La fin de l’année approche à (trop) grands pas et force est de constater que de nombreux albums de l’année 2020 ne figurent pas (encore) sur votre webzine favori. Manque de temps ou d’inspiration (voire les deux), voici quelques oubliés/découvertes de 2020 valant le détour sous forme de mini-chroniques. Et comme on dit pour le covid, il y aura d’autres vagues bientôt, prenez soin de vous !
Goner. – A Hell For Horses (Autoproduction)
Découverts en 2018 avec leur effroyable EP éponyme, les quatre tarés de Goner. remettent le couvert avec A Hell For Horses. Une fois de plus le groupe va au-delà des limites du supportable, balançant sa mixture de grind et de chaos avec un goût prononcé pour les passages noise bien sales. Lourdes et destructurées, ces nouvelles compos soufflent un inconfortable air vicié, donnant nausées et sueurs froides à l’auditeur (profane ou pas). Du tout bon pour les amateurs de Full Of Hell (qui iront prendre une douche après).
Naedr – Past Is Prologue (Zegema Beach Records/Larry Records/Missed Out Records)
Les groupes originaires de Singapour ne courent pas les rues, et les groupes de screamo dans cette région du monde encore moins ! Le screamo de ce jeune groupe doit autant à Envy qu’au black metal, alternant ainsi fragilité et nerfs à vif coulés dans une implacable frénésie. Zegema Beach a une nouvelle fois eu le nez creux en dénichant cette perle dans une région où on aurait difficilement trouvé par nous même ! Un album passionné et passionnant qui vous fera pleurer des larmes acides.
Idolatria – Tetrabestiarchy (Signal Rex)
Second album mais nouveau départ pour les italiens d’Idolatria. Le groupe a en effet perdu son chanteur après Brevaerium Daemonicus Idolatrorum (2015), c’est donc désormais le bassiste qui se charge du chant, ou plutôt des râles qui surplombent ce black metal très riche, mélangeant tradition norvégienne et libertés plus modernes dans de nombreuses variations rythmiques (rythmiques qui s’emballent d’ailleurs bien souvent dans de très multiples directions dans un seul morceau) et d’atmosphères enrichies à l’occulte. Un poil alambiqué parfois mais une grosse sensation au final.
Thotcrime – onyourcomputer (Autoproduction)
Le cybergrind a connu un certain intérêt au début des années 2000 avant de presque intégralement disparaître. Thotcrime est l’un de ces tout jeunes groupes qui a décidé de réactiver cette variation electro de la scène Myspacecore trusté à l’époque par les Cutting Pink With Knives ou iamerror. Comprenant quelques invités dans le même créneau (Zombieshark! ou encore les prometteurs Blind Equation), Thotcrime donne un sacré coup de jeune à ce style grâce à des dynamiques irrésistiblement survoltées, plein de trouvailles sonores, ce tout en respectant les codes (durées sous les deux minutes, noms de morceaux rigolos) dans une réjouissante furie.
Bleeding Out – Lifelong Death Fantasy (Profound Lore Records)
Jeune groupe canadien comprenant d’actuels et anciens membres de Fuck The Facts, The Endless Blockade ou encore Column Of Heaven, Bleeding Out livre un redoutable premier album d’un death/grind moderne ultra véloce, expéditif mais aux morceaux néanmoins bien construits autour d’assauts furieux et de parties plus pesantes (parfois carrément doom comme pendant “Nightmares Forged In Blood”). Dix-huit minutes (qui régalent) d’un style qu’on aurait pas vraiment attendu chez un label comme Profound Lore. Fessée !
Dropdead – Dropdead 2020 (Armageddon Label)
22 ans après leur dernier véritable album (éponyme), les papas (voire papys vu la blancheur de leurs barbes !) du d-beat/grind/hardcore punk à l’ancienne livrent une nouvelle offrande long-format. Le split de 2011 avec Converge était prémonitoire de la collaboration du groupe de Providence avec Kurt Ballou, celui-ci a totalement respecté le son cru typé 80’s de Dropdead qui montre combien sa hargne est intacte malgré le poids des années (même si les vocaux sont un poil moins hargneux qu’avant). Les messages politiques sont eux aussi toujours bien là, tandis que la vitesse d’exécution nous ramenant au bon souvenir de Siege ou Crass démontrent combien ces pionniers sont toujours là pour en découdre !
Black Curse – Endless Wound (Sepulchral Voice Records)
“Supergroupe” composé de membres de Spectral Voice, Blood Incantation, Khemmis et Primitive Man, Black Curse livre avec ce Endless Wound un premier album mixant death et black metal dans une alliance aussi barbare que nihiliste. La violence apparaît là malsaine, bestiale, ultra crasseuse avec cette voix inhumaine (parfois trafiquée), telle un monstre des abysses, tandis que les rythmiques tortu(r)euses s’allient d’une pesanteur étourdissante. Chaud à encaisser mais les amateurs de Katharsis ou Teitanblood peuvent volontiers venir se faire peur tant cet album est dangereux.
Svalbard – When I Die, Will I Get Better? (Translation Loss Records/Church Road Records)
Ultime album sorti chez feu-Holy Roar Records (dont l’issue fatale a fait suite à des accusations de viol de son fondateur), Svalbard a su rebondir chez Translation Loss et Church Road (ce dernier étant un label monté par des rescapés d’Holy Roar, jouant aussi dans Employed To Serve). Surtout que le propos des anglais est toujours orienté sur les maux et la violence de la société actuelle, autant dire qu’il y a de quoi se révolter et Serena Cherry (la vocaliste) le fait toujours particulièrement bien. On notera aussi une évolution par rapport aux albums précédents, l’agressivité s’éclipsant souvent au profit d’une surprenante sensibilité, la tension se transformant en tristesse façon Envy. Des émotions intactes et à fleur de peau pour un album bouleversant.
Fluisteraars – Bloem (Eisenwald Tonschmiede)
Après l’incroyable “De Oord”, titre-fleuve paru sur le split avec leurs compatriotes Turia, autant dire que j’attendais le nouvel album des néerlandais Fluisteraars avec impatience. Bloem poursuit dans le même esprit, déployant un univers nostalgique très touchant via des atmosphères, tantôt en retenue, tantôt plus acérées. Sans tomber dans les lieux communs du post-black, ce court album (seulement 34 minutes) vaut surtout pour la qualité de ses mélodies et de l’approche peu commune du black metal des deux entités derrière ce projet. Et si vous n’en n’avez pas eu assez, sachez que Relaas, une réédition des deux premières démos est sortie en octobre dernier, où le duo sonne bien plus raw.
Clown Core – Van (8===D)
Il y a deux ans, deux clowns (des vrais de vrais!) ont fait le tour des réseaux sociaux, jouant un mélange de jazz, de mathcore et l’electro dans des toilettes de chantier. Des titres décousus, étranges et surtout un humour bien gras (rien que le nom de leur label en dit long…) qui leur ont permis de se forger une petite réputation online. Cette année, c’est dans un van que se retrouve le duo, ayant parsemé des extraits de cet album dans des vidéos wtf. Mais à côté de leur apparence si spéciale, les deux gars touchent vraiment leur bille: le batteur étant ultra technique tandis que le saxophoniste balance d’incroyables envolées jazz entre deux syncopes chaotiques (mention à “computers”, à l’incroyable solo de saxo !). Un concept-album à l’approche aussi unique que barrée, foncez voir leurs vidéos si ce n’est pas déjà fait !
Cytotoxin – Nuklearth (Unique Leader Records)
Tchernobyl et autres catastrophes nucléaires inspirent toujours autant les allemands de Cytotoxin, les cinq gaillards traitent de ces thématiques sur fond de death technique depuis maintenant dix ans et la qualité est toujours au rendez-vous. Brutal mais accrocheur, possédant une technique instrumentale irréprochable (avec un batteur mitraillette très impressionnant), Nuklearth vaut pour ses passages mélodiques assurés par des guitaristes virtuoses dont certains chorus nous emmènent sur les traces de Centaurus-A, tandis que vocalement le dénommé Grimo se montre monstrueux (pas loin du timbre de Julien Truchant de Benighted). Un album à la radioactivité vite addictive !
Terminal Nation – Holocene Extinction (20 Buck Spin)
Après de nombreuses démos, Eps et même un split avec les frenchies de Neckbeard Deathcamp, Terminal Nation a atterri sur le très bon 20 Buck Spin pour son premier album. Holocene Extinction est un remarquable premier jet faisant du neuf avec du vieux: des influences death old school mêlées à un son hardcore crustisant bien étouffant. On entend là un peu de Xibalba, un peu de Gatecreeper mais aussi du Napalm Death (surtout vocalement), mais les cinq gars de l’Arkansas trouvent leur propre voie à base de murs de gros riffs swedeath sur fond de rythmiques en core, de l’excellent crossover qui gratte !
Eastwood – It Never Gets Easy (Pure Noise Records)
En attendant de pouvoir reprendre les tournées ou d’enregistrer un nouvel album (ou les deux) avec Knocked Loose, son guitariste Cole Crutchfield s’est décidé à se la jouer solo. It Never Gets Easy est pourtant très loin du hardcore du combo du Kentucky, Crutchfield livrant là une partition entre pop punk et rock des années 90 à base de refrains instantanément mémorisables. Pourtant on est là bien loin d’une version édulcorée du style, les émotions jouant la carte de la nostalgie avec quelques sursauts nerveux de temps en temps. Bien qu’assez facile d’accès, une sympathique parenthèse mêlant douceur et une certaine amertume.
Choir Boy – Gathering Swans (Dais Records)
On termine cette première vague par une friandise aussi aérienne que nostalgique. Choir Boy et son second album Gathering Swans (quatre ans après Passive With Desire, toujours chez Dais, le label de Drab Majesty) nous plongent dans un mélange de pop, de new wave avec un peu de post-punk et de synthwave, excellent mix mené par la voix angélique d’Adam Klopp (qu’on a aussi pu entendre sur le dernier Soft Kill). Le résultat est sucré mais éthéré, souvent tristounet mais lumineux avec ses agréables relents de Tears For Fears. Un album tel un chocolat de Noël fondant dans la bouche (mais pas un Mon Chéri !).