Nouvel album signé des anglais de Rolo Tomassi, et autant dire qu’au vu des premières chroniques qui tombent sur la toile, en voilà un qui a toutes les chances de se retrouver en bonne place dans les tops de fin d’année (ce sera au moins le cas dans celui du rédacteur de cette chronique…).
Le groupe existe depuis 2005, et c’est pourtant la première chronique d’un de leurs albums que vous trouverez sur Eklektik. Je ne m’étais de mon côté jamais vraiment intéressé à ce groupe, mais la claque prise avec ce nouvel album m’a permis de me rattraper et de partir à la découverte à rebours des précédents albums du groupe. Il y a de très belles choses chez ces anglais (les deux précédents albums, Grievances et Astraea sont très recommandables), même avant qu’ils arrivent à parfaire leur démarche sur ce 5ème album, clairement leur plus abouti à date.
Un album qui se place plus que jamais sous le signe de la dualité, du yin et du yang. On trouve en effet le groupe au sommet de son art, capable d’orchestrer encore mieux que par le passé cette dualité, au sein de l’album même, mais aussi et surtout au sein même d’un morceau (exemple avec les sublimes « The Hollow Hour » ou « A Flood of Light »).
Comment un petit bout de femme si charmant (Eva Spence) est-il ainsi capable de passer de la maîtrise et de la volupté, à la frénésie la plus totale ? Pour avoir vu le groupe le 21 mars dernier à l’Olympic Café à Paris (c’était excellent!), on peut témoigner de sa capacité à retranscrire les mêmes émotions sur scène, et à passer avec aisance de la grâce à la rage en un battement de cils.
C’est cette dualité qui fait selon moi tout le sel de cet album, qui malgré des passages enragés et d’une grande puissance (le monstrueux « Rituals », ou « Alma Mater ») reste avant tout d’une beauté folle. L’apport du synthé (tenu par le frère d’Eva, James Pence qui assure occasionnellement aussi des backvocals arrachés), qui est depuis longtemps un élément important dans la musique du groupe n’a jamais été aussi décisif. Il réussit à amener une ambiance sombre, voire même sinistre, sur laquelle s’époumone parfois Eva dans son registre hardcore habituel, et même parfois dans un registre plus classiquement death (« Whispers Among Us »). Il y a vraiment un côté ténèbres/lumière porté à la fois par les nappes de clavier mais aussi par la voix d’Eva. L’utilisation du synthé dans son mode nappe lugubre (en particulier sur « Rituals ») fait un peu penser à l’utilisation qu’en fait un groupe comme Will Haven, alors qu’à d’autres moments (« Towards Dawn » ou le démarrage de « Contretemps ») on pense carrément plutôt à Genghis Tron (dont on n’a d’ailleurs plus de nouvelles, après le pourtant génial Board up the House chroniqué en son temps dans ces pages). Mais cette dualité est d’abord et surtout portée par le chant d’Eva.
Car Eva ne fait pas que s’époumoner, loin de là. Il y a d’ailleurs du rock indé dans son registre vocal clair dont elle use magnifiquement sur le premier titre de l’album (qui suit l’introduction instrumentale « Towards Dawn ») « Aftermath », qui pourrait faire penser à tort que le groupe s’est énormément assagi (le démarrage enchaîné de « Rituals » ramènera très vite à la réalité d’ailleurs!!). En réalité ce titre fait figure d’exception sur l’album, car il est quasiment le seul où cette approche « claire » est développée sur l’intégralité du titre (en réalité également sur « Risen » qui ressemble davantage à une conclusion), sans aucune voix hurlée. Pour autant on retrouve souvent ces vocaux clairs et magnifiques à d’autres moments, comme sur « A Flood of Light » sur lequel Eva utilise le contraste entre ces deux voix de façon très habile et très prenante et semble se répondre à elle-même, parfaite illustration de la dualité maîtrisée que j’évoquais précédemment.
Le groupe prend son temps, fait moins montre de la frénésie qui l’habitait encore sur le précédent album, affichant ici des ambiances posées, atmosphériques (« Whispers Among Us » encore, le final de « Contretemps » tout en douceur, ou la conclusion en douceur de « Risen » qui se colore de saturation dans sa phase finale), mais qui sont souvent là pour précéder ou succéder à de violentes explosions de rage. Le mathcore/hardcore n’est jamais très loin, et reste la marque de fabrique du groupe. Pas étonnant que l’album, 53 minutes au compteur pour 10 titres, soit bien plus long que les deux précédents qui culminaient tous deux à 38-39 minutes et enchaînaient de façon plus « simple » et moins bien mélangée, les différentes facettes du groupe.
Au final, voici tout simplement avec le Slugdge, mon album de l’année au 26 mars, date à laquelle j’écris ces lignes. Les rosbeefs ont décidément tout compris pour l’instant cette année (surtout si on ajoute Don Broco au duo dans un registre bien différent).
Magnifique.
Tracklist :
1 – Towards Dawn
2 – Aftermath
3 – Rituals
4 – The Hollow Hour
5 – Balancing the Dark
6 – Alma Mater
7 – A Flood of Light
8 – Whispers Among Us
9 – Contretemps
10 – Risen