Ça y est l’automne est là et bien là, l’hiver se rapprochant même à grands pas (ça caille un peu en ce moment, non ?). Pour cette rubrique Vrac d’octobre, je vous propose donc de nous consacrer au black metal, à travers 4 sorties notables de cette deuxième moitié d’année illustrées toutes les 4 par de bien belles pochettes. Pas de doute l’année 2015 apparaît décidément comme un grand cru pour le genre, après les excellents albums des islandais de Misþyrming et des polonais de MGLA, qui apparaissaient pourtant difficiles à égaler. Zoom sur le deuxième album de la controversée lady du black Myrkur, sur les échappés de l’asile Lychgate, et les français de Temple of Baal et VI.
Myrkur – M
Si vous suivez un peu l’actu du metal, il est probable que vous ayez entendu parler (pas forcément en bien) de Myrkur, one woman project de Amalie Bruun, une musicienne danoise qui œuvrait jusque-là plutôt dans la pop. D’où un vrai grand écart avec un passage au black metal, et une controverse amusante, sans doute alimentée par le fait que la demoiselle jouit d’un physique à la fois hmm… agréable, et largement plus présentable et propre sur soi que la plupart des artistes de black (sur photos promo en tout cas). Jugez plutôt…
Au-delà de ces considérations éminemment artistiques et objectives (sic), il y a quand même lieu de s’arrêter quelques instants et d’accorder au moins le bénéfice du doute à la demoiselle, pour s’intéresser au fond de ce qu’elle nous propose ici. Et on ne le regrettera pas car ce deuxième album (autant le dire de suite je n’ai pas écouté le premier album que mon camarade Beunz avait semble-t-il plutôt apprécié) propose un agréable mélange de voix éthérées, chant clair féminin de très belle facture, alterné avec de furieux passages black se revendiquant d’une inspiration toute norvégienne. Ce qui peut sembler incongru voire inacceptable (lol) sur papier, s’avère au final assez réussi sur ce M, qu’on pourrait décrire grossièrement comme la rencontre d’Agnès Obel (voir le très beau combo piano/voix de « Nordlys » ou « Byssan Lull » qui pourraient tous deux venir d’un album de sa compatriote danoise) et du Ulver des débuts… Puisqu’on en parle, c’est certainement le moment d’indiquer que le producteur de l’album de la belle danoise n’est autre que Kristoffer Rygg (aka Garm) d’Ulver. Amalie sachant s’entourer, on retrouve aussi sur cet album quelques noms connus comme Teloch de Mayhem et Nidingr, ainsi qu’Øyvind Myrvoll des mêmes Nidingr et Dodheimsgard à la batterie. Et même si on sent que la formule de Myrkur n’est pas encore parfaitement maîtrisée (certains passages ou morceaux auraient mérité d’être développés un poil plus par endroits, comme sur le très beau « Jeg er guden, i er tjenerne », d’ailleurs l’album au global est court, n’atteignant pas les 37 minutes), l’album est loin d’être ridicule et contient même son lot de passages fort réussis, à l’image du superbe « Hævnen » introductif sur lequel la belle montre son talent dans la maîtrise du chant de gargouille (en danois s’il vous plaît comme l’intégralité des textes sur l’album). Gageons que la suite (si Amalie n’est pas poussée à l’abandon par le lot de critiques injustes/odieuses dont elle fait l’objet, heureusement tempéré par des critiques plus positives) pourra être encore plus intéressante, on ne manquera donc pas de suivre de près l’évolution de la « carrière » de cette agréable (tant musicalement que pour le coup de pied dans la fourmilière trve qu’elle apporte) anomalie de la nature.
VI – De Praestigiis Angelorum
Premier album du duo français VI (au sein duquel on retrouve BST, également membre de Aosoth, associé à I.NR à la guitare et au chant), après un EP sorti il y a déjà 7 ans, ce De Praestigiis Angelorum s’avère être une bonne grosse baffe bien branlée. Œuvrant dans un black metal froid glorifiant le malin à travers des titres de morceaux recherchés et bien longs, le duo envoie le pâté proposant 7 morceaux (+ une intro) bestiaux et accrocheurs, qui font le parallèle avec les compatriotes de Blut aus Nord ou Deathspell Omega, dont on retrouve ça et là quelques sonorités ou évocations bienvenues. Mais VI fait dans l’efficacité et instaure une ambiance un peu religieuse évoquant ainsi la scène black orthodoxe (pensez à Funeral Mist par exemple), tout en n’oubliant pas de nous bombarder de mélodies imparables (prenez par exemple le fantastique « La Terre ne cessera de se consumer ») accompagnées de textes en français qui sont cependant placés tellement en retrait dans le mix, qu’il est franchement difficile de bien comprendre les paroles (mais personnellement ça me convient parfaitement). Avec des morceaux tournant en moyenne autour des 5-6 minutes, le groupe va paradoxalement plutôt droit au but, proposant une rythmique essentiellement très rapide, le mid tempo ne faisant pas franchement partie du vocabulaire des 2 français (complétés d’un 3ème larron, le biennommé Blastum qui n’a pas usurpé son pseudo) même si « Regarde tes cadavres, car il ne te permettra pas qu’on les enterre » calme temporairement le jeu notamment avec son break glaçant tout en ambiance religieuse. On se fait ramoner les oreilles pendant presque 45 minutes (avec en point d’orgue le fulminant et épique « Il est trop tard pour rendre gloire, ainsi la lumière sera changée en ombre de la mort »), et on redemande! Excellent album!
https://www.youtube.com/watch?v=2hNE8Hs-0wU
Temple of Baal – Mysterium
Temple of Baal ne sont pas les perdreaux de l’année de la scène black/death parisienne puisque le groupe oeuvre depuis 1998 et que Mysterium n’est rien de moins que leur 5ème album. Fidèles à leur savoir-faire affûté et bien rôdé, les parisiens nous balancent encore une fois un putain de black/death sataniste frondeur, un peu bas du front au niveau des paroles (« Glory to thee my lord », « your majestic » et autres…) mais qui ne trompe pas sur la marchandise et fait l’effort d’installer de très bonnes ambiances bien sombres et savamment construites. Et si l’on reste un peu dubitatif sur la « routine » consistant à balancer au moins un solo sur chaque morceau même lorsque cela semble moins pertinent (comme sur le 2ème titre, « Magna Gloria Tua » où le solo vient un peu casser l’ambiance), il n’y a cependant pas lieu de faire la fine bouche et de ne pas apprécier comme il se doit cet excellent album là encore. Surtout que le groupe a vraisemblablement sorti là son meilleur album en date, avec des morceaux plus longs, laissant de côté l’approche plus frondeuse qu’il a pu mettre en avant par le passé, en proposant cette fois une ambiance riche et tellement immersive qu’il est difficile d’arrêter l’album une fois la touche « play » enfoncée et que l’album s’avère au final sacrément accrocheur et prenant. Les polonais d’Agonia Records qui sortent à quelques jours d’intervalle l’album de VI et celui de Temple of Baal ne se sont pas trompés en investissant dans le black français, indéniablement en grande forme.
Lychgate – An Antidote for the Glass Pill
Après les frondeurs et directs VI et Temple of Baal, les anglais de Lychgate font davantage figure de groupe à part, sorte d’OVNI de black avant-gardiste qui utilise un instrument assez rare, comme pièce maîtresse de son dispositif, l’orgue. Avec Greg Chandler (chanteur du groupe de funeral doom Esoteric) en guise de vocaliste de choix, le groupe nous emporte et malgré des structures complexes, réussit le pari de ne jamais nous perdre et de nous proposer un voyage qui reste passionnant. On pense parfois à la douce folie des excellents Thantifaxath, voire (très brièvement) à Arcturus sur « Deus Te Videt » et ses chœurs magnifiques. Les moments de bravoure ne manquent pas, je pense en particulier au splendide « Letter XIX » sur lequel le chant halluciné de Chandler se marie à merveille au côté baroque et théâtral de l’instrumentation le tout étant emballé dans une ambiance doom, voire ambiant (sons d’horloge, de cloche et autres bruits qui apportent cette ambiance sombre et folle qui me rappelle parfois l’ambiance du Nightwork de Diabolical Masquerade, le second degré en moins) qui traverse tout le disque sans jamais proposer les longueurs et les rallonges souvent inhérentes à ces deux genres. Ici on reste dans le black, un black certes expérimental et original, mais avec au programme les fulgurances propres au genre qui ne manquent pas (« Deus Te Videt » encore). Ce 2ème album de Lychgate est tout simplement une petite merveille, vraiment superbe, aussi paradoxalement riche et alambiqué qu’accrocheur et fascinant. A ne pas rater!