John Zorn – Moonchild

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Style: jazz avant-gardisteAnnee de sortie: 2006Label: Tzadik

Vous attendiez Mike Patton au tournant avec son nouveau et très médiatique projet pop Peeping Tom? Et comme de bien entendu vous êtes satisfait mais finalement un peu déçu tant vous en attendiez des merveilles ? Les Contes des mille et une nuits savent aussi se voiler pour mieux ensorceler…
John Zorn, compositeur émérite d’un jazz expérimental trouvant ces racines au cœur d’une œuvre free jazz telle que celle d’Ornette Coleman, sort ces jours-ci un projet sur lequel il bosse depuis trois ans environ. Fondateur, tête pensante de formations telles que Naked City, Masada, ou bien encore Painkiller, officiant en solo (jetez notamment une oreille sur ses série de BOF – les Filmworks – sur ses Chamber Music, rencontres de symphonies avant-gardistes et d’expérimentation sonore), ou bien encore « simple » compositeur comme c’est le cas ici avec Moonchild, si bien que lancer un album de John Zorn est toujours une aventure. Bien que ces dernières années aient vu fleurir bon nombre de groupes directement inspirés de son travail et prompts à naviguer dans les eaux troubles et anticonformistes de l’expérimentation sonore, rythmique. Avec plus ou moins de bonheur il faut bien le dire… Je citerai bien évidemment en tête de liste Fantômas du dit Mike Patton. Il aura bien fini par apprivoiser ou tout du moins préparer les oreilles des plus récalcitrants d’entre vous. Non ?

Ici rien de jazz au sens le plus commun, le plus classique, le plus vulgaire. Du moins si vous vous attendez à un son jazz « typique » suave, rond et langoureux. Oubliez. Passez votre chemin. Fuyez ! Ici de jazz il n’y a que l’âme, et surtout l’esprit versatile du free jazz. Des compositions créées pour un trio chant, basse, batterie inspiré des travaux d’Edgard Varèse, compositeur et acousticien français naturalisé américain ayant besogné à bouleverser les rythmes et à développer l’électroacoustique, Antonin Artaud, écrivain et poète français ayant fricoté avec les surréalistes (il finira d’ailleurs interné en asile psychiatrique… Qui a dit que l’art n’était pas dangereux ?…) et le non moins connu Aleister Crowley (est-il encore besoin de le présenter celui-là ?…). Je ne vous surprendrai certainement donc peu ou prou en vous plantant le décors musical : décalé, sombre et intense.

John Zorn s’est entouré de vieux compères, ayant déjà officié bon nombre de fois avec le new-yorkais : Mike Patton au chant donc (Faith No More, Tomahawk,… des apparitions chez Naked City, et autre participations aux albums de John Zorn (Elegy, IAO, Hemophiliac,Taboo and exile…), Trevor Dunn à la basse ( Mister Bungle et de nombreuses participations aux projets de Zorn notamment le fabuleux At the Mountain of Madness du Electric Masada), et Joey Baron à la batterie (Naked City encore et bien d’autres participations avec Zorn). Du très beau monde donc, pour peu que l’on goûte l’expérimentation sonore. Présentations faites, passons au contenu de ces 45 min de Moonchild.

Si vous vous aventurez dans cet espace sonore, vous tomberez au cœur d’une musique violente, obscure, un rien rituelle, une rencontre entre un jazz hardcore et un rock primal. Patton ne chante pas. Il vocalise. Tel un démon. Vocalises primaires, possédées et décadentes, graves ou aiguës. Il semble s’approprier un langage intemporel, liturgique et démoniaque. Imaginez un chanteur de black metal doué (ça existe ?…) au phrasé saccadé, animal et terriblement intuitif. Vous devriez apercevoir alors ce que peut donner cette prestation. N’oublions pas pour autant la section rythmique qui l’accompagne et vous envoûte. Intense, passionnelle, agressive, créatrice d’atmosphères mystiques, le jeu navigue entre violence extrême et torpeur maligne. Un instant la folie destructrice s’empare de vous au travers de breaks vertigineux, d’une basse sauvage. L’instant suivant, le calme glauque des peurs morbides s’installe, la basse saturée développe un son éthéré, la batterie s’épanche en roulements de tambour et autres rythmes funestes. La folie rythmique de Torture Garden s’agenouille devant l’atmosphère glauque d’Absinthe. Décidément Naked City n’est pas très loin. Pour autant, ceux qui se sont penchés sur le Delirium Cordia de Fantômas devraient s’y retrouver également en terme d’atmosphère. Le son est froid, voire glacial, tranchant comme le fil du rasoir.

Entre anticonformisme latent et surréalisme, John Zorn nous tisse le canevas d’une incantation, hypnotique, spontanée et moderne. S’inspirant des travaux d’Artaud sur le langage, il tente de transcender le langage musical, de l’entraîner sur des terres inconnues et arides, de le contraindre pour le libérer du sens commun, le dévoiler dans sa puissance, lui insuffler le pouvoir de détruire et de se détruire pour finalement parvenir à une nouvelle forme de langage, voire aux origines même du langage… Voyage troublant, passionnant bien que terrifiant, difficile à accomplir. Le voyage ne fait que commencer. Embarquez…

  1. hellfire
  2. ghosts of thelema
  3. abraxas
  4. possession
  5. caligula
  6. 616
  7. equinox
  8. moonchild
  9. le part maudit
  10. the summoning
  11. sorceress
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7 Commentaires

  1. So says:

    Je repasserai dans 20 ans.

  2. FireCat says:

    Je veux écouter ca, tout comme plein de disque de Zorn (les Filmworks m’ont l’air splendides) . Tres bonne chro :)

  3. matstriker says:

    rien que pour les gars qui s’y sont collés ca vaut le coup d’y jeter une oreille, voire deux…

  4. Rico says:

    Je le trouves tout simplement énorme.
    Bien marrante cette remarque : Imaginez un chanteur de black metal doué (ça existe ?…). C’est clair que Patton nous montre encore une fois tout son talent.

  5. human toxic says:

    ZORN, tout simplement ce qui se fait de mieux dans le style…..

  6. Reflebe says:

    Je cromprend pas qu’on compare ce projet à Fantomas, je trouve pas grands choses commun entre les deux groupes si ce n’est les protagonistes. Certes, Patton vocalise plus qu’il ne chante dans les deux groupes mais le résultat est très différent ici. De plus il n’utilise pas d’effet sur sa voix.

  7. Angrom angrom says:

    Je ne connais pas beaucoup de disques de Zorn mais ce projet n’est pas dans mes préférés. Dans le même style, je trouve le « Templars » sorti cette année meilleur

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