Double chronique faite par Krakoukass et Dah-Neir.
Krakou : « If you want a picture of the future, imagine a boot, stomping on a human face…forever ». (littéralement, “si vous voulez vous représenter l’avenir, imaginez une botte écrasant un visage humain, pour l’éternité”). C’est en ces termes que commence « Do Not Speak » formidable 3ème morceau de cet hallucinant album.
Mais commençons par le commencement, et rappelons déjà à qui nous avons ici affaire. Anaal Nathrakh. Ce groupe britannique se compose de 2 individus, Irrumator, tête pensante du groupe, compositeur principal, et V.I.T.R.I.O.L., chanteur (euh plutôt hurleur en fait).
Assimilés au mouvement black metal, Anaal Nathrakh n’en partage en aucun cas l’imagerie puisque nos 2 amis ne sont pas maquillés, sont habillés comme Monsieur Tout Le Monde, et chacun d’entre eux passerait même pour le gendre idéal, c’est vous dire. Au black metal, ils n’empruntent pas non plus l’idéologie « true », très répandue, et qui consiste (je simplifie volontairement) à avoir le son le plus pourri pour sonner « vrai ».
Non, chez Anaal Nathrakh, la production est excellente, et le son parfaitement « clair », considérant l’apocalypse sonore qui s’abat sur l’auditeur qui aura le malheur d’appuyer sur « play » après avoir introduit Domine Non Es Dignus dans son lecteur CD.
N’étant pas du tout un spécialiste ni du black, ni de Anaal Nathrakh dont j’apprécie pour la 1ère fois la musique, je laisserais à Dah-Neir le soin de nous faire un petit historique de la carrière du duo anglais dont nous traitons ici et de resituer la musique du combo dans le contexte « black ».
Dah-Neir : Anaal Nathrakh a dejà fait parler de lui lors de la sortie de leur précédent album « The Codex Necro » considéré par certains comme l’illustration parfaite de ce que doit être le black métal. A la fois brutal, sans concessions (aucune place à des voix féminines, à des nappes de synthé, ici c’est du brut de fonderie), et terriblement malsain, le groupe était parvenu rapidement à produire la musique la plus brutale jamais produite dans le black (« Pandemonic Hyperblast » en étant la plus parfaite illustration). Le plus frappant pour moi dans ce groupe est, comme tu le disais Krakou, son attitude résolument discrète et carrément « je-ne-paie-pas-de-mine ». Il est en effet rare de voir le groupe se pavaner lors d’interview en qualifiant leur musique de « super heavy de la mort », ou « d’album le plus violent de la terre ». Que nenni, ici c’est plutôt profil bas et c’est suffisamment rare dans un milieu où la frime et la grande gueule tiennent encore une place importante (pour ne citer personne en particulier). De même, ici pas de maquillage outrancier ou de déguisement ridicule, une fois de plus les deux diables se font discrets et l’unique photo d’eux qui figurait sur le net était une photo où V.I.T.R.I.O.L portait un t-shirt « radiohead » et des petites lunettes, encore une fois bien loin des haches et autres bracelets cloutés de la plupart des guignols de nos jours. Dans l’approche je comparerais le groupe aux zinzins de Carnival in Coal qui selon moi partagent le même esprit, ne jouant avec leur image que pour faire les pitres (le livret de « Fear Not » le montre bien) mais produisant une musique unique et originale. Bien sûr la comparaison avec CiC s’arrête là, puisqu’au niveau musical…
Krakou : Merci pour ces précisions qu’il convenait de faire Dah !
Revenons en à la musique si l’on peut en parler en ces termes.
Vous croyez avoir entendu des trucs violents et malsains ? Révisez votre jugement avec Anaal Nathrakh.
Terriblement violente la musique pratiquée par le groupe anglais n’est en apparence que blasts, déferlement de hurlements, vomissements et riffs frénétiques… Ca donne envie n’est ce pas ? Et bien le plus fort dans tout ça c’est que si cette musique est probablement l’une des plus violentes qu’on puisse entendre, parallèlement, Anaal réussissent à introduire des éléments qui rendent les morceaux « accrocheurs » d’une certaine façon. On aura du mal à parler de mélodies sauf sur « Do Not Speak » (certainement le morceau par lequel commencer quand on ne connaît pas Anaal Nathrakh), qui bénéficie d’une sorte de chorus tellement génial qu’il est difficile à expliquer. Ce qu’on peut signaler en revanche, c’est que ce chorus est l’un des seuls moments (avec celui de « This Cannot Be The End ») où vous aurez la chance d’entendre la (très bonne) voix claire de V.I.T.R.I.O.L. . Pour le reste notre ami éructe sa rage comme jamais, et ses cris tantôt très graves, à la limite du vomissement, passent parfois dans les ultra-sons avec des attaques aiguës à faire frémir.
Dah-Neir, je te laisse évoquer les quelques groupes auxquels il est peut-être possible de rattacher la musique de Anaal Nathrakh, car je manque cruellement de références black suffisantes pour pouvoir en parler.
Dah-Neir : Eh bien le moins que l’on puisse dire c’est que cela va être compliqué de comparer ce disque à un autre. Le seul point de comparaison qui vienne à l’esprit est l’étonnante ressemblance entre la voix claire du brailleur de service et celle qu’utilise notre ami Ihsahn d’Emperor sur IX equilibrium. Pour le reste on ne peut même pas dire que Anaal se ressemble à lui-même tant l’album est bien mieux construit et organisé que le furent ces prédécesseurs. Pour moi, Anaal Nathrakh est un de ces groupes trop isolés sur la scène black actuelle qui arrive à sortir des sentiers battus et à faire sa propre musique avec son propre style.
Il m’est ceci dit assez complexe de porter un jugement global sur Domine Non Es Dignus tant deux facettes du disque ressortent. D’un côté, et c’est un bon point, la musique est profondément inspirée, parfois recherchée (« do not speak »), toujours efficace et on en prend plein la tronche à chaque seconde. C’est pourtant ce dernier point qui me fait émettre une réserve sur ce disque. Comme avec New Obscurantis Order d’Anorexia Nervosa par exemple, cet album est difficilement écoutable d’une traite et au bout de 6 ou 7 morceaux le cerveau commence vraiment à surchauffer. Ainsi, une certaine lassitude commence à apparaître et c’est d’autant plus dommage que le morceau n°7 justement est un des meilleurs de l’album. Alors oui, c’est un excellent album, peut être un poil trop long, un poil trop intense. Mais après tout… quand on veut du brutal on se met du Anaal et on est content. Bref avis partagé et un bon 15 pour moi.
Alors KrakouCrasse, quel est au final ton avis sur cette bombe sonore ?
Krakou : Et bien mon cher Dah (qui se pose définitivement en digne héritier de Lagaff), je dois reconnaître à mon grand étonnement que j’aime beaucoup cet album. Il y a vraiment dans cette frénétique et apocalyptique violence, quelque chose de définitivement fascinant, qui fait qu’on arrive à supporter ce qu’on supposerait insupportable de prime abord.
Vraiment une expérience hallucinante que je recommande à tout le monde de tenter… Et puis personnellement je pense que « Do Not Speak » justifie à lui seul l’achat de ce disque, tant il s’agit certainement du meilleur morceau de black que j’aie entendu depuis bien longtemps.
Le seul bémol que j’émettrais sera comme tu le dis, que la musique de Anaal Nathrakh est tellement intense et violente, qu’il est difficile de s’enfiler la totalité de l’album d’une traite, même si la durée de l’album (42 minutes) n’est pas excessive dans l’absolu.
Un bon 16 de mon côté.
- i wish i could vomit blood on you… … people
- the oblivion gene
- do not speak
- procreation of the wretched
- to err is human to dream – futile
- revaluation of all values (tractatus alogico misanthopicus)< LI>the final destruction of dignity
- swallow the world
- this cannot be the end
- rage, rage against the dying of the light
Je suis assez d’accord sur le fait que Anaal Nakrath se place comme un groupe très a part dans la galaxie Black Metal. Le son très bien produit sans etre sur produit est deja un point mais le style pratiqué par ces deux anglais tiens autant de Godflesh que de Emperor dans leur approche de la musique. Par contre je ne suis pas d’accord sur votre affirmation que l’album serait lassant ou difficile a ecouter d’une traite. Du moins, de mon expericen, je n’ai rien ressentis de ce type. les chansons sont variés et très bien construite. Aucune chance de se repeter en l’ecoutant. Clairement un des albums de l’année et surement un nouveau classique du genre (si genre il y a ).
A savoir que les deux membres du groupes sont également batteur et chanteur du groupe sludge Mistress…
Ah je l’ignorais Mister Bernard, merci pour l’info!
J’ai dépensé mes deniers pour cet album et je n’en suis pas du tout déçu. l’artwork est de toute beauté en +. Merci de m’avoir fait découvrir cet excellent groupe! j’adore! prévenez moi quand ils passeront!!