Desservi par sa pochette franchement simpliste et moche, voilà pourtant un album qui s’est imposé chez moi au fil des semaines comme un indispensable de l’année, l’air de rien, grâce à une surprenante longueur en bouche (en oreilles plutôt). Entendez par là que cet album qu’on écoute d’abord distraitement sans plus d’enthousiasme, révèle au bout de quelques écoutes sa profondeur, que les écoutes successives ne font que confirmer pour au final aboutir à une sévère addiction.
C’est que la troupe canadienne menée par la charmante Emily Haines, n’avait pas franchement bouleversé le monde du rock depuis ses débuts, malgré un rock (indé) certes dynamique voire même contenant son lot de tubes (notamment sur le très bon Fantasies, sorti en 2009, et qui restait jusqu’alors le meilleur album du groupe), mais pas particulièrement mémorable et impactant dans la durée pour les mélomanes exigeants que nous sommes.
Sauf que… Art of Doubt vient rebattre les cartes et d’une spectaculaire manière s’il en est. Sans bouleverser son style, le groupe canadien prouve que contrairement à l’adage, la valeur attend parfois le nombre des années pour éclater et s’exprimer. La maturité et l’expérience accumulées lui ont permis au final d’affiner son style en accentuant ses forces et en affûtant un songwriting dont la richesse, l’intelligence et l’efficacité ne peuvent plus être contestées.
Alors évidemment on reste sur du rock relativement mainstream, mais d’abord l’équilibre malin entre morceaux uptempo et morceaux plus lents mais poignants (« Underline the Black », « Anticipate », « Seven Rules », « No Lines on the Horizon ») est bienvenu et rend l’écoute de l’album dans sa globalité agréable sur toute la longueur, ce qui est une belle réussite pour un album qui dure près d’une heure.
Par ailleurs, la capacité du groupe à pondre le petit quelque chose en plus pour transformer un morceau « classique » en bonne surprise est assez remarquable. On pense par exemple avoir cerné le côté linéaire du calme « Seven Rules » dont la guitare prend pourtant au final une teinte plus menaçante sur la fin, avec une saturation qu’on n’aurait pas forcément imaginer pointer le bout de son nez. C’est bien fait, ça casse les clichés et franchement c’est tout simplement jouissif.
Même parmi les titres plus rapides certains (beaucoup) comptent à mon sens comme des tubes irrésistibles qui devraient en toute logique être reconnus parmi les meilleurs morceaux jamais écrits par le groupe : on citera dans cette veine « Risk », « Now or Never Now » et sa 2ème partie qui décuple la qualité du morceau, les refrains monstrueux de « Dressed to Suppress » ou « Holding Out » (les poils dressés à chaque écoute). Il y a certes quelques moments faciles et peut-être moins réussis, à l’image de « Love you Back », un peu facile et gentillet, mais globalement on ne s’ennuie pas et on tape du pied tout du long.
Il est également utile de rappeler à quel point la voix d’Emily Haines est belle, qu’elle fasse dans l’épure comme sur le superbe « Anticipate » ou qu’elle aille chercher un peu plus loin quitte à placer quelques cris rageurs sur « Dark Saturday » par exemple. Soyons honnêtes, son registre « calme » est celui qui lui va quand même le mieux, mais sa capacité à varier les registres est là encore bienvenue, permettant à cet album de ne pas lasser en ne sombrant jamais dans le monotone.
On pense parfois à Wolf Alice, avec qui Metric partage (outre le genre « rock à chanteuse ») cette capacité à varier les ambiances tout en transformant tous les genres abordés en réussites insolentes.
Au final Art of Doubt apparaît assez aisément comme l’album le plus réussi du combo canadien, et une belle petite claque inattendue en cette année 2018. Un album qui figurera en tout cas en bonne place dans mon top annuel.
Tracklist :
01. Dark Saturday
02. Love You Back
03. Die Happy
04. Now or Never Now
05. Art of Doubt
06. Underline the Black
07. Dressed to Suppress
08. Risk
09. Seven Rules
10. Holding Out
11. Anticipate
12. No Lights on the Horizon