Skid Row – Slave to the Grind

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Style: hard rockAnnee de sortie: 1991Label: Atlantic Records

AlCheMist :
N’y allons pas par quatre chemins… Au simple énoncé du titre de cette galette, un mot s’impose à moi : furieux. Voilà comment en un seul adjectif l’on pourrait définir Slave to the Grind. Et si jamais la locution : ‘grande gueule’ n’avait pas été inventée, il eut fallu pallier ce manque de toute urgence afin d’en affubler immédiatement le blond Sebastian Bach. Car s’il est un point absolument remarquable de cette rondelle fleurant bon les cheveux longs, lavés de frais, flottant gracieusement sous les ondulations d’un ventilateur chromé, à mon sens, c’est la puissance vocale et ravageuse dont faisait montre ce bon Bas en cette année 1991. Et de mettre toute sa hargne, sa colère et sa verve au service de compositions suintant un Hard-Rock burné et enflammé. Voilà pour les premières explications concernant un culte que je rends au blondinet depuis une quinzaine d’années.

Et puisqu’il est question ici de rock n’ roll, je me vois dans l’obligation de m’interrompre (avec regret) pour laisser la parole à mon comparse Darkantisthène, grand amateur du genre, qui de ses lumières vient soudain nous éclairer…

Darkantithène :
Pour ma part, la première chose qui me vienne à l’esprit lorsque le titre de ce 2è album des ‘ricains est vicieusement prononcé n’est pas un substantif mais un souvenir de réunion de famille : nous étions chez ma tante avec mes parents pour fêter je ne sais même plus quoi et une émission de metal était diffusée sur M6. Le fond sonore avait jusqu’alors laissé tout le monde dans l’indifférence quand, tout à coup, rugit le premier accord du titre Slave to the Grind. Et de m’exclamer : « woh putain ça c’est du bon, ces mecs sont excellents, ce riff tue » (pardonnez le vocabulaire, j’étais jeune à l’époque, voyez ?). Mon père eut alors cette réaction qui creusa un peu plus le fossé des générations : « quelle est la différence avec ce qui passe depuis 20 minutes ? ». J’eus le réflexe de contenir en moi un cri de détresse mais ce n’était pas l’envie qui manquait de lancer un tonitruant : « mouais… ».

Passé cet épisode scabreux et fort risqué sur un plan diplomatique, je me procurai le bébé. Et sans doute toutes les interviews parues en français à l’époque pour voir ce que les gars avaient dans le ciboulot. C’est dans l’une de celles-ci que j’ai pu lire ce qui m’a semblé parfaitement décrire cette bombe : « le chaînon manquant entre le thrash et le heavy ». Le père Bach était d’ailleurs parfaitement satisfait de cette proposition de qualification.

AlCheMist :
Puisque nous en sommes au rayon des souvenirs (épreuve pénible s’il en est pour nos lecteurs, surtout quand il s’agit des vôtres mon cher collègue), j’évoquerais de mon côté une fois de plus la midinette qui sommeille en moi, se repassant en boucle la vidéo de In a Darkened Room, superbe ‘power-ballad’, qui fût pour moi le premier signe avant-coureur de la tempête qui allait s’abattre sur mes oreilles pré-pubères… Ah, l’enfance… L’été à moitié nu mais tout à fait modeste, je devenais indien… pardon je m’égare… Oui, je revois encore ce clip interrompu par un passage live, où le grand Sebastian, torse imberbe et crinière ébouriffée se fendait d’un rugissement sur lequel enchaînait tout le groupe. Le choc… Je décidai aussitôt que moi aussi je serai blond, imberbe et grand… Quelques années plus tard, force est de constater l’échec le plus complet du projet si ce n’est d’un point de vue pileux… Bref, je m’empressais d’acquérir l’album pour y retrouver ce morceau d’anthologie, grand (c’est une image) romantique (c’est une image aussi) dans l’âme que j’étais.

Monkey Business, première salve de l’opus, n’est d’ailleurs pas sans me rappeler un épisode cocasse de ma courte vie de chevelu puisque, lorsqu’il fût interprété par le groupe à l’Élysée Montmartre, je perdis mes baskets à languettes au sein d’une fosse déchaînée… Bref, revenons à nos moutons, c’est sur ce plan que nos amis du New-Jersey marquent indubitablement des points. Plus agressifs, plus lourds, plus recherchés, les titres composants Slave to the Grind se suivent comme autant de pains dans la gueule… Et de filer par la même occasion aux titres de l’éponyme premier album un sérieux coup de vieux. Fini de faire mumuse au bac à sable en compagnie de Mötley Crue et Bon Jovi, les Skids étaient bien décidés à botter des culs, si vous me passez cette expression triviale.

Darkantisthene :
Je suis bien évidemment outré par de tels propos mais vous absous sans complaisance aucune tant la tentation est trop grande, en compagnie de cet album, de camper le rôle d’un bad guy prêt à montrer sa collection de coquillages à toutes les poulettes présentes dans la salle.
Vous avez, à juste titre, immédiatement souligné les prouesses vocales du père Bach qui sont proprement phénoménales. Après 258 000 écoutes, je reste encore en effet bouche bée à l’écoute de chaque titre. Mais, si la voix puissante et chaude de l’ingérable et faussement angélique descendant du compositeur endiablé de cantates est sans conteste un atout incommensurable de l’alchimie Skid Row (la dernière minute de Wasted time punaise !!), les compos sont, chacune et pleinement, des hymnes du genre.
C’est bien simple, tous les riffs tuent : l’intro lourdinque de Mudkicker m’a souvent inspiré des postures « viriles » dans ma chambre en plein « air guitar », arborant un faciès de méchant-pas-content-moi-chuis-un-fou-même-si-je-fais-10-kilos ; The threat, vicieux au possible, impose des mimiques de voyous et donne envie de déambuler dans des rues malfamées à la recherche d’une blonde trop maquillée histoire de lui expliquer la vie, la vraie.
Et que dire des soli bordel, si ce n’est qu’ils sont toujours inspirés et collent parfaitement à l’ensemble : mélodiques, hargneux et jamais branletto-chiants (et pourtant d’un sacré niveau technique : écoutez Rio act par exemple et bon courage pour nous chier le même toucher).
Alors, certes, la prod’ a vieilli mais elle a l’avantage de faire la part belle à la clarté du son et n’hésite pas à permettre à la basse de claquer sa mère (c’eût été dommage de ne pas profiter de celle-ci sur Psycho love !).
Et puisque vous avez osé avouer votre penchant de midinette, je peux également me mettre à nu (et dos au mur, je vous connais sacripan !) : c’est cet album qui m’a permis d’accepter la présence d’une ballade sur un disque de metal. Entre le fait que la plupart que j’avais pu écouter étaient de piètre qualité et ma rustrerie de l’époque, cet exercice de style m’apparaissait horripilant au possible. Ma dureté d’âme fut donc mise à l’épreuve car c’est rien moins que 3 sloves que les Skid nous proposent ! Un quart des compos donc ! Mais, servies par des refrains entêtants, des solis tout sauf mièvres, permettant à Bach de monter vers les cimes que peu de chanteurs peuvent connaître, elles n’auront eu que peu de mal à me convaincre de leur nécessité.

AlCheMist :
Puisque nous en sommes au chapitre des douceurs, vous me permettrez d’évoquer ici quelques titres qui ont littéralement fait fondre mon cœur de rocker (Avec lequel je n’ai jamais su dire je t’aime…). Et je commencerai par l’explosif et survitaminé Riot Act cité plus haut par vos soins pour son solo. Un véritable hymne à la révolte, une invitation à la torgnole, bref un titre aussi délicat qu’une baston de rue à coup de brique. Les danseuses sont priées de garer leur tutu, les Skids démarrent pied au plancher pour ne jamais débander. Une redoutable dynamique est à l’ouvrage et Sebastian nous gratifie d’une gueulante absolument culte sur le dernier c
ouplet. De quoi laisser bon nombre de castras peroxydés sur le carreau car Bas allie hauteur et puissance comme personne. Le ronflant Livin’ on a Chain Gang n’est pas non plus en reste, pur moment de rock n’ roll qui a dû user bien des talons biseautés de santiagos tant l’envie de marteler le sol se fit et se fait encore pressante à son écoute. Les chœurs sont de sortie, massifs, entraînants et le refrain reste aujourd’hui encore une tuerie intégrale. Je finirai en beauté avec le splendide Wasted Time enfonçant définitivement le clou et achevant de fort belle manière cet album chargé ras-la-gueule de hits en tout genre. Car oui ballade, oui beaux arpèges égrainés, oui belle voix chantante et mélodieuse empreinte de nostalgie mais aussi rage contenue, montée en puissance, guitares inspirées et final volcanique nous laissant transis tant le feu déchaîné vient à manquer dès que le silence se fait. (Pas mal, celle-là hein ?!)

Bref si nos lecteurs ne l’ont pas encore compris, Slave to the Grind demeure encore à l’heure actuelle une référence en béton armé doublé d’acier trempé. Un album aussi solide que le rock, qui a fort bien vieilli et nous rappelle qu’en ce temps Skid Row était une référence incontournable. Depuis, le groupe nous a gratifié d’un fort intéressant Subhuman Race qui venait presque briser les codes établis par son prédécesseur dont nous évoquons le souvenir dans ces lignes. Las… les problèmes d’ego sont venus briser le rêve et les Skids aujourd’hui séparés de leur Bas ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Nous reste tout de même ce gigantesque album résonnant de hits plus enragés les uns que les autres, respect. En conclusion, je retournerai aux 5 du New-Jersey cette question : ‘Is it all just wasted time ? Can you live with yourself when you think of what you left behind ?’

  1. monkey business
  2. slave to the grind
  3. the threat
  4. quicksand jesus
  5. psycho love
  6. get the fuck out
  7. living on a chain gang
  8. creepshow
  9. in a darkened room
  10. riot act
  11. mudkicker
  12. wasted time

Chroniqueur

Darkantisthène

Il est né, il a chroniqué, il est mort, aurait pu dire Heidegger si... j'étais mort, si Heidegger était vivant et s'il s'était intéressé à ma prose autant qu'à celle d'Aristote. Et il n'aurait pas été à une connerie près le père Martin parce qu'avant de chroniquer, et après être né, figurez-vous que j'ai vécu ; et écouté de la musique.

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8 Commentaires

  1. totoro says:

    Putain d’album effectivement!
    Et très bonne chronique également. Un groupe qui continue de bercer ma vie de métalleux, même si j’avoue une légère préférence pour Subhuman Race, avec lequel j’ai découvert Skid Row (Ah « Eileen »…).
    Bach est un des frontman que je respecte le plus dans le milieu, même si je n’ai jamais eu la chance de le voir sur scène, snif!
    Vous assurez vraiment avec votre rubrique Anthologik les gars!
    Keep on!

  2. guim says:

    « L’été à moitié nu mais tout à fait modeste, je devenais indien » (culte).Bravo pour cette pièce de choix,je ne suis pas fan des skid mais je dois avouer que cet album a vraiment marqué son époque,les morceaux sont tous taillés pour faire frétiller les culs,les radios à l’époque l’avaient bien compris,dommage qu’il n’y ait plus de groupe de ce calibre sur les ondes avec cette verve rock’n’roll et le gras de ce STTG.You can´t be king of the world;If you´re slave to the grind ! héhé

  3. heavydevy says:

    Oh cool de mettre cet album en anthologie !!! Je ne connais que celui là du groupe (‘vais réparer l’erreur), Pleins de titres ecxcellents,Sébastien Bach est impressionnant de feeling,de puissance,de variation,un putain de chanteur comme on en fait peu.J’arrive pas à détacher un titre d’un autre tellement tout est super,je dirais qd meme que « wasted time’ est le chef d’oeuvre de l’album,une des plus belles balades jamais écrites ! Et je me sens plus sur « the treat »,quel groove !

  4. Monster says:

    Ouaip ben moi je l’ai pas beaucoup écouté celui là et c’était il y a longtemps mais j’ai pas trop compris pourquoi on en fait tout foin, j’ai trouvé ça bien, voir même très bon mais pas exceptionnel pour autant. Mais bon comme j’aime bien le hard rock à la Guns N Roses faudrait que je réecoute l’objet, jsuis ptêtre passé à côté de quelque chose…

  5. shaq says:

    J’ai découvert ce groupe sur M6, un concert à Moscou je crois, et la prestation des gus m’avait fortement impressionné ! aussi je me suis jeté sur cet album et il n’est pas sorti de mon lecteur CD avant un bon bout de temps ! entre les compos ravageuses et les balades à pleurer, cet album continue à ravir le nostalgique de big rock couillou que je suis. Un incontournable du genre, et une voix qui reste exceptionnelle. Anthologik, quoi :)

  6. Hoover77 says:

    Un bon album, plus heavy que le précédent. Par contre je suis définitivement plus sensible aux chansons rapides ou lourdes (les Riot act ou Slave to the grind) qu’aux ballades sirupeuses au possible (In a darkened room ou Quicksand Jesus). En prenant le meilleur du premier (18 & life, la seule bonne ballade du groupe, Youth gone wild, Here I am), Skid Row aurait eu de quoi faire un très bon album.
    Par contre faut pas chercher après, leur troisième album Subhuman race a été pour moi une déroute complète.

  7. AlCheMist says:

    Au contraire, Subhuman Race à mes yeux révèle une démarche tout à fait sensée. Loin de vouloir surfer sur le succès de Slave… ils se sont renouvelés en présentant un visage plus moderne et aventureux. La suite par contre…

  8. Monster says:

    Bon finalement j’ai correctement écouté ce disque et je viens faire mon mea-culpa : il est EXCELLENT ! Bach a un organe absolument incroyable (je parle de sa voix hein !).

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