A l’écoute du premier album de Pensées Nocturnes, et après avoir à peine terminé ma chronique du dernier Archgoat, mon imagination, pourtant peu fertile, m’amène irrémédiablement à visualiser l’accueil que réserverait aux premiers un public tout acquis à la cause des seconds.
On aurait sans doute droit à une distribution gratuite de tatouages sur la gueule à coup de randjos.
Parce qu’il faut avouer que, malgré leur relation directe avec la nuit sombre et pénétrante, les pensées mises en musique par ce Vacuum sont quelque peu aux antipodes de la mouvance black metal raw à tendance je-macule-le-saint-suaire-de-diverses-substances-corporelles.
Si vous faites parties des amateurs basiques de ce dernier et que vous ne souhaitez pas trahir la cause en ouvrant votre esprit et vos oreilles à d’autres formes de musique connotée black, vous pouvez directement cliquer sur la petite croix en haut à droite.
Les liens entre la musique classique et le black metal, sans être un passage incontournable, sont moins rares que ce que l’on peut penser. Beaucoup de groupes s’y réfèrent et pas uniquement dans la mouvance black symphonique. Ce qui est nouveau, en revanche, avec Pensées Nocturnes, c’est non seulement l’utilisation totalement décomplexée du classique mais aussi, et surtout, le style de référence.
En clair, il s’agit plus ici de parenté avec Chopin et Saint Saens (ou Ashram pour taper dans le néo classique) qu’avec Mussorgsky, Bartok ou autre Wagner.
Et puis, non content de nous servir une recette jusqu’alors inédite, voilà que le groupe en rajoute une couche en nous montrant que si on lui cherche des noises il peut fort bien nous démontrer son talent de compositeur jazz blues (« Coup de bleus »).
Peut-être a-t-on perdu encore un peu plus de lecteurs avec ces dernières informations. Peut-être même suis-je le seul à me lire. Rendez-vous avec moi-même, donc.
« Alors j’en pense quoi de ce projet ?
– Eh bien je devrais le savoir, puisque c’est moi qui pose la question.
– Ah ne joue pas au plus malin avec moi, je sais très bien où je veux en venir.
– Ok, ok, je vois qu’on ne peut pas me la faire, je suis vraiment trop malin. Eh bien dans ce cas, voilà mon point de vue que, je suis sûr, je partage : j’apprécie le black dépressif sous la plupart de ses formes ; j’apprécie le néo classique mélancolique. En toute logique, la musique de Pensées Nocturnes devrait être un doux nectar pour mes oreilles. Et là je suis persuadé que je me vois venir.
– Comme si j’étais moi, en effet. Enchaîne, coco.
– Eh bien en toute logique, donc, je devrais me délecter, malgré leur caractère un peu monotone, des chants d’oiseaux écorchés chers aux hurleurs qui aiment à se taillader les veines. Je devrais saluer l’audace de la démarche, la bonne tenue de l’exécution, de la production et de l’artwork. Je devrais me réjouir enfin de l’apparition sur la scène black dépressif d’une formation française de qualité. Et je le fais.
– Mais ?
– Mais la sauce ne prend pas. Je n’ai rien à redire de particulier, je crois tout simplement que cette forme ne me convient pas. La trame de fond qu’on qualifiera de Romantique ne titille pas mes sens. J’imagine la musique satisfaire plus les apprentis gothiques sujets au mal de vivre que le XIXème siècle a sublimé que les misanthropes adeptes de l’auto mutilation sur leurs bras maigrelets.
– Mais je ne fais partie ni de l’une ni de l’autre catégorie !
– Non mais je fais encore moins partie de la première que de la seconde, d’où peut-être mon manque d’enthousiasme. D’ailleurs, je le sais fort bien, je ne sais même pas pourquoi je me justifie à mon égard.
– Bon ok, je crois avoir compris ce que je voulais dire : je suis persuadé qu’on a affaire à un disque de qualité qui pourra éventuellement capter l’attention d’un public nécessairement ouvert mais dont je ne fais pas partie parce que le romantisme mélancolique m’en touche une sans secouer l’autre.
– Même si je suis moi, je l’aurais sans doute formulé d’une autre manière mais le fond est là.
– Et après y’en a qui vont dire que Je n’est pas un Autre…
– Finalement Sartre s’est juste trompé au niveau du nombre : l’enfer c’est l’Autre. »
- lune malade
- flore
- dés-espoir
- coups de bleus
- epitaphe
- repas de corbeaux