Du black metal pour des gens qui n’écoutent pas de black metal. Une description un peu cynique, souvent accolée à des groupes comme Cobalt, Wolves in the Throne Room, Nachtmystium, etc., qui n’ont plus de scrupule à fricoter avec des zones “fréquentables” des scènes indépendantes, que ce soit via leurs concerts ou leurs choix de collaboration. La mèche supplantant nettement la crinière sur les têtes venant s’agiter devant leurs récitals, il y a visiblement du vrai. Cela n’a jamais empêché le binôme de Denver, qui d’ailleurs ne tourne pas, de mordre à la jugulaire du conformisme avec une hargne commune aux seuls fanatiques. Après avoir bouffé des oiseaux dans un creuset de décibels en fusion, ils s’attaquent avec Gin à d’autres bêtes à plumes : les écrivains tragiques Ernest Hemingway et Hunter S. Thompson. Mais que ceux qui s’attendent à une musique intello ou ramollie des gencives se décrispent. Cobalt appliquent à cet attrayant concept toute l’autonomie et le mépris de la compromission propre au son développé depuis leurs débuts. Un son aigre, scarifié, viscéralement “américain”, voilà c’est dit. Cet album empile les plans mémorables avec une sorte de désinvolture insolente, et totalement naturelle. Tout ou presque part de cette putain de batterie, à la polyvalence tyrannique, qui découpe des biftecks de toutes tailles et de toutes obédiences dans l’ombre de dizaines de riffs tourbillonnants – la plupart d’une efficacité à se disloquer les vertèbres. En pleine acceptation servile, on se laisse traîner du tribal le plus cathartique à la razzia punitive. Le spectre de la guerre qui plane sur le disque accentue certainement l’effet – outre le concept, il faut savoir que Phil McSorley (vocaux) est déployé en Irak parmi les boys du Pentagone. On ne s’étonne dès lors pas de l’intensité et de l’urgence qu’il insuffle à ses incantations démentes. Jar-Jar Boe vient resservir du “Mother/Father” sur “Pregnant Insect” et la rencontre des deux galaxies cloue sur place par sa légitimité jubilatoire. Ce titre, orchestrant un métissage foudroyant entre Neurosis et Absu, avant, donc, de rôder du côté de chez Swans, pourrait à lui seul servir à définir le groupe dans le grand glossaire des musiques folles et visionnaires.
Un comparatif entre Eater of Bird et Gin ne tourne à l’avantage d’aucun des deux. Le premier s’abreuve sans relâche de son animalité et de sa violence psychique. Le second, non moins définitif dans le siège qu’il impose à la conscience, est construit plus rationnellement, offrant une meilleure exposition aux – toujours excellentes – parties acoustiques/initiatiques en les décollant plus nettement du tronc des morceaux. Un choix qui pourra ne pas séduire tout le monde d’emblée, mais qui ne souffre d’aucune faute dans sa réalisation. La vraie (bonne) leçon du passage de l’un à l’autre, c’est qu’on ne voit pas très bien comment Cobalt pourraient lasser s’ils continuent à balancer des parpaings de cette trempe.
- gin
- dry body
- arsonry
- throat
- stomach
- a clean, well-lighted place
- pregnant insect
- two-thumbed fist
- the old man who lied for his entire life
- a starved horror
- stew craven (+ ghost track)
Excellente chronique! Tout est dit de la meilleure façon. Album hautement recommandé!
Pourquoi y a Tom Cruise sur la pochette ?
Le precedent etait tres bien mais comme le dit le chroniqueur, l’approche de gin est differente. Encore plus subtile et profonde quie le precedent qui misait bien plus sur l’aggressivite et l’aspect etouffant.
Simplement enorme.
cet album est effectivement passionnant.