Steven Wilson – The Future Bites

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Style: Rock progressif électronique et décomplexé Annee de sortie: 2021Label: Caroline Records

To the Bone nous avait gentiment préparés… Steven Wilson y affichait en effet déjà des velléités pop qui venaient se mélanger à son rock progressif tel qu’on le connaissait. Le mélange était formidable, comme à peu près tout ce que fait l’anglais depuis un moment. Sur The Future Bites le virage est ici pleinement pris et assumé par l’anglais, l’avenir dira s’il s’agit pour lui d’aller au bout du concept une seule et unique fois en poussant encore plus loin des idées ébauchées déjà sur un titre comme « Permanating » sur To the Bone, ou s’il s’agit d’une réorientation durable (je parierais sur la première hypothèse si on me demandait de choisir). Car évidemment la « pop » vue par Steven Wilson n’est pas forcément la pop grand public à laquelle on peut penser de prime abord, et ses qualités d’exploration, de recherche et d’expérimentation, sa vibe « progressive » en somme est toujours bien présente et si le résultat est toujours aussi réussi et magnifique, il est néanmoins probable que certains fans restent cette fois-ci sur le bord de la route et aient du mal à suivre le génie anglais. Car si on parlait encore de « rock progressif aux accents pop » pour qualifier To the Bone, on serait plutôt cette fois-ci sur de la pop un peu progressive dans laquelle subsistent encore quelques éléments rock. Mais c’est officiel : l’électronique a bel et bien ici pris le pouvoir sur les guitares qui se trouvent reléguées au rang de figurantes.

L’album est terminé et prêt depuis un moment déjà, et lorsque « Personal Shopper » est diffusé pour la première fois, son label et Wilson pensent encore que l’album pourra sortir à la rentrée (septembre) 2020 comme c’était prévu. Evidemment la crise sanitaire est venue bousculer les plans, et Wilson en a profité pour distiller petit à petit ses mises en bouche. Avec « Personal Shopper » (dont le message anti-consumériste est assez classique mais reste un message salutaire et bienvenu) donc d’abord, un morceau qui tout au long de ses 9min49 illustre plutôt à merveille la rupture franche que va représenter cet album. Car loin d’être un cas isolé sur l’album, « Personal Shopper » en est bel et bien un fier étendard, parfaitement représentatif du reste de ce qu’on retrouvera sur The Future Bites, tout en conservant une touche progressive qu’on ne retrouvera pas sur tout l’album.  Pop électronique donc, mais avec cette Wilson touch, cette ambition pour se dépasser et proposer quelque chose de spécial malgré tout.

L’électronique domine on l’a dit (évoquant quelque peu dans son utilisation un Massive Attack post Mezzanine), les chœurs féminins sont omniprésents (« Self », « Personal Shopper ») -sachant qu’ils étaient déjà présents sur To the Bone mais ils prennent une place et une importance ici bien supérieures-  et le format des titres du Maître se rapproche justement du format pop « classique ». Si l’on met de côté « Personal Shopper » qui reste un titre fleuve, habilement construit en respectant les standards progressifs, « Self », « King Ghost » sont des petits bijoux de pop moderne, de même que « 12 Things I Forgot » avec son piano dominant, un titre qu’on n’aurait pas forcément été étonnés d’entendre sur un album de Blackfield. « Eminent Sleaze » montre que si Wilson veut faire de la pop, il entend tout de même continuer à surprendre et à bousculer : cette pop bluesy/funky avec des chœurs funk, un clavier vintage, et un tempo sensuel qui s’accélère sur les refrains ne manque pas en effet de surprendre. On apprécie la prise de risque même si ce n’est pas à mon sens le meilleur morceau de l’album, et que ce n’est pas forcément une voie que je souhaite personnellement le voir emprunter à l’avenir. « Man of the People » est pour le coup beaucoup plus classique, une jolie balade assez consensuelle qui débouche sur « Personal Shopper », morceau dont on a déjà un peu parlé et qui est sans nul doute le titre le plus ambitieux de l’album. Personnellement je le trouve fantastique ce titre qui commence comme un morceau électro dansant, sur lequel Wilson arrive pour poser sa voix très aigüe, avant que le refrain porté majoritairement par des voix féminines déboule et balaye tout. Le qualificatif de « génie » n’est pas usurpé quand on est comme Steven Wilson capable de pondre quelque chose qui soit à la fois ambitieux, original, mais aussi extraordinairement accrocheur : le refrain vous rentrera dans la tête pour ne jamais en sortir. Sans surprise, « Personal Shopper » est le sommet de l’album, le point culminant tant en terme de créativité que de réussite, malgré un pont pas indispensable à base de spoken word faisant étalage de toutes les conneries que le monde moderne nous amène à souhaiter acquérir (liste égrenée par Sir Elton John pour l’anecdote). « Follower » met d’abord en avant des guitares assez dissonantes comme on n’en a pas entendu une seule fois depuis le début du disque, avec un refrain bien poppy et remuant, le tout avant que « Count of Unease » vienne clôturer de façon très atmosphérique et peu mémorable un album qui fera de toute façon date dans la discographie de Steven Wilson, ne serait-ce que parce qu’il sera vraiment allé au bout de ses idées et de sa volonté de faire évoluer sa musique, qu’on apprécie ou non cette nouvelle orientation…

Le bilan est positif globalement quoiqu’un peu réservé pour ma part : si j’apprécie vraiment la majorité des titres de l’album (« Personal Shopper » et « King Ghost » en tête) je regrette quand même que l’album soit un peu court (d’autant plus que « Count of Unease » est assez anecdotique). On aurait aimé avoir 2 ou 3 titres de plus à se mettre dans les oreilles et c’est d’autant plus regrettable et surprenant que Wilson a publié fin 2020 The B-Sides Collection un EP avec 3 titres tirés de la même session que The Future Bites (et un remix de « King Ghost » signé Tangerine Dream) dont certains (« Move Like a Fever » par exemple qui porte bien son nom!) n’auraient vraiment pas dépareillé sur The Future Bites. Attendons maintenant de voir comment l’album sera reçu par son public lorsqu’il le découvrira et quelle sera l’orientation choisie par Wilson pour la suite de sa carrière musicale!

Tracklist :
01 – Unself
02 – Self
03 – King Ghost
04 – 12 Things Forgot
05 – Eminent Sleaze
06 – Man of the People
07 – Personal Shopper
08 – Follower
09 – Count of Unease

krakoukass

Chroniqueur

krakoukass

Co-fondateur du webzine en 2004 avec Jonben.

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Commentaire

  1. Dun23 says:

    Un album plutôt surprenant dans le style pratiqué mais efficace. Tout n’est pas génial mais oui, Personal Shopper tue entre autre. J’aime bien Self et Eminent Sleaze aussi et je suis assez d’accord sur le côté anecdotique de Count of Unease. Une bonne sortie finalement même si mon petit cœur reste dédié à The Raven et Hand Cannot Erase.

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