Les ciné-concerts sont des expériences singulières, les groupes jouant live apportant une nouvelle lecture des films, intensifiant souvent leur visionnage. Né sous le nom de Luhlae en 2020, YRRE est un collectif de la Chaux-de-Fonds (patrie de nombreux groupes importants de la scène hardcore locale tels Coilguns ou Kehlvin) ayant décidé d’accompagner le film The VVitch (de Robert Eggers – 2015). C’est dans le cadre des « Etranges Nuits du Cinéma », plus précisément durant l’édition 2021 que Luhlae x The Witch a été joué en live, une prestation qui sort sur album donc quasiment un an plus tard.
S’orientant entre ambient, post-rock et black metal (avec quelques lichettes de drone), YRRE déploie un univers ambivalent où les riffs post immersifs et répétitifs évoluent lentement, montant progressivement en tension (ce dès l’introductif « Onginnan », nous plongeant directement dans une ambiance bien délétère). Et si l’on a l’impression de prime abord d’avoir droit à une musique 100% instrumentale, une voix va faire son apparition, chuchotée puis incantatoire avant de partir dans des râles de douleur (toujours sur le titre d’ouverture), celle-ci est mise très en retrait afin de complètement donner l’impression que c’est un fantôme qui officie derrière le micro.
Chaque titre passant, l’hypnose est au rendez-vous. « Uthceare » et son sludge instrumental (avec retour de la voix sur la fin) s’illustre par ses mélodies et son jeu sur les textures, toujours évolutives. Puis « Aglaeca » vient jouer avec nos nerfs, avec une tension montant peu à peu jusqu’à exploser dans un climax d’une saisissante intensité (à bien écouter au casque histoire d’avoir des sueurs froides jusque dans le creux de vos oreilles). Après une telle déflagration, « Sunu » vient calmer le jeu avec des notes d’abord éthérées mais vite rattrapées par l’aura sinistre développée par le groupe.
« Gedwyld », ses bruitages lugubres et son atmosphère drone éprouvante viennent nous replonger dans l’horreur. Entre les cris de la goule et la distorsion permanente du son, on obtient l’une des pistes les plus vicieuses de cet album. Enfin « Dustsceawung » vient terminer l’ouvrage par ses riffs plombés, un titre dont la césure fait revenir la voix seule, apparaissant ici comme à l’agonie avant d’être recouverte par les guitares.
Malgré le fait que l’écoute de ce Luhlae x The Witch se fasse ici sans les images du film (que je n’ai d’ailleurs pas vu, mais que j’ai désormais bien envie de visionner !), l’immersion est ici totale. L’alchimie entre riffs gras typiques du genre et atmosphère horrifique est optimale, faisant travailler l’imagination à plein tube, que ce soit du côté d’une forêt ou d’un manoir hanté, vous avez le choix du type de frissons ! En espérant un jour pouvoir assister à une performance live…
- Onginnan
- Uthceare
- Aglaeca
- Sunu
- Gedwyld
- Dustsceawung