où il explosera les coutures pour oser une musique plus absolue, buissonnière, libérée du confort métrique. Pourquoi alors ne pas rêver à un destin rappelant l’impressionnante émancipation de Moonsorrow sur Verisäkeet? En attendant, on se dira que finalement le format EP convient pour le mieux à ce disque en forme de carte de visite, en lui évitant le piège de la longueur.
- shores of fire
- white northern soils
- funeral pyres
- the streams of the end
Ouais, pas franchement convaincu aussi, ça sonne encore trop comme du Agalloch.