Se perdre dans l’espace-temps ou s’enfoncer dans l’ennui, se laisser bercer par la mise en scène ou bien regretter l’immobilité du récit : c’est le propre des œuvres immersives que de diviser, d’autant plus que la plongée ou non dans l’univers créé dépend en grande partie de notre humeur, de notre état d’esprit, du simple moment présent. Contemplatif et insaisissable, The Master divisera, éclairant certains spectateurs de sa lueur trouble, en laissant d’autres dans les pénombres de leur lassitude.
Que sa beauté nous envahisse ou nous échappe, on ne peut nier la prise de risque de Paul Thomas Anderson qui livre un film aux contours volontairement flous, à la fois simples et complexes, à l’image de la relation qui s’établit entre les deux personnages principaux. La rencontre entre cet ancien soldat traumatisé sombrant dans l’alcool et son gourou entouré mais seul débouche sur la peinture d’une étrange liaison. Trop évanescent pour n’être qu’une simple critique de la scientologie, The Master est plutôt le portrait diffus de deux êtres désorientés, une œuvre dont le manque de clarté narrative rebute ou fascine. L’assemblage de scènes disparates (quelquefois splendides) engendre parfois une lassitude vite démentie par la virtuosité d’une réalisation totalement maîtrisée. Refusant la diabolisation du gourou et des membres de la secte, Paul Thomas Anderson établit une distanciation qui va au-delà du bien et du mal. Bien que développant une certaine fascination, cet éloignement émotif génère également une certaine froideur. Et même l’interprétation magistrale des deux acteurs peine parfois à faire oublier le manque de liant de la narration, simplement esquissée plutôt que véritablement contée.
Attendu au tournant après son magnifique There will be blood, Paul Thomas Anderson nous offre finalement un film original, quelque part entre tableau fidèle des fifties et étude psychologique, une œuvre dispersée, à la fois séduisante et frustrante, d’une étrange beauté imparfaite. Certes virtuose, The Master laisse cependant un goût d’inachevé, diffuse une odeur ensorcelante que l’on peine pourtant à humer et aguiche sans tenir toutes ses promesses.
http://www.youtube.com/watch?v=vIU8ik06y2I
Très bon film, porté par des acteurs au top ; le duo Seymour Hoffman/Phoenix bien sûr mais aussi Amy Adams dans le rôle de l’énigmatique Peggy.
Très déçu. La bande-annonce, intrigante, donnait envie. Considèrant There Will Be Blood comme LE chef-d’oeuvre de la décennie passée, je partais avec un a priori très favorable… Mais voilà, quand on n’accroche ni au récit ni à l’atmosphère et qu’on ne ressent aucune émotion, on finit par se lasser de rester constamment à distance des personnages. Mais je suis d’accord sur les points positifs: l’originalité de ce cinéma est à saluer, certaines scènes sont brillantes, tout comme le trio d’acteurs principaux (même si à la longue j’ai trouvé le jeu de Joaquin Phoenix irritant). Un film très maîtrisé et travaillé qui peut effectivement fasciner ou ennuyer.
Sur ce coup-ci je reste sur la touche.