The Ocean – Anthropocentric

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Style: Metal/hardcore mélodiqueAnnee de sortie: 2010Label: Metal Blade

Helio(dys)centric…
Impossible d’aborder la chronique du nouvel album de The Ocean sans revenir sur son pendant sorti il y a quelques mois, l’injustement mal-aimé Heliocentric. Soyons honnêtes, cet opus souffre avant tout de la comparaison avec son grand frère, le terrible Precambrian, aboutissement de leur premier diptyque FluXion/Aeolian et mètre étalon du groupe. Cette (fausse) certitude déclamée, beaucoup ont alors pensé qu’à tourner autour du soleil, l’inspiration avait fini par flétrir…

Les goûts et les râleurs…
En premier lieu, acceptons le fait que certains apprécient Heliocentric pour ce qu’il est, un album différent des précédents, plus calme dans son ensemble et hors contexte, tout à fait honnête. Ceci dit, avec le recul (et beaucoup d’écoutes), reconnaissons que malgré ses qualités, le premier volet du diptyque reste une articulation maladroite dans la carrière du groupe, avec des titres moins percutants, moins habités, et laissant beaucoup (trop ?) de place à un nouveau chanteur pas toujours à l’aise dans ses bottes. Pourtant, Heliocentric dessine les contours d’une nouvelle approche que le groupe a continué de creuser, et cet entêtement paye aujourd’hui avec Anthropocentric.

Je respire donc j’essuie…
Le titre éponyme nous plonge dans un grand bain rassurant : le massif est de retour, noir et lourd. Production impeccable, implacable, abrasive. La signature, la patte artistique du groupe est bien là. Retour aux sources. L’oreille retrouve ses marques, entraînée par un courant confortable, puissant et froid… puis des abysses émerge une lumière (d)étonnante : d’une ligne mélodique bien sentie, le titre change de couleur, nous entraîne vers des eaux beaucoup plus mélodiques, et le travail de composition nous saute alors à la gueule. Sur plus de 9 minutes, tout en mettant l’accent sur un retour au plomb liquide, Anthropocentric dévoile une volonté d’expliquer et affirmer les liens qui unissent désormais Heliocentric au reste de leur production. Cette impression ne cessera de se confirmer tout au long de l’écoute de l’album.

Robin déboîte…
Avec Heliocentric, The Ocean s’est recentré autour de son noyau central, abandonnant l’idée de collectif et ne laissant l’orchestration que ponctuellement, et habilement, souligner certains passages. Rebelote ici, à la différence que l’accent a été mis sur l’aspect le plus agressif du combo, délaissant le côté Post-Rock à l’exception du superbe Wille Zum Untergang, qui ne souffre pas la comparaison avec les ténors du genre. L’ensemble sonne donc Rock tout court, et cela se ressent jusque dans la façon d’organiser les riffs. Le fait que la tête pensante du groupe ait laissé les autres membres prendre part à la composition y est sans doute pour beaucoup et ma foi, cet acte d’ouverture d’esprit doit être salué. Le côté progressif n’a pas totalement disparu mais se fait plus discret (ou plus habile), au profit de titres plus directs et plus accrocheurs. Les niais parleront d’une systématisation du format « chanson », ce qui n’est pas faux, mais niais quand même. Pourquoi bouder cette énergie savoureuse, ces refrains entêtants, cet ensemble ouvert et cohérent ? N’en déplaise à ceux que l’asphyxie rend euphoriques, ici ce sont les mélodies qui priment et pimentent les compositions. De la beauté à la hargne il n’y a souvent qu’une mesure, et l’alternance donne du ton à l’ensemble. La recette fonctionne foutrement bien, des titres comme She was the universe, Roots & Locusts ou Heaven TV en témoignent : riffs percutants, densité maîtrisée, enchaînements cohérents, lignes vocales accrocheuses… The Ocean maîtrise son sujet et distille les bonnes idées à un rythme infernal.

Les restes ont du coeur…
Il est évident que Loïc Rosetti a su corriger ses défauts. Sa voix a non seulement gagné en puissance, effaçant le regret des hurleurs précédents, mais elle s’intègre maintenant parfaitement à cette volonté de mouvance, dans une logique créative lui donnant non seulement une place mais une importance qu’elle n’avait pas auparavant. Une sensibilité nouvelle, qui s’exprime non seulement sur les titres électriques (à noter que seul Sewers of the soul reste à 100% tourné vers le passé du groupe, les nostalgiques pourront le télécharger sur itunes), mais également sur quelques titres courts et calmes, hérités directement d’Heliocentric, le côté poussif en moins. Ces accalmies sont maîtrisées, sincères, remarquablement exécutées (l’orchestration a enfin du corps et ne se contente plus d’imiter les instruments classiques), au point que le final du savoureux The almightiness contradition, a capella, sonne comme un “allez vous faire foutre, The Ocean c’est aussi tout cela”, aussi intelligent que poignant. Anthropocentric voit son Metal Hardcore dopé à l’oxygène, nous épargnant l’écueil Precambrian II, tout en affirmant sa volonté d’avancer sur un terrain certes plus conventionnel, mais également plus percutant.

Le successeur de Precambrian, on y YEAH ?
Il m’est difficile de ne pas coller à Anthropocentric la note maximale. Il efface l’ardoise de son grand frère un peu bancal et offre, sans dénaturer ni trahir, un nouvel angle musical qui risque de propulser le groupe, comme une grosse bulle d’oxygène, vers la surface afin de sortir de l’ombre.
Objectivement, il n’est pourtant pas encore à la hauteur de Precambrian, c’est pourquoi je préfère laisser encore de la marge de manœuvre au groupe, un autre album par exemple, afin de confirmer la bonne impression laissée par ce Anthropocentric.

Egocentric…
Il y aura toujours de bonnes âmes pour nous rappeler que The Ocean c’était mieux avant, qui dénonceront une certaine tendance du groupe à naviguer entre deux eaux, une eau tiède et peu dangereuse. À ceux-là j’ai envie de conseiller un demi-tour stratégique en direction de la terre ferme, afin de retrouver des formations enracinées dans leurs certitudes, sortant encore et encore les mêmes galettes précuites pour ne pas trahir les fans. The Ocean a pris un risque en confirmant une volonté d’aérer leur musique et personnellement, je préfère les maladresses, les virages un peu abruptes et les remises en question, surtout lorsqu’au final, le résultat est plus que convaincant.
À vous de voir.

Tracklist :
1. Anthropocentric
2. The Grand Inquisitor I: Karamazov Baseness
3. She Was The Universe
4. For He That Wavereth…
5. The Grand Inquisitor II: Roots & Locusts
6. The Grand Inquisitor III: A Tiny Grain of Faith
7. Sewers Of The Soul
8. Wille Zum Untergang
9. Heaven TV
10. The Almightiness Contradiction

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12 Commentaires

  1. krakoukass krakoukass says:

    Autant j’ai trouvé Heliocentric horrible, poussif, mal chanté, chiant, autant ce Anthropocentric redresse clairement la barre comme tu le dis fort justement (au passage, bravo pour cette très belle chronique). Sans être au niveau des chefs d’oeuvre passés, ce nouvel album est très bon et très rassurant sur l’avenir du groupe… Ouf!

  2. Kane says:

    Chouette album. Moi j’avais bien apprécié Heliocentric malgré son coté calme.

  3. ikea says:

    Jolie chronique !

    Par contre :

    « Il y aura toujours de bonnes âmes pour nous rappeler que The Ocean c’était mieux avant, qui dénonceront une certaine tendance du groupe à naviguer entre deux eaux, une eau tiède et peu dangereuse. À ceux-là j’ai envie de conseiller un demi-tour stratégique en direction de la terre ferme, afin de retrouver des formations enracinées dans leurs certitudes, sortant encore et encore les mêmes galettes précuites pour ne pas trahir les fans. The Ocean a pris un risque en confirmant une volonté d’aérer leur musique et personnellement, je préfère les maladresses, les virages un peu abruptes et les remises en question, surtout lorsqu’au final, le résultat est plus que convaincant. »

    Je fais partie de ceux qui pensent que ce disque est de « l’eau tiède » (terme que j’ai employé dans ma chronique d’ailleurs !).

    En quoi ne pas aimer cette évolution de The Ocean est être contre l’évolution ? Au contraire, c’est aussi ce qui me plaisait chez eux, le fait qu’ils n’aient jamais sorti le même album (ils sont tous différents les uns des autres quand même) ! Peut-être que simplement, cette évolution-ci ne me plait pas ?

    Par ailleurs, je trouve que cette évolution est un peu un melting pot au final : un peu de « Aeolian », de « Precambrian » et un adoucissement entamé par « Heliocentric ». On peut aimer, tant mieux pour le groupe, pour ma part, ce changement ne me convient pas…

    Mais là ça sous-entend que ceux qui n’aiment pas ce disque sont des cons(ervateurs), ceux qui l’aiment des gens d’intelligence supérieurs ayant compris la « vraie » « essence » du groupe. Un peu dommage, surtout que ton point de vue se vaut totalement, passé ça ;)

  4. shaq says:

    Maladresse de ma part peut-être, mais je ne parle pas vraiment d’une « évolution » dans cette chronique mais d’une « affirmation »… ils auraient pu se dire « putain les gars, on dit partout que maintenant on fait de la soupe, alors on va ressortir un pur album de Metal Hardcore et leur prouver qu’on en a toujours dans le maillot de bain », ils ne l’ont pas fait, et je les remercie… en définitive, je critique davantage ceux qui attendaient une « régression »… après je l’avoue, ce petit coup de bâton n’est pas très malin, mais ça me gave tellement cette habitude chez les amateurs de musique extrême de tourner le dos aux groupes dès qu’ils s’ouvrent vers des horizons plus « grand public » (je pense à Metallica, Gojira et beaucoup d’autres), que je ne peux pas m’empêcher de leur envoyer des piques… qui ne sont que des piques, je ne juge personne sur leurs goûts, et surtout pas sur leur intellect.
    Quant à la véritable « essence » du groupe, je ne crois pas qu’elle existe ;)

  5. drommk says:

    Je ne fais pas partie des gens qui descendent tout groupe qui s’adoucit. J’aime particulièrement les orientations musicales de groupes comme DEP, même si je suis parfois désarçonné. Je me fous de ce qui est underground ou pas. Seul compte le résultat. Et pourtant je fais partie de ceux qui parlent de Regression pour The Ocean. Je ne trouve pas que leur ouverture soit imaginative, ou intéressante. J’ai toujours eu un faible pour ce groupe, leur approche musicale me plaisant énormément. Mais plus maintenant. Ce que je nomme régression se perçoit à mon sens tout aussi bien sur scène. Deux ans ont passé entre les deux prestations que j’ai vues. Et j’ai l’impression que ce n’était pas le même. La première fois ils étaient hargneux et propres, la deuxième fois simplement puants et caricaturaux. Le nouveau chanteur à mes yeux n’apporte que du prémâché et de la condescendance (chant stéréotypé, mimiques de poser, insultes au public). Je ne les ai pas reconnus. Il y a bien sur quelques bons riffs dans ce nouvel album (plus que dans celui d’avant), mais je ne trouve rien de novateur, rien d’original. Tout ce qui a été apporté ne fait qu’effacer ce qui faisait la personnalité du groupe.

    Alors coup de gueule ou pas, je n’ai pas le sentiment de me la raconter en disant que oui, The Ocean déçoit. Et pourtant, dieu sait que j’étais bienveillant à leur égard.

    Une sorte d’arrogance musicale mal venue, sur disque et sur scène

  6. ikea says:

    Ok, c’est plus clair merci !

    Assez d’accord avec toi concernant cette tendance à critiquer l’adoucissement, alors que ça peut faire de très bons albums (les derniers Mastodon ou Kylesa par exemple).

    Après, ce qui compte c’est le talent et je trouve que The Ocean a mal opéré son virage de ce côté là, pour ma part ;)

  7. dimegoat says:

    clair qu’en live on a un peu envie de les taper

  8. krakoukass krakoukass says:

    Et pourtant il y a quelques années, pour la tournée Aeolian notamment, The Ocean sur scène c’était juste phénoménal (ah ce putain de concert au Batofar, nostalgie…).

    • drommk says:

      Ouais, il y a deux ans, malgré un public tout pourrave, ils avaient vraiment fait un set puissant. Rien à voir avec le cirque de ces derniers mois

  9. shaq says:

    Idem, le concert avec Intronaut dans ce petit rad à Lille en 2007 (si mes souvenirs sont bons) restera parmi les meilleurs concerts de ma vie…

    • drommk says:

      wow, Intronaut + The Ocean en 2007… meilleure période pour les deux groupes. Ca devait juste être énorme

  10. devin says:

    Je les ai vus 7 fois et en 2005 période Aeolian pour les concerts avec les deux chanteurs dans un Batofar de guerre : inégalable comme le dit Krakou ! En 2ème place : St Germain et un concert en Allemagne (mon premier).

    Depuis Precambrian la débandade discographique s’est poursuivie sur scène. Déjà en 2007, c’était largement moins bon. Aujourd’hui ça doit pas être folichon : quid du concert 2010 ?

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