Inanna – Void of Unending Depths

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Style: Death MetalAnnee de sortie: 2022Label: Memento Mori

Lorsqu’en 2020, le groupe chilien Inanna publie, coup sur coup sur son Bandcamp, l’enregistrement d’un concert de 2017 (Live Antiquity) et le remaster de leur premier album Converging Ages initialement sorti en 2008, il y a fort à parier que quelque chose mijote dans les cartons (et pourquoi pas, hein ?). Pour cause de pandémie, ou parce que le groupe aime prendre son temps (ambos, Capitán?), le brûlot nouveau ne paraît que maintenant, mais risque fort de faire tomber la maison.

Je ne vais pas mâcher mes quatre chemins : Void of Unending Depths a tout d’abord laissé votre serviteur sur le bord du carreau ; je n’ai pas d’emblée retrouvé la couleur des précédents albums. C’est tout le drame de s’enticher des vétilles qui façonnent les groupes uniques. C’est l’angoisse de ne plus identifier ce savant cocktail de Death-Metal à la fois complexe et génialement désuet, inspiré du Technical Death des nineties et du Heavy des eighties, adepte des compositions aventureuses et des longues plages instrumentales épiques et lumineuses ; palais cyclopéens, cités englouties, cathédrales gothiques, galaxies lointaines, toutes les horreurs lovecraftiennes ciselées avec passion jusque dans le moindre détail.

Depuis 2012, date de sortie de l’excellent deuxième album Transfigured In A Thousand Delusions, bien des sillons d’acier ont coulé sous les ponts, il n’est donc pas étonnant que le groupe se soit nourri de nouvelles techniques et sonorités. Il est logique que dix ans plus tard, Inanna ait peaufiné sa formule, ajusté les taquets, pour finalement délivrer une galette indéniablement moderne : usage de riffs distordus et dissonants, de quelques asymétries, ainsi que de ce blast beat à la mode qui suspend le temps et fige l’espace (si vous avez son nom, partagez dans les commentaires).

Les premières écoutes sont donc frappées d’un sentiment de nouveauté. On s’attend à enfiler de trépassées pantoufles couvertes de cuirs et de clous confortables, et l’on se retrouve les esgourdes enchâssées dans un écrin froid et quelque peu effrayant. Un sarcophage en alliage, coiffant les ruines ancestrales d’un demi-dieu assoupi.

Mais très vite — et de plus en plus clairement, au fil des écoutes —, le talent d’Inanna ressurgit au détour d’un tapping réconfortant, d’un riff tout droit sorti d’un vieil album de Megadeth (« Among Subaqueous Spectres »), d’un arpège bardé d’effets rétro (on se doute que le groupe apprécie Pestilence et Mithras), d’un pont de basse esseulée, d’une galopade harmonisée, d’un bon gros blast floridien des familles. Même enveloppée de modernité, la musique d’Inanna reste singulière et mystérieuse, le prolongement sonore de textes fantastiques, inspirés de l’écrivain de Providence, et interprétés par le bassiste Max Neira, qui alterne toujours entre son growl profond et des éructations plus criardes. L’horreur n’a jamais été aussi palpable, la menace des Grands Anciens aussi vive ; Inanna s’inscrit avec brio au côté de Sulphur Aeon ou encore Morbid Angel (une influence évidente, et ce depuis leur premier album), afin de dépeindre l’insaisissable péril venu de l’espace.

Aucun titre en dessous de six minutes ; Inanna reste inspiré et décidé à développer ses thèmes et ses idées sans contraintes. Très vite, on prend ses marques, on retrouve avec plaisir quelques gimmicks que le groupe aime à remanier et répéter (c’est notamment le cas sur le génial « The Key To Alpha Centauri »), on est surpris par un solo de guitare particulièrement cosmique (toute la fin de « Mind Surgery »), on se délecte du fait que le groupe a réussi à mêler ses instincts Heavy aux velléités de toucher un nouveau public. Comme point d’orgue, le titre « Cabo de Hornos » qui clos l’album avec ses presque quatorze minutes, parfait condensé de tout le talent de composition du groupe : riffs plombés, cavalcades la basse en avant, mélodies impies et malicieusement kitchouilles, solo de guitare interstellaire, noyé sous un chorus à couper au couteau, pont planant et mystérieux… tout est là, et on se régale.

Oui, je l’avoue, je craignais tellement d’avoir perdu une formation chère à mon cœur que ce dernier s’est serré durant les premières écoutes. Et puis Void of Unending Depths s’est rapidement dévoilé, défait de son premier titre quelque peu mensonger — non, Inanna n’est pas un énième groupe de Death dissonant — afin de délivrer un album à la fois complexe et généreux, fourmillant d’idées et de prétextes au headbanging, le point de jonction idéal entre le (Death –) Metal d’hier et celui de demain.

Tracklist :
01 – Evolutionary Inversion
02 – Among Subaqueous Spectres
03 – Far Away in Other Spheres
04 – Undersimensional
05 – The Key to Alpha Centauri
06 – Mind Surgery
07 – Cabo de Hornos

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