55:12 accrochait Gregor Samsa parmi les étoiles montantes du post-rock à vocation onirique. Paysages embrumés à perte de vue, vocaux feutrés, nonchalance aquatique, montées de cordes en apothéoses… L’album était charmant et doté d’une personnalité limpide, entre shoegaze et transport. Rest venait donc précédé d’espoirs légitimes, espoirs attisés par l’annonce d’une cellule de collaborateurs prestigieuse, au sein de laquelle on relèvera notamment les architectes de Kayo Dot, Toby Driver (guitares/clarinette) et Mia Matsumiya (violon, déjà présente sur 55:12).
L’ambition allait donc être au rendez-vous, c’était une évidence. Ce qu’on n’avait pas compris c’est que cette ambition allait se nouer non pas dans l’extension de l’univers lacté et majestueux du premier album, mais dans un retranchement au cœur du bulbe, et dans le rejet de tout épanchement émotionnel. En clair, le groupe efface de sa musique les canons du post-rock. Exit le tissu narratif des mélodies, les crescendos méthodiques, les explosions libératoires. Bienvenue dans l’auscultation maternelle d’un engrenage on ne peut plus intimiste, dont la forme s’éloigne radicalement de la chanson. Soit. Le parti pris artistique n’a rien de scandaleux. C’est le résultat qui déçoit vivement. Visiblement mal préparé à la formule, le groupe y voit ses bonnes idées, nombreuses pourtant, fondre comme une poignée de glaçons jetés dans une marmite à ébullition. D’où bien des regrets.
A quoi ressemble donc le nouveau Gregor Samsa ? A un Múm adulte, parfois. A un The Cinematic Orchestra dépassionné, à son tour. Aux plus vastes épures d’un Kayo Dot, car il faut bien que la participation de Toby Driver produise quelque trait d’union. Rarement à un groupe qui sait vraiment où il va. Lorsque le violon prend la tête du mix on arrive à penser vite fait aux compatriotes Amber Asylum et Rachel’s. Mais Rest n’a définitivement ni l’amertume maladive de l’un, ni la désarmante élégance naturelle de l’autre. L’instrumentation, voulue à la fois restreinte et complexe, empêche les dynamiques de prendre corps. Elle dessine des situations abstraites qui s’imbriquent les unes dans les autres sans jamais récompenser l’auditeur par des accroches ou des événements, comme si la musique était figée dans l’entame, inapte (ou réticente) à atteindre le moment où le décor évolue du stade de nature morte à celui de cadre cinématique – ce qui est quand même un critère assez essentiel du style. En l’état, Rest est plutôt un catalogue d’ambiances dont l’apathie quasi totale éclipse la beauté. On ne lui enlèvera pas la vertu d’être baigné de sonorités douillettes aux tympans (les cordes satinées, les basses chaleureuses, la délicatesse infinie des vocaux). Ni ses quelques petites victoires, comme l’étreinte soudaine du piano sur “Pseudonyms”, l’invitation candide de “Ain Deuh” avec ses rideaux de doubles croches, ou l’innocence emplie de secrets de “The Adolescent”. Mais force est de constater que sur 50 minutes l’ennui bat son plein à grands coups de barre à mine…
Malgré cette étude passablement ratée, Gregor Samsa n’est bien évidemment pas à jeter aux orties. On peut même penser sans excès d’optimisme qu’un juste milieu entre le lyrisme et la pureté de 55:12 d’une part, le côté “savant” et introspectif de Rest de l’autre, pourrait accoucher d’un beau rêve tout mouillé. Le groupe ouvrira pour Kayo Dot le 26 mai aux Mains d’Œuvres de Saint-Ouen. On ira l’y applaudir.
PS : Gregor Samsa a mis en place un système de souscription permettant d’acquérir l’album au format digital en avance de sa sortie en bacs. Détails de cette opération sur la page myspage du groupe.
- the adolescent
- ain leuh
- abutting, dismantling
- company
- jeroen van aken
- rendered yards
- pseudonyms
- first mile, last mile
- du meine leise
Tous les titres sont présents sur leur Myspace (Un titre découvert chaque samedi soir depuis le mois de février je crois) et je dois dire qu’ils m’ont tout de même bien plu. C’est vrai, pourtant, qu’ils n’ont pas le charme incroyable de ceux du fabuleux 55:12. Mais, était-il possible d’égaler ce merveilleux album? J’aurais aimé…
Je trouve la chronique un peu sévere… mais assez juste. J’ai été déçu par cet album, je m’attendais sans doute trop à un autre « 55:12 », mais bon l’album n’est pas specialement mauvais, il est même assez beau, le genre de CD agréable a écouter, mais pour lequel on ne se releve pas la nuit…
tous les albums de gregor samsa mettent un certain temps (plus ou moins) long à se dévoiler… comme le bon vin, « rest » se bonifie avec le temps et au fil des écoutes