Clairement, le démarrage du nouvel album des américains d’Inter Arma se fait sous le signe du malaise et de l’inconfort. Le premier titre éponyme est en effet à la fois incroyablement dissonnant, éreintant, et à l’évidence clairement calibré pour rebuter les auditeurs peu avertis, y compris ceux qui connaissent les œuvres passées du groupe d’ailleurs.
Inter Arma n’a jamais fait dans la dentelle ni dans l’easy-listening, mais tout de même, « New Heaven », le morceau, semble en effet voir le groupe franchir un nouveau palier dans le domaine. Et par la même occasion continuer à se rendre encore plus difficilement cataloguable (leur musique pouvant toujours se situer aux carrefours du black, du doom ou du sludge voire du death grossièrement). Mais comme on le verra plus loin tout n’est pas si facile à nouveau, et New Heaven l’album n’est pour autant pas un album unidimensionnel, les virginiens s’appliquant (toujours) à brouiller encore davantage les pistes tout au long du déroulé de l’album pour le plus grand plaisir de l’auditeur qui aura eu le courage d’aller jusqu’au bout des 42 minutes du disque (en 8 titres). Une durée qui représente une vraie rupture (bienvenue!) en comparaison des très arides Sky Burial, Paradise Gallows ou Sulphur English, qui dépassaient tous allègrement l’heure de jeu et étaient franchement étouffe-chrétiens sur la durée (mention spéciale à Paradise Gallows qui culminait à 1h33, une durée absolument ridicule et forcément une mauvaise idée). C’est d’ailleurs pour cette même raison que le groupe m’avait un peu perdu sur les épuisantes sorties suivant le très bon Sky Burial, et que je garde une préférence pour leur EP Destroyer, même par rapport à leur premier album longue durée (lequel reprend certains morceaux de cet EP).
Cette pochette étrange a certainement été pour beaucoup dans le déclenchement de ma curiosité et de mon envie de découvrir ce nouvel album, et même si la première écoute m’a dérouté comme il se doit, j’ai finalement été conquis après quelques rotations supplémentaires. Car heureusement, une fois ce premier morceau passé, et sans qu’Inter Arma donne dans la pop évidemment, on retrouve des morceaux aux accroches un peu plus évidentes et à la dissonnance moins marquée (bien qu’encore présente comme sur « Desolation’s Harp »). Et comme déjà dit, le fait qu’Inter Arma arrête enfin d’étirer en longueur ses morceaux au-delà du raisonnable rend aussi sa musique beaucoup plus abordable et appréciable. Un morceau comme « Concrete Cliffs » bien qu’il contienne encore des passages de pure sauvagerie (en particulier vocale), présente aussi la facette plus atmosphérique, doom et mélodique d’Inter Arma, notamment vocalement et c’est une éclatante réussite. A ce propos je trouve le chanteur du groupe Mike Paparo toujours aussi impressionnant, tant dans le registre agressif où il est assez terrifiant il faut bien le dire, mais aussi dans le registre plus « clair ». A cet égard on ne peut pas passer sous silence le remarquable « Forest Service Road Blues », une ballade bluesy qui vient achever l’album de la plus étonnante des manières, mais avec succès une fois encore et qui démontre la versatilité du chant de Paparo.
Il n’y a que « The Children the Bombs Overlooked » dont on aurait aisément pu se passer tant il ne présente aucune accroche bien captivante malgré son côté tribal pas inintéressant, et qui voit ainsi le groupe retomber dans son travers d’allongement inutile. Pour le reste l’album captive, à l’image de « Violet Seizures », certainement le morceau « in your face » le plus réussi de la plaque, convoquant presque pour l’occasion le côté black psychédélique d’un (feu) Nachtmystium.
On avait déjà eu un aperçu de l’ouverture d’esprit et de la diversité d’influences qui sont revendiquées par les américains sur leurs albums précédents, mais aussi via leur album de reprises Garber Days Revisited (2020), qui voyait Nine Inch Nails, Ministry, Cro-Mags, et Venom cotoyer Neil Young, Hüsker Dü ou même… Tom Petty et Prince (pour une reprise à la fois évidente et absolument sans intérêt de « Purple Rain »). Et Inter Arma semble assumer plus que jamais cette variété d’influences sur ce New Heaven, qui reste un album extrême mais s’avère plus travaillé et intéressant que le premier album venu dans le genre et continue de placer le groupe en bonne position parmi les groupes les plus intéressants de sa génération.
Tracklist :
1. New Heaven
2. Violet Seizures
3. Desolation’s Harp
4. Endless Grey
5. Gardens in the dark
6. The Children the Bombs Overlooked
7. Concrete Cliffs
8. Forest Service Road Blues