J’ai interviewé un des guitaristes de Twelve Tribes, Andy, dans un bar proche de la Boule Noire. Il s’est révélé très sympa et réfléchi,
il a évoqué l’histoire du groupe qui pratique un hardcore moderne un peu hors norme,
leurs inspirations, et d’autres sujet comme leurs liens avec Killswitch Engage ou les américains moyens.
Est-ce que tu peux nous présenter Twelve Tribes ?
Nous sommes du Midwest des Etats-Unis, de Dayton en Ohio. Twelve Tribes existe depuis 1997, nous avons enregistré 2 albums avant le dernier, qui sont sortis sur Eulogy, distribué en Europe par Goodlife.
Nous venons de sortir un album, The Rebirth of Tragedy, sur Ferret aux Etat-Unis et Roadrunner ici.
Comment en êtes-vous venus à signer sur Ferret, le label de Carl Severson ?
En fait, on a fait beaucoup de concerts avec le groupe Nora, ce sont eux qui ont créé Ferret. On est devenu amis, en particulier avec Carl (chanteur de Nora) et on leur envoyait nos démos régulièrement.
Notre bon ami Howard de Killswitch Engage est aussi pote avec eux, il leur a dit qu’on était un groupe valable et qu’ils devraient nous signer. Au final, c’est le gars qui s’occupe du graphisme chez Ferret qui a surtout poussé pour qu’ils nous signent parce qu’il aime beaucoup ce que l’on joue. On est très reconnaissant envers tous ces gens.
Qu’est-ce que vous pensez du rapprochement de Ferret avec Roadrunner en Europe?
C’est génial, ça nous permet d’atteindre un public bien plus vaste. C’est grace à Roadrunner que nous pouvons être à Paris aujourd’hui, nos albums sont trouvables plus facilement je pense, nous faisons plus de promo.
Vous arrivez à vivre de votre musique?
On survit plutôt… de toutes façons on ne peux pas avoir de jobs comme on est sans arrêt en tournée. On ne rentre chez nous que quelques semaines de temps en temps. C’est génial de pouvoir vivre de ça, c’est comme un rêve de gamin devenu réalité.
Quand est-ce que vous avez enregistré « Rebirth of Tragedy » ?
On a enregistré l’album il y a un an, en janvier 2004, dans un studio du New Jersey où ont enregistré Everytime I Die, Atreyu, God Forbid, Hatebreed… On y est resté une vingtaine de jours, de 12 à 14 heures par jour, c’était assez stressant mais on est content du résultat.
Les 1ères fois que j’ai écouté l’album, je me suis dit « encore, un groupe à la Poison the Well » puis en l’écoutant plus en détails, je me suis rendu compte qu’il était en fait beaucoup plus varié et recherché que je ne le pensais.
Selon toi qu’est-ce qui fait que vous avez un côté plus imprévisible que beaucoup de sorties metal/hardcore actuelles ?
Je pense que beaucoup de groupes avec qui nous avons joué sont trop concentrés sur la musique agressive, ils se réveillent avec Slayer, puis écoutent du Hatebreed et le soir du Killswitch Engage. Ils n’écoutent que du métal ou du hardcore en permanence. Nous écoutons beaucoup de musiques différentes et sommes assez portés sur les trucs expérimentaux, en écoute beaucoup Tool par exemple, certains d’entre nous sont assez portés sur le hip hop, mais on écoute aussi pas mal les groupes de nos parents comme The Doors ou Led Zeppelin.
Je pense que ces influences font que notre musique n’est pas calquée sur celles d’autres groupes actuels. Je trouve que beaucoup de nos rythmes tiennent de la musique électronique, ou du rock épique des 70s. On a jamais voulu ne faire que des breakdowns bien lourds et des riffs à la Maiden, c’est en ça qu’on est un peu en dehors de la norme dans le metalcore.
Vous utilisez souvent des structures complexes et des rythmes décalés, d’où vous vient l’envie d’incorporer ce genre de plans ?
Ca nous vient de l’écoute de groupes comme Dillinger Escape Plan ou Candiria, on a d’ailleurs joué pas mal de fois avec ces 2 groupes. On a fait récemment une tournée avec Candiria qui est un des groupes extrêmes que nous préférons. Nous travaillons sur des rythmiques complexes mais nous voulons toujours qu’elles soient digestes. J’aime beaucoup DEP mais je ne peux pas écouter leur musique constamment. On veut faire une musique complexe mais on garde à l’esprit de créer des morceaux cohérents, que chaque morceau ait une unité, une identité bien propre.
Est-ce que tu penses qu’un groupe de hardcore se doit d’être complexe de nos jours si il veut sortir un peu du lot et innover?
Oui, ça devient difficile d’être original, il y a tellement de styles différents dans le métal et le hardcore. Aux Etats-Unis, certaines personnes disent que nous jouons du néo métal, à cause de certaines de nos voix, mais ça nous dérange. On ne veut pas dire qu’on déteste tout ce qui est néo métal, on est tous très fan des Deftones par exemple, mais on a vraiment pas l’impression de sonner néo métal.
Est-ce que vous jouez avec plus de groupes hardcore ou métal?
Les 2, nous tournons avec des groupes des 2 styles, on a joué avec Zao, Soulfly, Kittie, 36 Crazyfists. Quelques fois il vaut mieux jouer devant un public plus métal car ils sont généralement plus ouverts, mais nous avons une certaine culture hardcore.
En parlant de 36 crazyfists, j’ai entendu que vous reveniez jouer avec eux?
Oui, on est vraiment contents, on a déjà tourné avec eux (c’était 36 Crazyfists, Candiria, Kittie et nous) pendant 5 semaines et on est devenu vraiment amis avec eux. Ils sont assez connus ici, est-ce que tu sais comment sera la salle dans laquelle on va jouer avec eux?
Ce sera la même que ce soir.
Ah ok, c’est bien, on préfère jouer dans les salles assez petites. Sur cette tournée avec KsE, on a joué dans d’assez grandes salles, l’Astoria à Londres, d’autres grandes salles en Angleterre et en Allemagne mais on préfère être proche du public comme ce soir, c’est plus intime sans barrières.
A la fin d’un des titres de The Rebirth of Tragedy, il y a un sample assez long d’un gars qui dit qui dit aimer tout le monde, il énumère toutes les communautés, il dit même « j’aime la police »… d’où est-ce que sort ce sample ?
C’est presque une inside joke dans notre ville, c’est un enregistrement d’un gars s’appelant Phil, un clodo qu’on voit toujours autour des salles de concerts. C’est un peu un hommage à notre ville parce que tout le monde le connaît là-bas et il a une voix très reconnaissable. Tous les gamins qui traînent en ville, font du skateboard, de la musique et vont dans les bars rock le connaissent.
On l’appelle l’homme-muffin, parce qu’il réclame aux passants des muffins, il adore ça. Un jour, on l’a filmé et on a récupéré la bande-son pour mettre ce passage sur l’album parce que c’est quelque chose qui touche tous les gens d’où on vient.
Je voulais en venir aux paroles, quel est le message que vous essayez de faire passer?
Il y a pas mal de choses dont Adam parle dans ses paroles mais le message principal serait de vivre sa vie au maximum. Dans le Midwest où nous vivons, les gens sont paresseux, ils ne font pas grand chose, ils se lèvent le matin pour aller à un boulot pourri, et rentrent chez eux pour se poser devant une télé débile des heures ou à chatter sur le net. Notre message est de se libérer de ça, de ne pas seulement prendre ce qui t’est apporté sur un plateau, de faire des expériences, découvrir ce qu’il y a en dehors de chez toi.
Nous pensons que ce n’est pas acceptable de vivre sa vie comme un zombie. On espère que les gens verront une espèce de prise de conscience sociale dans nos paroles.
On a pas de message spécifique type « soit vegan », soit « straigh edge », « soit républicain » ou « soit démocrate ». Chacun peut avoir sa propre interprétation des paroles.
De toutes façons, en France, rare sont ceux qui comprennent les paroles des groupes chantant en anglais en écoutant la musique, en particulier dans le hardcore où le chant est crié, donc il faut se plonger dans les livrets pour lire les paroles.
[lol]
Qu’est ce que les jeunes français pensent des groupes américains en ce moment? On entend souvent que les français ont du ressentiments envers les Etats-Unis.
Ca me fait penser au fait que vous venez de l’Ohio qui a été l’Etat décisif pour l’élection américaine. La plupart des gens se sont sentis concernés par l’élection américaine…
On était tous les 5 mécontents de la tournure de l’élection. Sans faire de généralisation, dans notre Etat il y a beaucoup de rednecks, ils viennent de coins très ruraux, ne sont pas très éduqués et sont trop influencés par la propagande de l’administration Bush dans les médias. C’est ce que je n’aime vraiment pas dans Bush, je l’associe aux gens crédules qui ont peur sans raison et ne réfléchissent pas plus loin que ce qu’ils voient aux infos. Le fait que les européens voient tous les américains comme ça nous inquiète.
Ne vous inquiétez pas, c’est clair que les fans de rock en France n’ont absolument rien contre les groupes parce qu’ils sont américains. La majorité des gens savent faire la part des choses, le seul ressentiment pourrait être contre le gouvernement américain.
C’est un pays génial mais il y a beaucoup de problèmes d’ignorance et de pauvreté. Nous avons un potentiel du fait de nos lois de notre économie mais on reste coincé dans certaines idées, c’est décourageant parfois.
Le nom du groupe a un rapport direct avec la bible, pourquoi l’avez vous choisi?
C’est une référence à la bible, mais nous ne sommes pas religieux du tout, c’est juste un nom de groupe, on trouvait que ça sonnait bien. Tu sais, on ne discute même jamais de religion dans le groupe, je ne sais même pas si les autres croient en un dieu.
Ce qui est étrange c’est que ça fait un peu reggae comme nom, beaucoup de groupe reggae utilisent le terme « Twelve Tribes of Israel» dans leur paroles car ça se réfère au rastafarisme.
Oui c’est marrant. La soeur d’Adam est rastafarienne, elle nous avait fait la remarque. Mais Twelve Tribes vient d’un vieux groupe de hardcore d’Orlando, Bloodlet, Adam adore une chanson qui parlait des 12 tribus. C’est un des groupes hardcore que nous préférons, ils étaient signé sur Victory dans les années 90 ils faisaient partie de la même scène que Earth Crisis ou Integrity, mais comme nous ils étaient un peu à part. Quand on a commencé, on était vraiment fan de ce groupe et d’Overcast, le groupe qui est à l’origine de Killswitch Engage.
Tu disais que vous connaissiez bien Howard , comment est-ce que vous avez rencontré Killswitch Engage?
En fait Howard est notre manager ! Il habitait dans l’Ohio aussi avant de bouger dans le Massachussets, donc ça fait 7/8 ans qu’on le connaît. Il nous a toujours supporté mais ça fait 6 mois qu’il est notre manager, depuis notre signature sur Ferret. On lui fait confiance. C’est un gars très sympa et simple, c’est bizarre d’ailleurs de voir un gars que tu as connu jeune devenir une rock star. Des gens le reconnaissent souvent dans la rue aux Etats-Unis, ça le gêne en fait parce qu’il est assez calme et réservé, presque timide.
Mais il aime bien déconner avec ses potes, hier il m’a balancé une tranche de jambon dessus. Je suis végétarien alors ça m’a pas fait très plaisir mais on s’est bien marré.
Pour finir quels sont vos plans pour l’avenir? Des tournées, un nouvel album?
Pour l’instant on tourne beaucoup. On compose de temps en temps en tournée, on enregistre ça sur un 8 pistes puis on voit ce que ça donne une fois rentrés chez nous. Mais on ne compose pas des masses en tournée. Comme on pense continuer les concerts jusque novembre, le prochain album ne verra pas le jour avant 2006. On rentre bientôt pour une tournée d’un mois aux US, puis on revient en Europe avec les 36 crazyfists (10 avril à la Boule Noire – Paris) et peut-être en été pour des festivals, le Download par exemple. On aimerait bien aller au Japon et en Australie aussi.
Merci à Sabrina et Jessica de Roadrunner !