The Residents – Mark of the Mole

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Style: Experimental / Avant-Garde / Electronic / OvniAnnee de sortie: 1981Label: Ralph Records

Comment avoir pu écouter de la musique sans avoir commencé par celle des Residents? Question que l’on se pose après avoir accédé à leur incomparable univers, grâce aux heureux hasards ou un ami qui a décidé de prendre soin de vous. En effet, rapidement vous vous demanderez pourquoi, lors des cours de musique au collège, votre enseignant ne vous avait pas amené à étudier leur œuvre au même titre que celle de Bach. On l’ignore trop souvent mais les Residents sont à l’avant-garde et l’expérimentation ce que les Pink Floyd ont été au rock progressif, en popularisant un style musical qui, de prime abord, ne saurait l’être. Leur influence sur la musique électronique est indéniable, et la plupart de leurs albums, notamment ceux des années 80, semblent ne pas avoir pris une ride. Ce groupe a aussi pour autre caractéristique d’être très prolixe, avec environ une quarantaine d’albums accumulés en quarante ans de carrière. S’il fallait donc retenir une de leurs œuvres essentielles, il est évident que Mark of the Mole (1981) aurait toute sa place aux côtés du Commercial Album (1980) ou du plus récent Animal Lover (2005).

Avec The Tune of Two Cities (1982) et The Big Bubble (1983), Mark of the Mole  constitue le premier volet d’une trilogie sur l’histoire d’un peuple semi-imaginaire, appelé les Mole (taupe en français). Celui-ci narre les mésaventures des Moles, communauté travailleuse, chassés de leurs terres par une tempête, et qui se retrouvent confrontés aux fainéants Chubs, dans leur exode. Ces derniers vont alors exploiter les qualités stakhanovistes des Moles jusqu’à leur remplacement par des machines. S’en suivra un terrible affrontement entre les deux ethnies. On peut lire en filigrane tout ce que bon on voudra: l’exploitation et la servitude des peuples, la lutte des classes ou les effets pervers du taylorisme voire de la mondialisation, l’intérêt des Residents ne s’arrête pas à de simples analogies sociétales. C’est par leurs remarquables expérimentations sonores que provient leur génie.

« Voice of the Air » installe dès les premières secondes une atmosphère surréaliste, mélangeant des éléments inconciliables : un son aigu et persistant, une chorale féminine totalement allumée  et des Moles aux voix étranges et absurdes s’enchaînent successivement contre toute logique. Au bout d’une minute trente, une improbable rythmique new wave et une basse post-punk brisent alors l’ambiance effrayante du départ, pour entamer ce qui semble être une danse idiote. Cette introduction pose les bases de ce que nos chers tympans n’auraient jamais cru entendre un jour sans rechigner, capable de mêler les opposés et dissonances avec brio.

Les différents autres titres continuent à mettre en exergue cette originalité. Les voix, par exemple, sont souvent teintées d’effets et accompagnées d’une sorte de theremin évoquant des personnages de chez Pixar en duo avec les Mogwaïs (Gremlins). L’ambiance musicale, quant à elle, enchaîne les guitares décalées et les claviers flippants, auxquels se greffent des instruments étonnants, comme cet harmonica jouant une musique vraisemblablement apprise à l’école primaire (« The Ultimate Disaster »).

C’est l’ensemble de ces éléments qui fait des Residents un groupe démesurément unique: plus leurs sons paraissent naïfs et enfantins, plus noirs et étranges, ils en rejaillissent. En osant une comparaison, on parlerait d’un réalisateur qui aurait la lourde tâche d’adapter Orange mécanique en film d’animation pour un public de moins de dix ans, sans faire l’ellipse des scènes de violence.

 La musique des Residents est ainsi à la contrée de deux mondes, comme ceux opposants les Chubs et les Moles, tantôt jouant sur la dérision (Commercial Album, Fingerprince…), tantôt côtoyant les ténèbres (The Voice of Midnight, Postcards From Patmos…). Mark of the Mole incarne donc à merveille l’essence couronné de paradoxes du groupe, en mariant l’absurde et l’obscur.

Tracklist:

1- Voices Of The Air (2:56)
2- The Ultimate Disaster (8:59)
3- Migration (7:18)
4- Another Land (4:41)
5- The New Machine (17:20)
6- Final Confrontation (5:54)

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4 Commentaires

  1. krakoukass krakoukass says:

    Ça m’a l’air bien hermétique et barré, en tout cas merci pour la découverte, je ne connaissais absolument pas ce groupe! Je vais tenter aussi « Animal Lover » pour voir.

  2. Ennoia says:

    Merci d’avoir mis les Residents en lumière, excellente chronique. C’est vrai que tout album des Residents est une réelle « expérience » d’écoute! Par contre Mark of the Mole ça ne doit pas être le plus évident pour commencer à découvrir leur musique. Le Commercial Album est peut être un peu plus accessible.

  3. Pluton says:

    Merci pour ces commentaires. Oui, « Mark of the Mole » est assez hermétique, par rapport à d’autres. « Commercial Album », « Animal Lover » sont deux albums plus simples d’accès. Ensuite, il y a « Voice of Midnight », adaptant le très sombre conte « Der Sandmann » d’Enrst Hoffman, qui, selon certains amis restent très accessibles tout en étant particulièrement obscure.

  4. darkantisthene says:

    Aussi « intéressant » que le Metal machine music de Lou Reed, on dirait :(. L’analogie avec Orange mécanique est assez opérante !

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