Krallice – Krallice

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Style: black metalAnnee de sortie: 2008Label: Profound Lore

Dans la scène rap, le rap indépendant des labels Def Jux et Anticon s’est distingué du reste par les thèmes abordés, les instrus sur lesquelles ils posent et leurs flows. Plus intellectuel et conceptuel que le rap traditionnel, direct, revendicatif ou tout simplement support d’un ego trip assumé et jouissif, El-P ou Dose One revendiquent leur appartenance à la scène rap d’une manière globale mais touchent finalement à un registre beaucoup plus large. Bien que venant d’un milieu similaire à celui de Jay-Z ou Eminem, tout aussi urbain et bercé par les mêmes rappeurs, leur musique est plus le reflet d’un choix de registre que d’un déterminisme culturel. Comme le prouve très bien les aventures de Dose One au sein de formations aussi variées que Subtle (trip hop / rock), CloudDead (trip hop / avant garde) ou des artistes avec qui il collabore (Mike Patton, Sole …) ou de El-P, fondateur du label Def Jux et collaborateur de Alec Empire (Atari Teenage Riot), Justin Broadrick (Jesu, Techno Animal …), leur registre musical est loin d’être limité.

A l’instar de ces artistes, on retrouve une même volonté actuellement dans la scène black metal avec des groupes à la longévité plus (Wolves in the Throne Room) ou moins importante (Black one de SunnO))), Weakling et l’unique album, Dead as dreams). Tout comme El-P et Dose One, les artistes à l’origine de ces disques collaborent généralement avec bon nombre de personnes ou sont issus de milieux atypiques. Leur musique trouve alors un auditoire au confluant de plusieurs genres ou dans le public de webzines ou de magazines intellos comme Pitchfork et les Inrockuptibles. La décision de faire du black metal l’espace d’un instant est alors motivée par des raisons esthétiques contrairement à la plupart des groupes du genre qui s’insèrent dans cette culture par attrait pour son histoire ou l’image qui y est associée.

Krallice rentre dans la première catégorie. Mick Barr (Orthrelm…) à la guitare, à la basse et au chant, Colin Marston (Behold … the Arctopus…) à la guitare et à la basse et Lev Weinstein (Bloody Panda…) à la batterie ne sont pas des norvégiens pure souches. Bien au contraire. Musiciens chevronnés entourés d’autres esprits inventifs, toujours en quête de nouveauté et de nouvelles sonorités, ce trio s’attaque aujourd’hui au black metal mais fera autre chose demain. L’aventure n’est que passagère mais le désir de respecter les codes et l’esthétisme du genre est bien là. Les riffs ne sont pas des parodies du genre mais des créations originales évoquant le Darkthrone des débuts et les embardées épiques et déchirées de Weakling.

Fortement influencé par ces derniers, du point de vue de la structures des morceaux, Krallice n’est cependant pas un hommage mais un projet enfanté avec un état d’esprit similaire. La grande originalité de ce disque par rapport à tous les autres projets susnommés se trouve dans le talent des musiciens et leur habilité à savoir très bien jouer de leur instruments. Sans pouvoir être qualifiable de technique, Krallice vogue entre les vents froids créés par les riffs glacés et répétitifs des premiers disques du black metal mais y ajoute des touches très personnelles comme le solo de guitare distordu durant « Timehusk » par exemple. Comment empêcher des musiciens chevronnés de se laisser aller à montrer leur talent ? Et pourquoi les en empêcher d’ailleurs. Le jeu de batterie explose donc derrière les guitares et la basse et soutient la dynamique tout en y apportant de nombreuses variations. De traces des groupes originaux de chacun l’on ne trouve que quelques faibles traces, comme le solo de guitare de « Energy chasms » qui évoque quelque instant Behold … the Arctopus. Suffisamment cependant pour permettre au disque de trouver des occasions supplémentaires de se distinguer.

Tout en étant esthétiquement parlant très black metal comme le prouve la pochette, le logo, la production très froide et le style des guitaristes, Krallice trouve une troisième voix dans les expérimentations des musiciens et donne un souffle nouveau et original à ce disque. Très mélodique, j’ai été surpris par le contraste entre ce groupe et les groupes noise, extrême et avant gardiste de ces musiciens (le bassiste / guitariste jouant, par exemple, aussi au sein du duo noise / expérimental Infidel ? Castro ! qui est l’incarnation de l’inaccessiblité). Moins conceptuelle et surement moins envoutant que Wolves in the Throne Room et son idéologie écologiste, Krallice n’est cependant pas un disque de musiciens mais, un disque de black metal enregistré par des musiciens chevronnés toujours prêt à surprendre leur auditoire et eux même. Une réussite inattendue de la part d’un trio dont on aurait jamais attendu un disque du genre aussi bien composé et aussi original.

  1. wretched wisdom
  2. cnestorial
  3. moldec codices
  4. timehusk
  5. energy chasms
  6. forgiveness in rot

Chroniqueur

Mathieu Lubrun

Hororo est chroniqueur depuis 2004 sur Eklektik, bibliothécaire de profession, passionné de musique (metal, jazz, hip hop, electro …) et de comics. Alcoolique de concert et de disques, bavard et effervescent dès qu’il rentre en contact avec un artiste qu’il apprécie. Contactez-le pour lui dire tout ce que vous voulez à son adresse personnelle xhororox [AT] gmail [DOT] com et/ou suivez-le sur Twitter.

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4 Commentaires

  1. Lébo says:

    J’ai écouté qqes morceaux, ca ne m’avait pas marqué. Je re-testerai donc…

  2. noohmsul says:

    Ah ouai, chef d’oeuvre, carrement?^^ Perso c’est un album sympa, mais sans plus…

  3. SagresMetal says:

    Commencer une kro d’un album de Black Metal par un paragraphe sur le rap, c’est ce que j’apelle etre Eklktik ;)
    la kro donne envie, vais essayer de jetter une oreille dessus.

  4. ellestin says:

    pas ma came du tout, ambiances trop « fabriquées » je trouve, j’arrive pas à jumper dans la vibe :o). Mais je supporte la chronique, c’est bien de mettre ce genre d’albums en avant.

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