Tout ceci est le fait d’une coïncidence tout à fait épouvantable.
Il y a quelques semaines je me réveillai à l’aube, effrayé d’un rêve horrible. Dans une salle aux proportions étranges, attaché sur un autel vieux comme le Monde, j’assistais impuissant à une procession de créatures hideuses et perverses. De pauvres gens, à moitié nus et totalement aveugles, scandaient des paroles inintelligibles. L’atmosphère était chaude et poisseuse, je pouvais sentir sur mes épaules le poids d’une force ancestrale. Il ne faisait aucun doute que j’allais mourir ou pire encore, sombrer dans la tourmente éternelle… car enfin, je ne suis pas tout à fait idiot et je connais l’œuvre de Hubert Patrick Lovecraft. Tout cela, vous pouvez me croire, semblait tout à fait réel !
J’eus grand mal à reprendre mes esprits, si mal qu’au déjeuner je ne mangeais presque rien. Et l’après-midi même, au détour innocent d’un clic de souris, alors qu’enfin le défilé des monstres cosmiques disparaissait de ma mémoire, je découvrais Hesper Payne ! Impossible que ce fût un hasard !
Aussi, malgré la sensation d’un sombre présage, je décidai de me plonger dans l’étude de ce groupe anglais qui, depuis 2004 et à travers 5 méfaits tous plus horribles les uns que les autres, prolonge et transcende un mythe créé par un écrivain dérangé. Mais lire des nouvelles, aussi bonnes soient-elles, ce n’est pas vivre le Culte des Grands Anciens, c’est au mieux l’effleurer au détour d’une description, l’imaginer par la force de l’acharnement. L’écouter, en revanche, c’est plonger directement au cœur de l’indicible, se jeter dans l’oreille même du malheur !
Je ne saurais et ne dois en dire davantage. Je ne décrirai pas ce qu’eux-même qualifient de Doom From The Cursed North, car je vous connais, je sais ce qui vous attire. Dès les premiers accords, votre âme serait perdue ! Restez sourds aux chants torturés, aux imprécations posées sur une musique mouvante, vicelarde et abjecte, aux accords impies, aux mélodies maudites, aux accélérations aussi soudaines qu’écrasantes, déchiquetant la volonté pour la réduire à néant ! N’écoutez pas Hesper Payne, ou votre âme souillée par tant de litanies désespérées, submergée de dissonances cognitives insupportables, ne saurait résister à l’appel de plonger plus profondément dans leur discographie, jusqu’à rejoindre tout éveillé Celui Qui Dort dans son palais abyssal !
Aucun profane ne doit tomber sur cette abomination. Personne ne doit savoir qu’au nord de l’Angleterre un groupe d’illuminés fomentent en presque secret le retour des dieux pervertis avec un talent et une constance qui forcent le respect. Le parcours est sans faute (même si j’aime moins ce qu’ils ont fait avant Dreamer in the deep, compilé sur Relics of the dark woods), pour peu que l’on accroche à leur univers poisseux et étouffant. Hesper Payne est au marais humide ce que Carcass était au bloc opératoire. Les guitares dégoulinent, la basse tronçonne, les voix raclent et supplient. Leur musique est lourde et laide, c’est un cauchemar au ralenti, l’éternité derrière le visage noir d’un ciel sans lune. Et nous sommes de pervers sujets, les genoux dans la boue, à nous repentir et à jouir de ce contact auditif avec un autre monde bâti de pleurs et de géométries impossibles.
Vous l’avez remarqué, il ne s’agit en aucun cas d’une invitation mais d’un avertissement devant être pris avec tout le sérieux du monde. Je ne saurais supporter que par ma faute cette folie se répande davantage. Quelques témoignages, heureusement rares, d’insouciantes âmes perdues (ou pire encore, converties !) nous mettent déjà en grand danger, et ce billet pourrait bien aggraver encore la chose, mais je devais à mon tour vous prévenir, vous comprenez ?
Afin de vous empêcher de commettre l’irréparable, voici les plus terrifiantes pièces de leur discographie, à ne surtout pas compulser :
Dreamer In The Deep EP (2006) : Down-tempo des bas-fonds, là où la lumière n’est pas invitée. Chant grave, crasseux ou implorant, rythmiques antédiluviennes, le groupe érige en 3 titres dégueulant de saturation les bases de leur culte.
Titans Of The Northsea EP (2008) : Tout en conservant un son ronflant et cet attachement pour les contrées malsaines, le groupe s’aventure sur des tempos plus élevés et des parties plus progressives, des mouvements plus distincts. Avec le renfort de nappes de claviers et de vocaux encore plus variés, on est parfois proche de l’esprit épique d’un « Rime of the ancient mariner ».
The Strange Tale Of Samuel Gonzalez (2012) : Plus Heavy dans la forme, ce nouveau 3 titres reprend la formule Doom crasseux + variations progressives épiques + récits lovecraftiens pour un résultat vraiment convaincant. L’écoute du titre éponyme suffit à comprendre l’ampleur de l’univers proposé, et à surprendre encore avec des accélérations aussi soudaines que jubilatoires. Des abysses on atteint l’hystérie avant de retomber dans les méandres de la folie déséspérée.
http://www.youtube.com/watch?v=JY1dp50DauU
Très chouette article l’ami. J’ai encore peu écouté les albums de ce groupe mais ça m’a l’air prometteur!
Excellente chronique et découverte d’un groupe intéressant…
Je vais sûrement consommer de cette mixture, j’avais survoler des oreilles la disco, c’est l’occasion de vraiment se plonger dans cette histoire.
de la belle ouvrage, camarade ! par contre, je n’ai pas accroché à la zik ;)