Dormant Ordeal – Tooth and Nail

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Style: Death MetalAnnee de sortie: 2025Label: Willowtip Records

Quatrième album pour le groupe polonais Dormant Ordeal, dont les lignes continuent de bouger. Côté positif, on notera qu’après deux albums autoproduits et un passage par le label polonais Selfmadegod Records, le groupe fait à présent partie de l’écurie Willowtip Records,un label américain au pedigree irréprochable : Arsis, Ion Dissonance, Gorod, Ulcerate

Dormant Ordeal est désormais dans la cour des grands, ce que je leur souhaitais déjà à la sortie de We Had It Coming en 2016. Côté un peu moins positif : après avoir perdu son bassiste en 2021, le groupe se retrouve à présent sans batteur, Radek Kowal ayant plié les gaules en 2023. Dormant Ordeal est donc, à l’heure actuelle, un duo. Ce genre de remaniement n’est pas rare ‒ les récents mouvements chez Archspire ou Mastodon, pour ne citer qu’eux, en témoignent ‒, mais je me permets tout de même de poser un regard délicat sur la fragilité, de plus en plus visible, qui caractérise l’industrie musicale dans son ensemble. Non, je n’ouvrirai pas ici le chapitre de la rémunération des musiciens ‒ ce n’est pas le sujet ‒ mais la question reste en suspens : malgré toute la passion du monde, qu’est-ce qui pousse un musicien à capituler ?

Cela étant dit, parlons peu (j’en doute), mais parlons bien (je m’y attèle) : que propose le quatrième album de Dormant Ordeal ? Pour les fidèles de longue date, la sentence est simple : nous sommes dans la droite ligne des albums précédents. Les mêmes ingrédients sont là, pour une recette légèrement réajustée. On y retrouve le sel du récit, les épices mélodiques et le piment rythmique qui fracasse le crâne. Les proportions, elles, ont simplement été affinées. Pour ceux qui découvriraient le groupe avec Tooth and Nail, un peu de contexte s’impose. Commençons par la pochette. L’artwork de Kuba Sokólski sur We Had It Coming (2016) étaitsuperbe ; celui de The Grand Scheme of Things (2021), franchement oubliable. Cette fois, c’est Morgan Sorensen (See Machine) qui s’y est collé. Sur leur compte Instagram, on découvre un univers solide, singulier, immédiatement reconnaissable ‒ ce qui est à la fois une force et une faiblesse : on se dit que n’importe lequel de leurs visuels aurait pu faire l’affaire.

Mais Dormant Ordeal, lui aussi, a son univers ‒ guerrier, froid, désespéré ‒ que cette pochette épouse à cent pour cent : deux hommes armés de lances (hoplites ?) sur fond de soleil agonisant, dans un style qui oscille entre technorganique et antique. Tout est dit. Musicalement, on retrouve ce qui fait la personnalité du groupe : une aura héroïque et guerrière, froide comme la mort ; le death metal de Dormant Ordeal est glaçant, précis, presque mécanique, impression renforcée par la performance de Chason Westmoreland (ex-Hate Eternal, ex-The Faceless) qui martèle ses fûts avec une maîtrise technique redoutable. Un peu trop, peut-être… j’aimais beaucoup le toucher de Radek Kowal, capable d’insuffler du groove jusque dans ses blastbeats infernaux. Sur Tooth and Nail, il ne reste que les flammes, la fureur balistique, ce qui n’en reste pas moins impressionnant. Fidèle à ses valeurs, le groupe ne ralentit que rarement le tempo, conquérant les esgourdes comme une charge de cavalerie. Sur plusieurs titres (« Orphans » en particulier), le groupe ne s’embarrasse d’aucun préambule : le riff principal est balancé d’emblée à l’auditeur, qui n’aura d’autre choix que de s’y plier. Si introduction il y a, c’est qu’elle dissimule un blast capable de décoller le marteau du tympan. Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : Dormant Ordeal ne se livre pas à une course vaine à la précipitation, ni à la vitesse pour la vitesse. Ils sont les héritiers d’un metal polonais véloce ‒ dans la lignée de Behemoth ou Decapitated ‒ tout en imposant leur propre patte, immédiatement reconnaissable.

En premier lieu : la voix de Maciej Proficz. Je l’ai déjà écrit, et je le répète : Maciej est un conteur. La musique est un support à la scansion hurlée d’un monde en déliquescence. Son timbre est profond, sa voix terriblement éloquente, et les paroles, articulées avec soin, sont faites pour être comprises. Bon, d’accord, il faut être habitué aux voix gutturales… mais est-ce que j’écris cette chronique dans Jeunes & Jolies ? Les mélodies, ensuite. Elles sont partie intégrante du metal belliciste du groupe. Les riffs, précis et ciselés, racontent déjà beaucoup de choses : il ne s’agit jamais d’accords bateaux ni de remplissage. Encore une fois, techniquement, c’est du haut vol. Et lorsque les guitares s’embarquent sur un pont mélodique ou un passage instrumental, ce n’est jamais gratuit : c’est pour raconter des histoires. Il n’y a pas vraiment de solo, mais plutôt des entrelacements de notes, une forme de shoe(black)gaze martial ‒ tantôt très harmonique, bien plus souvent dissonant. On retrouve encore, comme sur l’excellent « Halo of Bones », ces inflexions orientalisantes, ces mélancolies levantines, un écho des batailles antiques. D’ailleurs, la place des mélodies me semble avoir gagné un petit cran par rapport aux albums précédents. On y entend même, sur « Everything that Isn’t Silence is Trivial », quelques notes de piano ! N’allez cependant pas croire que vous voguerez sur une mer d’huile. La poix et les lances menacent vos pavillons, et les tambours annoncent toujours un abordage imminent et sanglant.

Dormant Ordeal, c’est la boue et la sueur des batailles épiques. C’est carré, c’est féroce ‒ et c’est ça qui est bon. Tooth and Nail ne révolutionne rien, mais affine tout. Une nouvelle étape dans la marche d’un groupe qui, contre vents et blasts, continue de frapper juste, et sans concessions.

Tracklist :
01 – Wije i Mary, Pt. 1
02 – Halo of Bones
03 – Horse Eater
04 – Orphans
05 – Solvent
06 – Dust Crown
07 – Against the Dying of Light
08 – Everything that Isn’t Silence is Trivial
09 – Wije i Mary, Pt. 2

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