On ne peut qu’imaginer la difficulté à donner un autre nom à un festival aussi hétéroclite que celui-ci, qui rassemblait à la Maroquinerie à paris les routes de plusieurs tournées de groupes américains plus quelques groupes français du label Trendkill qui organisait la soirée. Rock, metal, électronique, influences de tout bord se mêlent dans la musique des neufs groupes qui défilèrent sur les planches de la Maroquinerie. Alors, quand toutes les étiquettes sont enlevées, que reste-il d’autre que la distorsion , le bruit puissant et ravageur qui repousse le public lambda et attire les individus avides de ce type de son libéré par des enceintes poussées au maximum? Cette envie, ce besoin même, de faire exploser les tympans et de manipuler le son poussé à son maximum est ce qui réunit chacun de ces groupes et tous apporteront leurs influences, leur son et leur propre manière de se produire. Pas de répétition, pas de scène, pas d’ennui.
Yog, groupe de grindcore venu de Suisse s’impose très vite et il suffit d’une chanson pour que le groupe débarque avec toute son énergie qu’ils déploieront sur les quelques morceaux qu’ils joueront ce soir. Influence inattendue sur un groupe de ce genre, une petite pointe de « Meshuggah » pointe à travers les riffs mais, n’entrave pas la ruée des blasts. Les titres restent assez court mais, le jeu des musiciens est surprenant. Le batteur en particulier focalisa toute mon attention à de nombreux moments tant son jeu était riche. Le son est aussi au rendez-vous et permet au quatuor d’imprimer son nom dans mon esprit comme un groupe à découvrir sur disque.
C’est ensuite à Tanen de jouer et d’interpréter ce que j’appellerais maladroitement du « post-hardcore ». Maladroitement car, s’il y a beaucoup d’éléments propres à cette scène dans leur son il y a aussi beaucoup plus d’énergie et de pêche dans leur prestation que dans la plupart des groupes du genre que j’ai pu voir. Le chanteur saute sur place tout en hurlant ses textes, aucun musicien ne veut rester en place et tous s’agitent, rendant ainsi leur performance mémorable. Musicalement par contre rien ne m’aura touché dans ce groupe. Les éléments sont là mais, … rien, franchement rien. Désemparé, je me suis assis vers la fin de leur set, la tête dans les mains, essayant de trouver quelque chose, en vain. La réaction du public me laisse à penser que je fais partie de la minorité. La prestation du groupe sera tout de même assez intéressante pour mériter d’être vue.
Vient le tour de Fiend dont les membres ont joué ou jouent dans des groupes qui vont de Kickback à Senser. Pas de rap ni de coup-de-pied retourné cependant mais, du rock lourd et mélodique bien interprété mais, encore une fois, impénétrable pour mes oreilles. Les musiciens semblent pourtant en place. Le batteur s’évertue de frapper de grandes cymbales et y met de l’enthousiasme, contrairement au second guitariste et au bassiste qui resteront stoïques, presque absents, durant tout le set. Le son n’est aussi pas de leur côté et bien que certaines mélodies vocales ou des leads ressortent et m’interpellent, ces moments restent trop rares. Après avoir discuté avec quelques amis j’ai pu constater que bien que certains partageaient la même opinion que moi, d’autre étaient tombés sous le charme. Tous ne ce seront donc pas ennuyés. Tant mieux pour eux.
Arrivé un peu en retard, je manque le début de Four Question Marks que je peine à reconnaître tant leurs influences Meshuggah sont aujourd’hui bien digérées et enrichit par une hargne qui laisse la place à plus d’émotion mais toujours autant de polyrythmie. La démarche artistique est donc plus mature mais, malheureusement pour eux, le son n’est vraiment pas avec eux. Trop ou pas assez compressés, les sons qui ressortent des amplis s’éparpillent et me laissent perplexe, cherchant a tout prix une accroche quelconque, n’importe quoi, qui puisse me faire rentrer dans ce chaos de riffs intriguants dans lequel deux chevelus du premier rang sont plongés éperdument. A l’instar de Tanen, tout dans ce set me forcera à rester en retrait mais, à l’inverse de Tanen, je ne doute pas une seconde que je pourrais aimer leur musique dans des conditions différentes. Les critiques peuvent donc ranger leur « MESHUGGAH ! », comme le cria un type sur le coté, le groupe a désormais trouvé son propre son. Le bassiste / chanteur lui répondra d’ailleurs très justement « Non, Four Question Marks ». Sans l’ombre d’un doute, oui.
« This song is about sexual relations ». Ah. Merci de l’avoir dit, je n’aurais pas deviné sinon. Chanteur arborant un tee shirt Soilent Green. Dénué de bassiste tout comme Pig Destroyer. Complete Failure est un groupe de grindcore qui s’inspire en quelque sorte de ces deux groupes en proposant un mélange de parties rapide et violente et de ralentissement distordus et tout aussi abrasif. Signé sur le label de Steve Austin (Today is the Day), SuperNova Records, les trois musiciens de Complete Failure, dont le batteur joue aussi désormais dans Today is the Day, exécutent durant un set beaucoup trop court une succession de chansons qui pécheront par un manque de puissance dans la guitare mais, qui auront le mérite de marquer par leur puissance, leur originalité et leur pugnacité. Encore un groupe à redécouvrir dans de meilleures conditions mais qu’il ne faudra surtout pas tarder à expérimenter sur disque.
L’intensité pourrait ensuite redescendre d’un cran, en théorie, puisque Jucifer est, en théorie (du moins dans mon esprit) un groupe plutôt rock et que seulement une guitariste chanteuse et un batteur occupent la scène. Grossière erreur de ma part. Bien qu’accompagnés d’un nombre raisonnable d’ampli (un gros de là où j’étais) contrairement au mur qui est censé prendre place derrière le couple de musicien quand ils tournent aux Etats-Unis, le son tellement grave qu’il en devient caverneux de la guitare -hybride basse à 5 cordes- racle pendant cinq minutes mes tympans et efface d’un coup toutes mes appréhensions et mes attentes. Jucifer est un groupe de sludge/doom/gros son avec une chanteuse / hurleuse accompagnée par un batteur déjanté qui tressaute sur son siège, fait voler ses baguettes et démembre à coup de blasts et d’une frappe massive tout ce qui pourrait ressembler à une chanson ou à une prestation conventionnelle. Je comprendrais aisément que certains aient eu du mal à rentrer dans ce cirque sonore ahurissant, j’excuse même sans problème ceux qui partirent faire autre chose mais, ils avaient tort. Un très bon groupe de scène et une performance mémorable.
A coté de cela, les bostonien de Nachtmystium, fiers chevaliers du black metal, pourraient passer pour des guignols en comparaison. Il n’en est pourtant rien car bien qu’associés à une scène constituée de nihilistes peinturlurés, Nachmystium est avant tout un groupe de metal aussi atypique que ses chansons sont efficaces et originales. Solos mélodique pratiquement psychédéliques. Blast beats entrecoupés de passage plus punk. Voix gorgée de delay. Il suffit de s’attarder un peu sur ce groupe pour voir à quel point leur musique est originale et intéressante. Ceci dit, bien que je me trouvais dans les premiers rang à remuer la tête jusqu’à ce qu’elle roule par terre, je ne dirais pas de leur prestation qu’elle était immense et dantesque. Non, Nachtmystium a juste montré ce soir que leurs chansons passent très bien le cap du live et qu’ils ont beaucoup à offrir.
Co-équipier de tournée avec Nachmystium, Genghis Tron prend ensuite le relais et commence à installer son matériel. Sampler, clavier, guitare, micro et six néons colorés. Un large fossé sépare ces deux groupes et pourtant ils semblent bien s’entendre à voir leur manège sur scène pendant que l’un range son matériel et que l’autre débarque le sien. Contrairement à Nachtmystium dont la musique était metal jusqu’à l’os, la prestation de Genghis Tron est placée sous le signe du mélange et de l’inattendu. Rythmique électronique, jeu de lumière, hurlements criards gorgés d’effets, les influences du trio sont dispersées aux quatre coin d’un univers musical très vaste mais ils réussissent à tout mettre en ordre au fil d’une succession de morceaux magiques débordant d’énergie et d’intelligence. Un groupe qui demande que l’on ouvre son esprit à des influences très variées mais qui compose des titres tellement efficaces et puissant, déjà fantastiques sur disque, encore meilleurs sur scène, que l’ont ne peut s’étonner de voir une partie du public partir dans tout les sens dans une fosse énergique mais bon enfant (la seule de tout le festival). Un des meilleurs groupes de la soirée par leur originalité et la qualité de leur prestation qui fut, par contre, beaucoup trop courte (27 minutes d’après un ami).
Horse The Band n’aura par-contre pas la même chance que Genghis Tron puisque leur set sera remplit de problèmes technique. Alors que le trio précédent avait eu droit à un son parfait, très compressé mais adapté à leur performance aux détours multiples et millimétrés, la musique de Horse the Band aura bien du mal à ressortir clairement des amplis. Pas de guitare à l’horizon, un clavier que l’on distingue à peine et un chanteur que l’on entend qu’à moitié. Et pourtant, le son s’améliorera progressivement et Horse the Band reste quand même un des meilleurs moment de ce festival. Energique et bourré d’un humour pince sans rire et geek bien à eux, il est impossible de raconter tout ce que le groupe (le chanteur surtout) raconte entre les morceaux mais, jamais je n’ai vu autant de personnes rire aux éclats pendant un concert. L’humour n’est de toute manière pas le seul atout du groupe et « Lord Gold’s throne room », premier titre a bénéficier d’un son correct, se chargera de prouver cela. Les mélodies du claviériste, aussi entêtantes que comiques et la bonne humeur du groupe à interpréter sa musique, aussi étrange qu’elle puisse être quand on ouvre pour Today is the Day, donnera à ce concert un esprit de fête et de joie qui poussera beaucoup de monde vers le stand du merchandising.
Le contraste ne sera donc que plus grand au moment de la montée sur scène de Steve Austin et de ses deux acolytes. Machine àfumée et musique d’intro oppressante, la messe noire que l’on nous avait promis peu commencer. Contrairement aux disques, la voix de Austin est plus grave la plupart du temps. Difficile de tenir tout un set avec une voix aussi aigue et possédée que celle des disques de toute manière. L’émotion est de toute manière là ainsi que la violence des chansons. Les blasts presque mécaniques exécutés par le batteur de Complete Failure sont à l’image de la mitraillette de la pochette de « Axis of Eden » que l’on retrouve derrière le groupe, froids et rapides sans être de pures produits issus d’un artifice technologique. Les premières chansons imposent un niveau de violence bien supérieur à la plupart des groupes de ce soir mais, l’atmosphère monte d’un cran quand Austin décroche son micro et commence à chanter seul, batteur et bassiste étant cachés par la fumée, un des titres atmosphériques de « Axis of eden ». Visiblement possédé par sa musique et ses paroles, le chanteur remercie le public d’être venu et commence ensuite à visiter ces anciens disques. La part belle sera faite ce soir à l’album « Temple of the morning star » puisque seront interprétés « The man who loves to hurt himself », « Pinnacle » et la version électrique de la chanson titre, lente, torturée mais, pas moins intense que le reste du set. « Supernova » sera interprété vers la fin, preuve que Austin n’oublie pas ses débuts. Autre époque plus mélodique que je ne connais pas mais, qui ne dépareille pas en terme de sincérité par rapport aux autres titres.
La sincérité, c’est peut-être bien le deuxième point commun de ce festival mémorable qui aura vu neuf groupes défiler sans aucuns faux pas véritable. Un festival qui aura aussi permis un éclectisme musical rafraîchissant qui fait plaisir à voir et à entendre.
Merci à Zoliv pour les photos.
J’étais principalement venu pour Genghis Tron et Tanen (d’ailleur, la touffe très moche sur la photo de ce dernier groupe, cmoi). Les sets de ces deux groupes étaient énormes, et j’ai aussi pu découvrir Jucifer, Horse the Band et Fiend grâce à leurs superbes prestations ; leur musique est aussi très intéressant sur CD.
Complete Failure, Nachtmystium et Yog font quant à eux parti des groupes que je n’arrive pas à apprécier sur CD mais que je ne regrette pas d’avoir vu sur scène. :D
Merci au label Trendkill pour avoir organisé ce festival peu commun et éclectique.