L’année 2020, si pourrie fut-elle, aura pourtant vu naître plusieurs albums d’une grande beauté, dont cet album solo de Jonathan Hultén, lequel était encore, au moment de la parution de ce disque, le guitariste de Tribulation. Au moment de sa sortie mais plus maintenant, car la fin de l’année 2020 a vu le guitariste annoncer son départ en bons termes du groupe suédois pour se consacrer à d’autres projets.
Est-ce le succès critique de ce Chants from Another Place très éloigné du style de son groupe alors principal, qui a fini de persuader l’androgyne de la nécessité pour lui d’aller voir ailleurs? En tout cas ce premier album qui fait suite à un premier EP paru en 2017 fait la démonstration du talent énorme de Jonathan pour mettre en place des ambiances aussi feutrées que magnifiques, armé souvent de sa guitare sèche et de sa superbe voix, qu’il utilise de plusieurs façons, souvent doublée avec parfois des effets ajoutés qui ont pu m’évoquer sur le premier titre les chœurs tels qu’on pouvait les entendre sur le superbe et unique album des Dissociatives paru en 2005 à l’image de « The Mountain », ou en utilisant une réverb’ et en sifflant sur le très « ouest américain » « Where Devils Weep ».
Il nous cajole aussi à la manière d’un Simon/Garfunkel qui se doublerait lui-même, même s’il ne s’agit que de fredonner comme sur « Holy Woods » et ses « la, la la la, la la laaaaa ».
Pour autant le suédois n’a pas décidé, et c’est heureux, de nous endormir pendant les 40 minutes que dure l’album et il sait apporter du dynamisme et de la variété à son album, n’hésitant pas à rompre avec le (faux) classicisme apparent de son approche musicale (guitare+voix) en ayant recours ici à d’autres instruments comme cet orgue sur « The Call to Adventure », là à de discrètes sonorités électroniques venant compléter le panorama d’une astucieuse et très réussie façon à l’image de cette rythmique remuante sur « Next Big Day » ou des sons bizarroïdes en fond sur « The Roses ». La guitare disparaît même ponctuellement pour laisser la place au piano comme sur le bouleversant « Wasteland » (le duo piano/voix étant cette fois complété par un discret synthé et une non moins discrète et très rare boîte à rythme) ou sur l’instrumental « The Fleeting World ». L’étrange « Ostbjorka Brudlat » lui permet même de fredonner à plusieurs voix (mais toujours les siennes) un air manifestement inspiré des chants traditionnels suédois tandis que le final « Deep Night » prend pratiquement des atours mystico-religieux.
Finalement si l’on est globalement très éloigné du registre pratiqué habituellement par Tribulation, on retrouve tout de même une unique fois les sonorités typiquement tribulatiennes de la guitare branchée de Hultén sur le très bel interlude instrumental « Outskirts », également un des rares titres sur lesquels on peut entendre une batterie (en plus du piano).
En clair le suédois montre sa maîtrise de tous les registres et vient faire concurrence à Myrkur et Lunatic Soul pour prétendre au titre du plus bel album d’influence folk de cette année 2020.
Tracklist :
01 – A Dance in the Road
02 – The Mountain
03 – Next Big Day
04 – The Call to Adventure
05 – Wasteland
06 – Outskirts
07 – Holy Woods
08 – Where Devils Weep
09 – The Fleeting World
10 – Ostbjorka Brudlat
11 – The Roses
12 – Deep Night
Super album, à la fois très classique/classieux mais aussi particulièrement aventureux. Merci pour la découverte ! Perso, ça me fait pas mal penser à Nick Drake et même à Arthur Russell (pour les voix et les harmonies, principalement).